mercredi 30 mai 2007

Le hachoir à viande revisité : PART TWO

Décidément, mon hachoir à viande multiplie les occasions de se rendre utile. J'ai dernièrement révolutionné mon mode de fabrication d'hummus (ou bouette de pois chiches). Car j'étais aux prises avec un sérieux problème, qui se détaille comme suit :

1-Mon mélangeur (blender) n'est pas assez puissant pour venir à bout des pois chiches;
2-Mon pied mélangeur a senti le chauffé quand j'ai tenté de pulvériser mes pois chiches avec;
3-Je n'ai plus de place dans mes armoires pour ranger un robot culinaire;
4-Je n'ai donc pas de robot culinaire;
5-Le robot culinaire serait, pensai-je, le seul engin capable de produire un hummus digne de ce nom.

Par chance, un éclair de lucidité m'a traversé l'esprit et j'ai décidé que si mon hachoir à viande était capable de faire de la chapelure, pourquoi ne pas lui apprendre à écrapoutir des pois chiches?

Bonne nouvelle.

Ça marche.

Ma recette d'hummus :

2 tasses de pois chiches cuits
3-4 c. à soupe d'huile d'olive
5-6 c. à soupe de yogourt nature
1 gousse d'ail écrasée
2-3 c. à soupe de jus de citron
Graines de cumin fraîchement écrasées
Sel et poivre concassé
Le tout malaxé énergiquement. Ajouter du yogourt et de l'huile d'olive selon la texture souhaitée.

À votre santé!

Faire mordre la poussière au smog

Malgré la clémence du temps et le retour inespéré du duo lunettes de soleil et chaises de parterre, les journées caniculaires de la semaine dernière ont donné un avant-goût douteux de l’été qui s’annonce. Un thermomètre affichant dans les trente degrés à la mi-mai demeure exceptionnel. Par surcroît, plusieurs épisodes de smog ont déjà été enregistrés. Y a-t-il vraiment matière à s’inquiéter?

Quand une alerte au smog est lancée, les météorologues conseillent aux personnes âgées et aux jeunes enfants d’éviter de sortir dehors. Pourquoi? Parce que température élevée et pollution de l’air ne font pas bon ménage. Le smog peut en effet causer de sérieux malaises pulmonaires et cardiovasculaires chez ces personnes dont la santé est plus vulnérable. Même si on nous explique souvent l’abc de l’air pollué, le où-quand-comment-pourquoi du smog demeure assez nébuleux. Tentons une fois pour toutes de percer le mystère de ce vilain phénomène.

En fait, cette brume jaunâtre qui recouvre les villes par temps très chaud résulte d’un méchant cocktail de polluants. Quand l’oxyde d’azote et les hydrocarbures qui s’échappent de nos voitures réagissent avec les rayons du soleil, c’est là qu’apparaît l’ozone au sol, principal ingrédient du smog. Ajoutons à cela une chaude journée où l’humidité plafonne. Smog? Pour la contraction de smoke (fumée) et de fog (brouillard).* Fin du mystère.

Devant ce phénomène de plus en plus fréquent, devons-nous rester les bras croisés à maudire notre sort? Pouvons-nous à tout le moins inverser la vapeur? Heureusement, oui. À preuve, en 2004, lors de la journée « En ville sans ma voiture » de Montréal, la pollution de l’air a diminué de 40 %, seulement en fermant quelques rues du centre-ville à la circulation automobile durant une petite journée.

En période de smog, souvenons-nous que ce n’est pas le ciel qui nous tombe sur la tête. Ce sont plutôt nos habitudes de vie qui tombent sur les nerfs de l’atmosphère! La combustion de carburant se retrouve au banc des accusés : voitures, usines et centrales thermiques sont certes à pointer du doigt, mais aussi motos, coupe-bordures et tondeuses à gazon, qui s’en donnent généralement à cœur joie par beau temps.

Pour faire mordre la poussière à la pollution de l’air, des moyens simples existent et sont à la portée de tous. Côté transport, pensons covoiturage, marche, vélo ou transport en commun. Dans le jardin, changeons dès maintenant les assourdissants appareils à moteur deux temps pour des modèles électriques ou manuels. Bichonnons la mécanique de nos automobiles pour limiter leurs émanations néfastes. En faisant de la qualité de l’air une priorité, les belles journées d’été seront davantage à notre portée.

*Explications tirées de l’ouvrage Chimie de l’environnement, de Marc J. Olivier.

jeudi 24 mai 2007

Changer... pour vrai

Les bonnes habitudes environnementales commencent à la maison, et la plupart du temps, pour des raisons pratiques. À preuve, le bac de récupération, qui, il y a vingt ans, aurait eu l’effet d’un O.V.N.I. dans le voisinage, fait dorénavant partie des vieux meubles. Pour plusieurs, le geste de rincer les boîtes de conserve avant de les balancer dans le bac vert est devenu aussi automatique que de cligner de l’œil.

De la même façon, les adeptes de la compostière domestique ont toujours à portée de main, sur le coin du comptoir, le contenant à résidus de cuisine où atterrissent chaque jour pelures de carottes, cœurs de poires et coquilles d’œufs. Il suffit d’aller popoter chez la belle-sœur qui ne fait pas de compost pour qu’une soudaine culpabilité ne saisisse le converti, au moment où il jette à la poubelle les feuilles de laitue flétries.

L’aspect économique joue aussi pour beaucoup dans le changement de comportement et l’adoption de bonnes habitudes. Du moment qu’il paie pour sa consommation d’électricité, d’eau chaude et de chauffage, le locataire autant que le propriétaire se convertit généralement plus vite aux ampoules fluocompactes, à la pomme de douche à débit réduit et au colmatage hivernal des fenêtres. Sans trop d’effort et parce que ses sous sont en jeu, il éteint les lumières en quittant une pièce et baisse le chauffage de quelques degrés avant d’entrer sous l’édredon.

Pourtant ces habitudes acquises au fil du temps et par souci d’économie ne tiennent parfois qu’à un fil. Pour d’obscures raisons, il suffit de placer un individu dans un autre contexte pour que la vertu fiche le camp. Ainsi, cette même personne qui prend un soin jaloux de sa récupération domestique peut devenir, au bureau, un peu moins à cheval sur ses principes. « Il n’y a pas de bac de récupération dans la salle à dîner » devient alors un obstacle difficile à surmonter, qui justifie amplement qu’une bouteille de plastique prenne le chemin de la poubelle. Est-il vraiment plus compliqué de ramener une bouteille vide à la maison le soir que d’en amener une pleine le matin? Ou encore mieux, de veiller à ce qu’on munisse la salle d’un système de récupération?

Le buveur de café invétéré qui, dans le confort de son foyer, se gargarise avec l’aspect équitable de son élixir, peut laisser de côté ses convictions si la machine à café automatique du bureau n’en offre pas. Est-il impossible de proposer un nouveau fournisseur de café? Patron nous montrera-t-il la porte si on lui suggère d’abandonner les verres de styromousse pour des tasses réutilisables à l’effigie de la compagnie?

Dans la balance environnementale, les gestes quotidiens, tant à la maison qu’en milieu de travail, comptent pour beaucoup. Sans compter les heures de dodo, si la moitié de ma vie se passe au boulot, c’est là que je produis la moitié de mes impacts environnementaux. Mes bonnes habitudes environnementales sont portatives. Pourquoi ne pas les traîner partout avec moi?

jeudi 17 mai 2007

In Memoriam


Ci-gît un robot culinaire à alimentation manuelle presque neuf. Bien qu’une publicité enthousiaste (et mensongère) en vantait la multifonctionnalité, l’objet s’est plutôt avéré dysfonctionnel, bruyant et embarrassant. Acheté à Noël, il a été mis à l’index avant Pâques. Après de longues années passées dans le couloir de la mort (le fond du garage), il mange maintenant les pissenlits par la racine, enterré vivant et entouré de quelques congénères hétéroclites.

Mince consolation pour le robot déjanté, son âme repose quand même à côté d’un jeune grille-pain que l’on vendait 8,99 $, une véritable aubaine sans garantie de fonctionnement. Ce dernier, après seulement six mois de loyaux services, a cassé sa pipe sans demander son reste. Il laisse désormais dans un deuil relatif son propriétaire, un être insouciant qui n’a jamais vraiment aimé investir de gros montants dans les petits appareils électriques. « Quand ça brise, on en rachète un autre, c’est tout. »

Le malheureux grille-pain rejoint dans l’éternité un écran d’ordinateur jauni, qu’un usager en soif de renouveau a remplacé par une version plus moderne, plus aplatie et plus grande. Inhumé prématurément (zut, l’étudiante qui habite à côté dudit usager en aurait justement eu besoin), l’écran, dans la noirceur de son lugubre tombeau, pleure des larmes de plomb, de cuivre, de mercure, de cadmium et autres lourds ennemis de la nappe phréatique.

Ces larmes de métal ne laissent pas indifférentes un cortège de piles alcalines enfouies non loin de là. Ces énergiques demoiselles croyaient à la réincarnation jusqu’au jour où elles se sont senties un peu à plat. On a alors fait fi de leurs croyances et décidé bêtement que leur vie utile s’arrêtait là. Mauvais choix. Ces piles ont des cousines qui, même usées à la corde, ont abouti non pas dans un corbillard d’ordures, mais dans un éco-centre où un accueil chaleureux les attendait.

Ces éplorées se consolent en se rappelant une rumeur déjà entendue, concernant des piles particulières, qui, moyennant un court séjour dans un étrange cercueil appelé « chargeur », renaissent littéralement de leurs cendres. Ces précieuses piles, parce que plus coûteuses, ne sont toutefois pas toujours le premier choix des consommateurs.

S’ils pouvaient écrire eux-mêmes leur épitaphe, ces objets n’iraient pas de main morte : « À la douce mémoire de tous les objets choisis à la hâte pour sauver trois sous, conçus pour briser ou froidement assassinés. Puissent-ils demeurer dans les pensées afin qu’on cesse à jamais de jeter les choux gras. »

mardi 15 mai 2007

Le hachoir à viande revisité


Depuis quelques temps, une demie baguette de pain séchait sur le coin de la table de la cuisine. La chose était bien dure, et donc mûre pour une métamorphose, ou pour manger une volée, c'est selon. Je lui ai dit de choisir entre la mort ou la chapelure. Elle a choisi la chapelure*.

D'habitude, la meilleure méthode pour faire de la chapelure avec un vieux pain rabougri est de casser en grosses miettes le pain sec, de le mettre dans un sac Ziploc et de passer énergiquement le rouleau à pâte dessus, jusqu'à ce que poudre s'en suive. Mais là, les choses se sont corsées. Parce que la baguette était sèche, que dire, calcifiée. Tellement dure en fait que le rouleau se trompait de cible et écrasait pas mal plus mes doigts que le damné pain.

C'est là que j'ai sorti l'arme fatale. Le hachoir à viande, qui, une fois l'an, me sert à mouliner du jambon. J'ai testé le rutilant engin et ô combien concluante s'est avérée la manoeuvre. Idéalement, il faut quatre mains pour maintenir en place le hachoir et le pot qui recueille la chapelure, pour tourner la manivelle avec vigueur et surtout, pour coincer les bouts de pain dans l'engrenage infernal. Moyennant un certain travail d'équipe (en évitant d'ajouter des miettes de doigt de conjoint dans le résultat du carnage), tout se passe très bien. Il fallait y être pour palper l'intensité de la joie provoquée par cette découverte.

Partagez la bonne nouvelle à tous les propriétaires de hachoir à viande. D'ailleurs, j'en ai deux. À qui la chance?

*Chapelure : très utile quand on façonne des boulettes, sinon la viande s'émiette et fait abondamment sacrer la personne qui a les deux mains dedans. Sacrer, c'est mal.

mercredi 9 mai 2007

Faire le vide, jusque dans la "canisse" de crème hydratante

Si comme moi, vous utilisez 45 gallons de crème hydratante par mois, vous avez sûrement, un jour ou l'autre, été confronté au satané fond de pot. Vous savez, ce mal maudit qui fait en sorte qu'on a beau pomper la bouteille en sachant pertinemment qu'il reste un pouce de crème dans le fond du contenant, peine perdue, plus rien n'en sort?

Vous en avez assez de secouer ledit emballage dans toutes les directions, et d'hydrater du coup le rideau de douche et le tapis de bain?

Mettez un terme à cette malédiction. Ça peut paraître simpliste, mais j'ai récemment compris qu'en sciant littéralement en deux le détestable réceptacle (à l'aide d'une machette, d'un taille-bordure, ou de tout autre objet contondant), je peux facilement récupérer le précieux élixir jusque dans les moindres recoins.

Mise en garde : ne vous sciez pas les doigts : )

mardi 8 mai 2007

Ma théorie de la relativité

Tout est relatif.
La distance, par exemple.
Quand j’avais quatre ans, le seul fait d’aller voir grand-maman à Saint-Tite me paraissait aussi long et hasardeux que de faire le tour de la terre en calèche.
C’est quand je me suis farci Sherbrooke-Havre-Saint-Pierre dans une Mazda 323 avec deux potes que j’ai relativisé. Saint-Tite, en fait, c’est au coin de la rue. Par rapport à Havre-Saint-Pierre, s’entend.
Tellement loin, Havre-Saint-Pierre, qu’en fait ça prend moins d’heures (en avion) pour aller jouer en sol français que d’aller (en voiture) se bourrer la fraise dans les confitures de chicoutée du beau village des Cayens.
Le temps qui passe n’est pas non plus épargné par la tout-est-relatif théorie.
Un exemple. Les mois ne m’ont jamais semblé aussi interminables qu’à Ottawa, quand j’effectuais un stage bidon dans un défunt ministère qui l’était tout autant, à saveur canado-propagandiste. Un avant goût prémonitoire de la houleuse commission Gomery.
Trois mois et demi où chaque pauvre journée s’égrenait à la même pauvre vitesse, celle que prend une tortue unijambiste pour remonter la côte King sur le verglas. Relativement long, dis-je.
Pourtant, trois mois, citron que ça passe vite de ce côté ci du monde.
Mine de rien, c’est le quart d’une année qui vient de me filer sous les yeux, comme un guépard bien cocaïné qui descend la côte King, une F1 à ses trousses. Toujours sur le verglas, tiens-je à préciser.
Archi-vite.
Déjà quand on vit avec six heures d’avance sur sa terre natale et les gens qu’on y aime, les secondes qui se précipitent en fou ne sont peut-être pas qu’une impression. Quand en plus on souhaite tout voir et tout goûter, une vie entière, ce n’est pas assez. Alors trois petits mois…
Relativité, toujours.
Or bien malgré moi, mon exil s’achève déjà. Remarquez, il y a quand même du bon. J’ai enfin atteint le point de saturation gastronomique. Qui l’eut cru ? Je n’en peux tout simplement plus d’être cette oie de service que l’on « outregave » sans pitié.
N’empêche, malgré le sourire sadique de mes hôtes qui s’entêtent à tout me faire goûter, s’il y avait un abonnement à vie pour ce pays, je serais la première à me le procurer. A n’importe quel prix.
J’ai maintenant presque honte de mon hésitation à partir, de m’être demandé si cela en valait la peine. J’ai même failli décliner par crainte qu’en mon absence, personne ne s’occupe d’arroser mes plantes et de ramasser mon courrier. Préoccupations majeures, hein ?
Oh que j’ai été bête de penser que deux trois bouquets de feuillage bien soignés et quatre cinq foutues factures dûment payées aient, il y a trois mois, pu faire contrepoids à ce séjour outremer que j’ai tant aimé partager avec vous.
Séjourner en France peut causer une dépendance.
C’est ce qui devrait être inscrit sur la pochette en papier de mes billets d’avion. C’est ce qu’auraient dû me dire tous les « franco-accrocs »—et ils font légion—parce que maintenant, je m’obstine à croire qu’on ne peut pas ne pas y revenir. Non, ça, ce n’est pas relatif.

À la douce mémoire du pavillon 4

Je vis dans un état constant d’impressions de déjà vu. Vous savez, ces flashes de « coudonc, j’ai déjà vécu ça moi… ». D’habitude, ça me prend deux trois fois par année. Mais là, ça me poursuit.
Il y a sept ans, je descendais les marches du pavillon 4, celles qui donnent sur Kennedy Sud, le cœur un peu en bouillie. Au bout de deux mémorables années, le programme collégial de Lettres était déjà complété, en bonne et due forme.
Un peu trop vite à mon goût. Je l’avoue, j’aurais presque aimé échouer quelques matières pour pouvoir y retourner en septembre. Manger des Ringolo dans les corridors étroits du plus ancien pavillon du collège de Sherbrooke, connaître et saluer une personne sur deux dans l’établissement… La joie, quoi !
Entre les cours de philo de la volubile Marie-Germaine et ceux de littérature québécoise du sieur Georges-Vincent, le défunt programme Lettres aurait pu, ou dû, s’appeler Survol à distance de Paris et de son histoire.
Ce que les profs nous en ont mis dans le crâne pendant cette pourtant si courte période ! Et bêtement, c’est maintenant que je m’en rends compte.
Parce qu’en ce moment, j’ai les deux pieds dedans ce que j’ai étudié sept ans auparavant. D’où les fameuses impressions de déjà vu.
Parce que chaque page de la saga Malaussène de Daniel Pennac, qu’a introduit dans ma vie Réjean Bergeron (je ne l’en remercierai jamais assez), et la littérature policière qu’il enseignait avec passion, prend soudainement tout son sens quand on a vu et marché la multiethnique Belleville.
Parce que les splendeurs du musée d’Orsay au grand complet se veulent la version en 3 D des exposés et diaporamas de Claudine Desautels, enseignante colorée qui nous injectait si bien son dada de l’histoire de l’art.
Parce que de l’autre côté de la Seine, plantée dans l’immense Louvre, la Vénus de Milo (quand on réussit à la voir au travers les marées de visiteurs) me rappelle les blagues timides du Richard du même nom, à un « t » près.
Parce que de cimetières en places, de rues en avenues, les écrivains des temps passés voient leurs noms immortalisés autrement que dans les dizaines de grandes œuvres que Lucie Forget nous présentait, les yeux brillants. Ils sont tous là, de Aragon à Voltaire, de Ronsard à Balzac.
Et Zola aussi, un peu, indirectement, par les Halles toujours bondées où j’ai fait de belles trouvailles, et dont l’auteur fait l’exhaustive description dans Le Ventre de Paris.
Et par le réseau ferroviaire, que j’utilise à outrance, et dont le petit côté glauque me ramène toujours à certains passages éloquents de La Bête humaine.
L’école m’en a fait voir de toutes les couleurs, et beaucoup en peu de temps. Ce que je croyais avoir appris pour mieux oublier ne s’en est apparemment pas complètement allé.
Prise entre le bourrage de crâne et les travaux à remettre, l’étudiante que je fus mettais souvent en doute la pertinence de ce qu’on lui enseignait. Aussi j’ai certainement ronchonné au moment de mémoriser, d’analyser et d’interpréter.
Mais ce qui était un petit programme préuniversitaire vite fait bien fait, que certains appelaient même « vacances » s’avère finalement, vu d’ici, être le plus précieux, le plus complet, le plus infaillible des guides touristiques !

Plat pays, ventre rond

Visite éclair (au chocolat)
Il y a plus d’un an, l’amie Jacinthe en avait déjà par-dessus la tête avec les préparatifs de son éventuel séjour de six mois en Belgique. Plus planifiée que son propre agenda, elle était déjà angoissée, la pauvre, avec le logement à trouver et les paperasses à fournir.
Tracassée, oui, un brin. Mais surtout, bien fébrile. Car celle qui ne dit jamais non à un petit dessert bien cochon avait déjà les yeux dans l’eau en pensant aux chocolatiers, aux stands de gaufres et aux cabanes de patates frites qui, dans les rues de la terre natale du si grand Jacques, jouent du coude pour séduire le gourmand passant.
Pour la rassurer (et pour mettre du piquant dans ma psyché), je lui fis alors une promesse de « chocolique », celle d’aller la rejoindre au début de l’été. De moi aussi partir me vautrer, en sa compagnie, dans les largesses culinaires du territoire belge. Faut bien rêver.
Certaine que je ne pourrais jamais me payer primo l’aller-retour, secundo le chocolat, les frites, la bière ou bedon la gaufre, j’y avais pourtant presque mis ma main droite sur la Bible et la gauche à couper. Promesse solennelle, jurée, crachée et sentie, sur laquelle, honnêtement, je n’aurais pourtant moi-même pas osé parier.
O surprise ! O chers détours de la vie ! Mais voilà, qui retrouve-t-on, première fin de semaine de mai, bouche pleine et bedon rond, bras dessus bras dessous dans la ville qui prête son nom aux petits choux ?
Eliseke et Jacintheke, très (trop) bonnes fourchettes devant l’Eternel, qui s’envoient sans trace de scrupules tantôt un généreux cornet de frites (et pas de la patate surgelée, madame), tantôt une émouvante variété de petits chocolats, tantôt une gaufre brûlante sous le soleil de Bruges qui l’est tout autant, tantôt une bienheureuse cervoise sur une terrasse de la majestueuse Grand Place, à Bruxelles.
Certaine d’avoir raccourci mon parcours sur terre d’au moins deux ans à grands renforts de lipides et glucides, consommés en moins de temps qu’il n’en faut pour crier kilo (en trop), je contemple, satisfaite, mes photos du plat pays, même si mon ventre, lui, ne l’est vraiment plus !
Parenthèse verte
Sur un ton moins badin, et puisque la ripaille n’est pas tout, la France vient d’entrer en guerre. Elle monte aux barricades et montre les dents aux 23 milliards de sacs de plastique produits ici chaque année.
Dans un reportage présenté récemment aux informations, on nous montrait les ravages de cet emballage surproduit, surutilisé et surtout, surabandonné n’importe où. Des sacs de plastique, durant le deux minutes du reportage, on estimait en avoir produit environ 9000.
Le sac est conçu en une seconde, reste à peine 20 minutes entre les mains du consommateur, mais termine ses jours dans une « lentissime » agonie de 400 ans. Souvent dans les lieux d’enfouissement, ou dans la nature, ou dans l’estomac des tortues et dauphins, qui prennent pour de succulentes méduses ces immondes ordures, autopsies animales à l’appui.
Devant l’ampleur du problème (malheureusement planétaire), certains secteurs, comme l’île de Ré, ont appliqué une méthode radicale : abolition du sac de plastique. A consulter si le sujet nous préoccupe, l’inspirant dossier déchet au http://www.cc-iledere.fr/

Dans les froideurs du Sud

La Française temporaire en moi s’attendait à trouver ici un printemps suave doublée d’une météo clémente.
A me taper les –25 et compagnie trois mois par année depuis un quart de siècle, j’avais foi en ma nordique couenne, et foi en ce franc pays pas souvent enneigé pour me gratifier d’un bel avril doux, d’un mai radieux et d’un juin torride à faire peur.
Bah, disons que j’ai été un peu naïve… et que certains jours ma sélection de petites laines me manque un brin. Je grelotte à Paris ? Qu’à cela ne tienne ! Pour un tout petit peu plus de trois heures et demi de TGV, j’ai accès au sud de la France, où m’attend par surcroît à bras ouverts la copine Johanne, rencontrée deux ans auparavant dans une virée d’Allo-stop qui s’est soldée en amitié virtuelle.
Ô TGV, sublime invention, transbahute-moi vers un sud mythique aux accents chantants, bien loin de cette Paname obstinément maussade !
Chose rêvée, chose faite. Vendredi 15 avril. Je prends le TGV, merveille que je ramènerais bien dans mes bagages si ce n’était du tome 5 de Harry Potter qui prend vraiment toute la place. Quelques chapitres dudit mastodonte plus tard, mon pote le TGV entre en gare à Montpellier.
A ma descente du train, un vent frette, que dis-je, une bise glaciale, additionnée d’un crachin inhospitalier, me salue bien bas. Bienvenue dans le sud, me postillonne-t-il, l’impoli !
Illico presto je ressors mon chapelet et mes incantations de première communiante pour que le ciel se garde de nous la poivrer samedi. Le lendemain, le petit Jésus des Français semble avoir entendu mon appel d’une oreille seulement (ce doit être l’accent, soupirai-je). Nuageux.
Johanne la généreuse se charge gentiment de me faire découvrir sa belle Montpellier, ville du Languedoc abritant quelque 400 000 âmes, qui m’apparaît aussitôt plutôt coquette. Nickel même.
Les conditions climatiques la privent généralement de neige, donc de l’assaisonnement d’usage qui évite de prendre le décor (sel, sable et autres ignobles condiments).
La grande majorité des édifices donnent dans un beige clair. Qu’ils soient tout récents ou bicentenaires, le coup d’œil non averti y voit une architecture propre et harmonieuse. Autre trésor montpellierien, l’importance que l’on accorde aux piétons. A un point tel que les automobilistes s’arrachent les cheveux (gna gna gna).
Le cœur de la ville est striée de charmantes ruelles qui partent dans tous les sens, interdites aux voitures et ornées de vases d’Anduze (très grand pots de fleurs flammés de vert, de miel et de brun, dit-on). Une spécialité locale.
Les allées sont lisses, souvent surmontées d’arches qui relient les édifices entre eux. Mon ravissement se chamaille avec mon enthousiasme pour déterminer qui des deux est le plus fort. Match nul.
Rues bordées de palmiers (suppliciés de bourrasques, toutefois), place de la Comédie bondée de terrasses pleines, arc de triomphe, aqueduc romain. Vignes du Languedoc à perte de vue, saucette éclair à Uzès, ville qui a accueilli sieur Racine adolescent, marrons confits et muscat du dimanche.
Vous en voulez encore ? Moi aussi, mais une fin de semaine est si vite passée…

Tulipes, Bretons et autres péchés mignons

Il est de ces anecdotes qui font toute la différence entre la gentille chronique de voyage et le papier un peu plus relevé. Et il y a ces gens que l’on rencontre qui nous créent, en deux minutes, d’impérissables pensées.
Ce qu’il faut avant tout savoir, c’est qu’en ce pays, du moment que le Québécois moyen ouvre la bouche, il renonce du coup à son anonymat.
A Paris, ville multiethnique comme pas une, chacune des prises de paroles publique du « canayen français » provoque une grêlée de regards en points d’interrogation.
Chez les Bretons, je viens de l’apprendre, se faire aller la trappe en français quand l’accent diffère suscite une enfilade de questions intéressées.
La Bretagne donc. Visitée par votre humble journaliste durant sa dernière escapade hebdomadaire. De la Bretagne, je ne connaissais jusqu’à ce jour que les crêpes mythiques et le génial beurrier (fini, le béton armé à tartiner que l’on sort du frigo !).
Pour mettre un terme à cette triste ignorance, je mets le cap vers Lorient, ville tombée sous les bombes de la deuxième grande guerre, et qui, à ce qu’on en dit, n’est plus que l’ombre de ce qu’elle fut jadis.
Puis, dimanche matin, je continue mon périple vers Vannes. Une Vannes endimanchée, endormie, mais belle comme le jour. De superbes chaumières à colombages, que l’on rencontre si rarement chez nous et dont certaines sont là depuis le 14e siècle, se succèdent dans les ruelles étroites. Je photographie frénétiquement toutes les beautés qui jalonnent mon chemin (et franchement, ce n’est pas peu dire).
Vannes est cerclée de remparts. Pour entrer dans les murs datant de je ne sais plus combien de siècles de cette fascinante cité médiévale, le piéton (ou l’automobiliste téméraire) a accès à de grandes portes.
Bonne touriste, je me prépare à photographier l’une d’elles, la porte Saint-Vincent, quand à la dernière fraction de seconde surgit un individu dans le cadre établi. Il se retrouve aussitôt au premier plan de ma version photo de la porte Saint-Vincent.
Comme je ne suis pas maniaque, je ne reprends pas la pose. Celle-ci suffira, même avec un figurant surprise.
« Vous n’auriez pas dû me photographier, madame. » Oh merde, serait-on en train de me semoncer ? Gloup !
L’homme s’avance vers moi. « J’avais la goutte au nez, ça ne fera pas une très jolie photo ! », précise-t-il, en extirpant de son imper un long mouchoir de tissu.
Ah ben ouf ! Voyant le ton avenant de mon interlocuteur, je lui réponds en rigolant qu’il n’a pas à s’inquiéter et lui montre aussitôt l’image dont il est malgré lui le héros.
« Mais dites donc, mademoiselle, où avez-vous attrapé votre accent ? », m’interroge-t-il sitôt fini mon bref laïus. Belgique ? Suisse ? … ? »
Je l’arrête avant qu’il ne me sorte Guyane française ou île Maurice. « Du Québec, monsieur ».
Il se retourne vers une poignée de gens postés derrière une table qui croule sous les gerbes de tulipes, vendues au profit de la lutte contre le cancer, et leur fait part de ma provenance avec enthousiasme.
« Je vous les offre, mademoiselle », ajoute-t-il ensuite en tendant une dizaine de rouges à une Québécoise consternée (moi).
« Au fait, j’espère que vous n’êtes pas journaliste, je n’aimerais pas que ma femme me voit dans les infos », dit-il avant de s’éloigner, sourire en coin.
Si, justement, brave homme. Mais ne craignez rien, votre femme, j’en suis convaincue, ne lira jamais mon hebdo…

Paroxysme au Zénith

Vendredi soir, métro Porte de Pantin. Ça devait bien faire depuis deux heures de l’après-midi que j’avais des papillons dans l’estomac en pensant au beau « pestacle » auquel j’assisterais dans la soirée.
Du métro au Zénith, le parc de la Villette, une zone inconnue. Mais pas d’inquiétude : il n’y avait qu’à suivre le courant, constitué en très majeure partie de jeunes fringants, surmontés de chapeaux de cowboys ou drapés dans le fleurdelisée.
En ma compagnie, une petite française qui ne connaissait à ce moment du Québec que l’auteure de ces lignes et « La complainte du phoque en Alaska ».
« Attache ta tuque avec de la broche, ma fille », l’avais-je à juste propos avertie avant qu’on ne franchisse de façon plus ou moins VIP les guichets de l’immense salle de spectacle parisienne que je découvrais en même temps qu’elle.
D’abord, c’est du Charlebois au sommet d’une forme que l’on aimerait tous avoir après 40 ans de carrière qu’on nous servait en apéritif. Une entrée en matière solide, consistante et savamment montée, qui en a mis plein la gueule à un public qui pourtant y était surtout pour le plat de résistance.
C’est d’ailleurs une marée déferlante de mains qui se sont levées quand le Robert de la grande chanson a voulu, par simple curiosité, comptabiliser le nombre d’âmes qui en étaient à leur première dose de son expertise.
Qu’importe, le rocker a facilement embobiné la masse, en ne se contentant pas de réchauffer la gigantesque enceinte, mais en y instaurant d’emblée une ambiance brasier dès la première chanson.
D’incendiaire, l’atmosphère du Zénith a pris des proportions qui viennent à bout de mon vocabulaire, quand, trois rappels plus tard, les cinq coquins qui ont mis sur mappe la banlieue au nord-est de Montréal ont pris d’assaut la grand scène.
Encore tapis au fin fond de leur sous-sol repentignois il y a un peu moins de dix ans, les Cowboys Fringants devaient alors être à des lieues de s’imaginer pouvoir un jour tétaniser à ce point la jeunesse hexagonale.
On dit même que, un an après avoir bien cassé la baraque lors de leur tout premier passage en sol français, la formation qui n’a de country pratiquement que le nom a désormais un véritable fan club de ce côté-ci, les Cousins fringants.
Fallait les entendre, ces fanatiques, chanter, que dire, hurler de concert avec leurs héros (qui, ne l’oublions pas, sont des nôtres !). Avec l’accent en prime, le « Shack à Hector » et le « Camping Sainte-Germaine » prenaient, croyez-moi une tout autre teinte !
N’empêche, la feuille de route des Cowboys n’avait visiblement pas été montée au hasard, ceux-ci ayant pris soin d’aligner leurs compos mentionnant de près ou de loin leur terre d’origine, pour le plus grand plaisir des innombrables compatriotes disséminés dans la place.
L’opulence musicale a un nom. Et pour la nommer, il faut d’abord l’atteindre. Divine surprise vers la fin du périple, Jorane, petite fée du violoncelle, a fait irruption pour rachever un plat déjà tellement bien dosé. Un ajout osé, oui, mais réussi.
En près de trois heures de délire carnavalesque, le Québec, invité d’honneur, a fait à mon humble avis (et de l’avis de mes pauvres articulations) honneur à ses hôtes. Qu’on vienne encore me dire qu’on ne leur a envoyé qu’Isabelle Boulay et Céline Dion…

Le Québécois sans peine

Mon séjour en France « passe aux toasts ». Ici, la moindre petite heure vécue à Paris pourrait largement noircir la présente colonne.
Et pourtant. Même si la semaine dernière, c’était « ma fête » (personne n’a compris, ici on dit anniversaire) et que je suis tous les soirs « partie en gorouage » à « manger à l’heure des monsieurs » et à « dormir sur la corde à linge », voilà que je cherchais ici quoi vous narrer de savoureux.
Je vous ai déjà raconté les paysages et les festins. Vous savez même que mes vêtements commencent à « me péter sur le corps ». Mais sachez ceci qu’ici je ne fais pas que « varnousser » en « gougounes » sur les champs Elysées.
Avant tout, je suis « dans les Uropes » pour le boulot : j’ai donc droit à mon petit 9 à 5 tout ce qu’il y a de plus stable, prévisible et inflexible. Invariable même.
Or comme j’ai l’angoisse du jour de la marmotte, j’ai décidé d’y mettre du piquant en initiant une nouvelle tradition, qui a aussitôt « tapé dans le dash » de mes collègues français : « Le québécois sans peine ».
Cela va comme suit.
Je parle.
Oui, je m’exprime.
Je me fais « aller le mâche-patate ».
Ma sélection d’expressions bien de « che nous » est vite devenue le pain quotidien des comparses de travail.
Je n’ai qu’à « m’ouvrir la trappe » et cela leur permet de visiter le Québec et ses confins les plus reculés « pour gratisse ».
Ma chaise est « sur le cant » ? L’hilarité générale s’installe.
Pour entrer dans l’usine où je travaille, on doit enfiler l’élégant bonnet de papier et le seyant sarrau XXL. « J’ai l’air de la chienne à Jacques ». Tonnerre d’applaudissements.
« Avoir de l’eau dans la cave » et « le cœur sur la flotte » font les délices de mes petits Français, conquis par le verbe imagé que je leur sers jusqu’à plus soif.
Au « top du top » se trouve d’ailleurs « vâ donc jouer dans le trafic », suivie de très très près par « se faire pogner les culottes baissées », laquelle a, après traduction, suscité gorges chaudes et remarques salées.
« Avoir les oreilles en porte de grange » n’est pas en reste, récoltant autant de bons ha !ha ! bien sentis que « organisé à la broche à foin ».
Quand « j’embarque dans un char », je n’en finis pas de me surprendre à quel point les conducteurs d’ici arrivent à faire « virer sur un dix cennes » n’importe quel gabarit de voiture.
Dans ce pays où on ne « barre » jamais les portes (on VERROUILLE), les filles sont « montées sur des frame de poule » et souvent « amanchées pour veiller tard » même si elles se « bourrent la face » de pain. Et pour 3 petits euros, il y a moyen de « virer toute qu’une brosse ».
Constat 1 ? On ne parle pas « pantoute » la même langue.
Constat 2 ? Je commence sérieusement à « passer à travers » ma réserve d’expressions.
« Vous pourriez tu m’en garocher une couple ? »

Vengeance sucrée au pays des calories

Depuis deux mois et demi qu’on m’empiffre sans ménagement. « Il faut absolument que tu goûtes à ça » est devenu un hit dans le palmarès des conversations, suivie de près par « J’ai trop mangé » et « J’ai mal au cœur ».
Faut avouer que je n’offre pas grand résistance. Car c’est rarement des tranches de pommes, des bâtonnets de céleri et des carottes en rondelle qu’on me tend en lançant la phrase fatidique. C’est bien plus alléchant, en vérité.
J’ai eu droit à tout. Aux fromages à 60 % de matière grasse, aux croissants imbibés de vrai beurre, au caramel de Bretagne, aux nougats de Montélimar, à la crème de marron d’Ardèche. Au foie gras de canard, aux pâtisseries, au pain, aux yaourts au lait entier, aux lardons partout.
Côté tour de taille, je commence à ramer. Chaque gramme que j’ai pris ici porte la signature d’une région en particulier. Tout ceci est bien beau, bien bon, mais devant l’envahisseur, je ne pouvais rester les bras ballants.
Or j’ai décidé que moi aussi, je leur ferais goûter à ma médecine.
Que leur servir de bien typique du Québec, outre le sempiternel sirop d’érable et la « batche » de tourtières ?
Du beurre, de la crème 35 %, du sucre et de la cassonade en guise de contre-attaque, ça me semblait tout indiqué. Œil pour œil, dent sucrée pour dent sucrée. Mission ? Sucre à la crème.
Femmes du Québec nées avant l’avènement béni du batteur électrique, je vous lève mon chapeau. Je m’incline, je me prosterne, je vous lance les fleurs par dizaines.
Dépourvue du cher engin, j’en ai eu pour une bonne grosse demi heure à mouliner dans tous les sens avec l’énergie du désespoir, les yeux exorbités, la sueur au front, en invoquant l’intervention divine de feu ma grand-maman, une as en la matière. En vain.
Résultat obtenu ? Un mélange probablement pas assez cuit, qui n’a finalement jamais pris. Mais qui goûtait ce qu’un sucre à la crème honnête doit goûter.
En bonne petite ménagère que le gaspillage horripile, j’ai servi en glaçage la substance, sur un gâteau à base de beurre et de crème 35 %. « Gnagnagna » (rire sardonique), me suis-je dit en voyant les collègues mordre à belles dents dans l’arme du crime.
Leur réaction m’a jetée par terre.
Mes Français, ces mêmes gens qui déjeunent au pain au chocolat, qui jugent un sandwich réussi seulement si un centimètre de beurre accompagne le jambon, qui ne jurent que par la crème fraîche et qui tueraient pour une crêpe au Nutella, ont trouvé mon gâteau bon, oui, quoique un peu lourd…
Un petit côté insolite
J’ai toujours rêvé d’écrire une chronique insolite. Eh bien, l’heure est venue de me faire plaisir.
Jeudi dernier, je jette un œil dans mes courriels et j’y vois « Municipalité de Piopolis ».
Mes parents habitent cet endroit où j’ai grandi, et que j’ai toujours défendu contre les marées de sarcasmes. « Ton village, c’est un trou ». Non, bon !
Or je rends les armes. Oui, mon village est finalement peut-être un peu paumé. J’ai maintenant la preuve dans ma boîte de réception.
Jeudi dernier, donc. Ma maman, dans son courriel, me demande comment ça va pour moi en Angleterre.
J’y étais il y a trois ans et demi. Le message datait… du 22 janvier 2002. Merci, Piopolis.

Petit hasard du métro

Je passe la moitié de ma vie dans les transports en commun. Ici, c’est une réalité que tout le monde assume sans trop de mal. Moi, je supporte parce que temporaire, à coups lectures compulsives, assise, debout, coincée et souvent, bardassée. Faites ce que vous voulez, Parisiens, moi, je bouquine.
Or parfois, je commets l’irréparable. J’oublie mon compagnon de voyage. Et je me maudis. Un peu tête en l’air de ma personne, l’odieux se produit souvent.
Dans pareil cas, je lis n’importe quoi. C’est donc en feuilletant le Pariscope, brochure culturelle de Paris, que j’apprends qu’aurait lieu samedi soir un festival de musique manouche.
Musique que j’aime, mais festival qui tombe mal, j’ai autre chose à l’horaire. Zut.
Le lendemain, jeudi, est un beau jour férié à cause de la fête de l’Ascension, semble-t-il. Que je compte aller passer dans le coin des Tuileries, vu le soleil.
Dans l’énervement des préparatifs (j’ai trois hantises : oublier mes clés, perdre ma carte de transports, égarer mon appareil-photo), je laisse Le dictateur et le hamac at home. Tabarouette. Pas de Pariscope non plus.
Les mains vides et les yeux dans le vague, j’applique la solution de rechange. L’analyse objective de ceux qui m’entourent. Celui qui s’assoit face à moi ce jour-là n’a pas idée de la critique vestimentaire qui me passe par la tête à mesure que le métro s’enfonce dans le ventre de Paris.
C’est qu’il fait dans le blanc cassé, le petit bonjour. Même moi, la reine du vêtement assorti, je trouve qu’avec son tricot de coton crème, son pantalon de lin ivoire et ses pompes pointues coquille d’œuf, il a un peu forcé la note.
A trop vouloir « fitter », mon homme, on devient quétaine. Et je ne vous parle pas de ses cheveux, que sépare une raie de côté. Ça lui donne une tête de jeune poète incompris…
Le métro arrête, je sors, laissant là Mister Off-White. La journée passe, le soleil brille, les Tuileries, en passant, vous saluent.
Vendredi midi. Encore congé, j’en ai de la chance ! Je regarde les infos du midi d’un œil distrait quand mon oreille saisit au vol « festival de jazz manouche ». Je risque un œil. Tiens donc, une chaussure pointue ivoire. Doublée d’un pantalon de lin crème. Triplé d’un tricot de coton coquille d’oeuf.
Ciel, c’est le poète incompris de la ligne 7. Il n’aurait pas pu me dire qu’il jouait de la guitare comme un dieu, j’aurais peut-être tapé moins fort sur sa séparation capillaire ! Mais qu’est-ce qu’il joue bien !
Il fait même partie intégrante du happening manouche du lendemain, apprends-je. Eh ben, eh ben. Vont-ils finir par me dire qui c’est que ce monochrome talent sur pattes ?
Tête en l’air, disions-nous ? Je pourrais en effet passer quatre heures à dévisager Jack Nicholson sans jamais me douter qu’il n’est pas, par exemple, le contrôleur du train, alors je m’attends au pire. Une chose est certaine, ce n’est pas Thierry L’Hermite. Ni Jimi Hendrix. Le fameux nom apparaît. David Reinhardt. Petit-fils de l’éminent et mythique guitariste feu Django.
Qui, certes, pour les musiciens et mélomanes, est connu comme Barabas dans la Passion.
Finalement, ce n’était pas si mal, l’ensemble blanc cassé…

Un cas bien isolé

Un train presque vide et pleinement matinal m’amène à Strasbourg. Je me suis extirpée du lit bien avant le chant du coq pour ne pas le louper. Dire que j’ai les deux yeux dans le même trou est un euphémisme.
Sur mes genoux, Docteur Jivago. Pas l’homme, le bouquin. Ce roman russe, étoffé à souhait, n’est pas spécialement réputé pour ses propriétés stimulantes.
A cette heure matinale, les péroraisons de Boris Pasternak réduisent vite à néant le peu de concentration dont je dispose. J’envoie valser le bon toubib dans ses campagnes de l’Oural et me mets à penser. Quand on a devant soi plus de quatre heures à divaguer sur les rails, les pensées, elles, déraillent.
Voilà qu’au fil des petites gares desservies (le TGV ne reliera Paris à la capitale alsacienne qu’en 2006), après avoir fait le décompte (rapide) du nombre de pantalons qui me font encore et des cadeaux (nombreux) qu’il me reste à acheter, mes réflexions se dirigent vers une question considérablement moins futile.
Quelque part entre Nancy et Sarrebourg, des bribes du cours d’Histoire de la langue française, suivi à l’automne 2001 avec un professeur friand de culture alsacienne, remontent.
En France, il y a de cela quelques bonnes décennies, on ne parlait pas que le français, y avais-je alors appris. Vous le saviez, vous ? A l’époque, ça m’avait un peu scié les pattes.
Chaque région du pays avait non seulement sa culture propre, mais aussi une langue bien distincte. Un patois, en fait.
D’un point de vue pratico-pratique, la multiplicité des patois utilisés ne rendaient pas les échanges interrégionaux nécessairement faciles. Le Marseillais et le Picard devaient en gesticuler une claque pour arriver à s’entendre.
Puis vint le jour où il fallut uniformiser. Pour des raisons administratives, les hautes instances sises à Paris décidèrent que tous les petits Français apprendraient, à l’école, une même langue : la leur. Le « bon » français.
Les mesures adoptées furent évidemment radicales. On raconte même que pour un mot de patois échappé, les coups de règles sur les doigts fusaient, et ne tardaient pas à rappeler à l’ordre les fautifs.
Or malgré ces mesures restrictives, qui furent apparemment efficaces, certains coins de la France ont mieux résisté que d’autres à l’uniformisation du langage.
Longtemps disputée entre la France et l’Allemagne, dont elle est la voisine immédiate, l’Alsace, qui toujours valsait entre le français et l’allemand, a gardé bien vivant son dialecte alsacien, encore parlé par une bonne part de ses habitants.
Ce qui fait que dans les rues de Strasbourg, on ne se sent plus tellement en France, mais dans un véritable îlot d’exotisme coincé entre les Vosges et le Rhin.
Dimanche soir, trajet en sens inverse, toujours avec l’ami Jivago. Je n’ai de pensées que pour les superbes maisons à colombages, garnies de boîtes à fleurs, qui longent les quais strasbourgeois. Pour l’époustouflante cathédrale, qui fut pendant des siècles la plus haute de toute la chrétienté. Pour le combo choucroute - Riesling aussi, englouti dans un resto rustique à souhait.
Le sourire béat du prof d’Histoire de la langue française, quand il nous racontait sa bien aimée Alsace, s’explique drôlement mieux maintenant.
Et Docteur Jivago attend toujours…

Plus verte, l'herbe du voisin?

Qu’il est bon de faire verdoyer sa propriété! De bichonner ses plates bandes jusqu’à plus soif. De fréquenter la rocaille à un point tel que les plantes qui y croissent développent une allergie à nos gants de jardinage. Quelle satisfaction de rafraîchir la frange des haies bordant cette sacro-sainte pelouse, la même qui rend verts de jalousie tous ceux à qui elle n’appartient pas!

Mais quand on a les mains remplies de pouces et que par surcroît, ceux-ci tirent davantage sur le vert menthe que sur l’irlandais, doit-on pour autant rendre les armes et passer l’été en habits de deuil, à lire « Vivre avec un gazon jaunâtre : comment lâcher prise? ». Que nenni.

Il doit bien y avoir une bonne raison qui explique pourquoi l’herbe est toujours plus verte chez le voisin. Quelques astuces simples et surtout, non nocives pour l’environnement et la santé, doivent bien exister pour transformer un pauvre tapis de paille clairsemé en une herbe tendre où il fait bon s’ancrer les pieds!

D’abord, après avoir somnolé des mois sous un bonnet de neige, en plus d’avoir hébergé quantité de sable et de débris de toutes sortes, normal que le gazon ait les cheveux en botte de foin. Avant de tenter toute tactique de réanimation, un bon coup de peigne, ou de râteau (selon notre patience), s’impose. Cette opération cruciale permet de déloger non seulement les intrus, mais aussi d’enlever le chaume, un enchevêtrement de végétaux morts qui empêchent l’eau d’entrer dans le sol.

Un terrain bien coiffé doit aussi pouvoir respirer adéquatement. S’il est trop compacté, le sol étouffe ni plus ni moins. Pour éviter la claustrophobie aux pauvres racines du gazon, l’opération aération s’avère essentielle. Si le gazon échoue au test du crayon, celui-ci doit pouvoir être enfoncé facilement dans le sol, c’est le temps de passer à l’action. Heureusement, le bouche à bouche ne fait pas partie des solutions. Différents instruments de jardinage peuvent plutôt accomplir cette tâche (aérateurs mécaniques, fourches, semelles à pics, etc.).

Ce n’est qu’une fois le sol bien aéré que l’on peut penser à l’enrichir. C’est le temps d’aller quêter quelques pelletées d’un compost bien mature chez belle-maman. Saupoudrer cet engrais naturel après l’aération du terrain redonnera toute la vigueur dont le gazon a besoin pour partir l’été du bon pied.

Enfin, l’ultime étape et non la moindre consiste à… lâcher prise. Un gazon uniforme, exempt de pissenlits, arborant des brins d’herbe alignés au millimètre près, toujours d’un vert égal malgré les (inévitables) sécheresses n’existe que dans les films. Plus difficile encore que d’entretenir une pelouse parfaite est d’ouvrir son esprit à la beauté anarchique du véritable gazon!

Faire plus avec moins

De plus en plus rares sont les ménages qui ne possèdent pas de véhicule. Tellement rares qu’en quinze ans, le nombre d’autos en circulation a fait un bond de 68 %. Ça en fait de la bagnole, ça, monsieur! En 2000, près de 4 millions de bolides sillonnaient le réseau routier provincial, pour une population estimée à plus de 7 millions d’individus. Un savant calcul dénué de prétention scientifique permet donc d’établir qu’il y aurait environ 11 voitures pour 20 personnes au Québec.

Dans ce vrombissant contexte, pas surprenant que le gros méchant dans la saga des émissions de gaz à effet de serre ne soit pas cette affreuse usine crachotant son opaque fumée dans l’azur. Nenni. Les graphiques en pointe de tarte du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs révèlent clairement le coupable. La plus grosse part de tarte à l’effet de serre, c’est le secteur du transport routier qui se la farcit. Bon appétit.

L’air que l’on respire n’est pas le seul à payer pour cette orgie d’essence gazéifiée. Le citoyen aussi. C’est qu’il en faut, des bidous, pour faire rouler tous ces habitacles montés sur roues. Mais combien, au juste? L’organisme Équiterre a calculé qu’un ménage possédant deux voitures devait débourser environ 18 000 $ par année pour la dépréciation, l’entretien et les divers paiements qui y sont associés.

Ici, l’important n’est pas de savoir si le calcul est vérifiable au sou près. C’est plutôt d’évaluer si, dans son propre ménage, les voitures doivent nécessairement former un couple devant l’entrée du garage.

Dans de nombreux foyers, avoir une seule voiture signifie faire plus avec moins. Plus d’exercice et moins de paiements. Moins de pleins d’essence et un peu plus d’argent. Plus de déplacements planifiés et moins de rues embouteillées, plus de cœurs en santé et moins d’air vicié…

La fin des porte-avions!

Qu’on regarde n’importe quel film familial états-unien de 1970 aux années 1990, le modèle imitation bois du Station Wagon partage invariablement la vedette avec les Chevy Chase et Goldie Hawn de l’époque. Heureusement, le monde et les temps changent. De synonyme de réussite, la voiture porte-avion est devenue, la hausse du coût du pétrole aidant, la cinquième roue du carrosse. Douloureuse réalité, les regrettés Lincoln Continental crème, Pontiac Le Mans caramel et Ford Thunderbird bourgogne ne se font plus beaucoup d’amis parmi les automobilistes.

Les petits formats se taillent une place de plus en plus importante sur les réseaux routiers. Exit la croyance populaire voulant qu’une grosse voiture soit plus sécuritaire. Désormais, les raisons de troquer le porte-avion pour un modèle réduit abondent. D’abord, la consommation modérée d’essence. Pour rigoler, faisons ce petit test maison à l’aide d’un outil de comparaison conçu par Ressources naturelles Canada. Évaluons la consommation d’essence d’une voiture compacte japonaise par rapport à celle d’un des derniers témoins de l’époque porte-avion, une grande berline américaine. Pour ces deux modèles 2007, il faudra débourser 1134 $ d’essence par année pour alimenter la compacte, tandis que la grande berline siphonnera 2106 $ du portefeuille de son malheureux propriétaire.

Depuis quelques temps, une autre préoccupation entre en ligne de compte chez les consommateurs : la pollution automobile et les émissions de gaz à effet de serre. Reprenons notre amusante comparaison. Côté émissions de gaz à effet de serre, la japonaise envoie annuellement dans l’atmosphère quelque 3024 kg de CO2, tandis que sa consoeur d’Amérique en libère 2592 de plus. Décidément, dans les petits pots, les meilleurs onguents!

Les voitures sous-compactes, compactes et hybrides sont autant de véhicules moins énergivores, donc plus écoénergétiques. Que les nostalgiques le veuillent ou non, leur apparition vient signer la fin des porte-avions!

Or bleu, dieu des égoûts

À la voir jaillir sans fin des tuyaux, fournir en circuit ouvert les systèmes de climatisation et décrotter sur demande les brassées de blanc, de foncé et de serviettes, l’eau douce donne l’illusion de provenir d’un puis sans fond. C’est pourtant à tort que nous croyons ne pouvoir jamais venir à bout de ce qui scintille au bout du gicleur à jardin. L’eau douce constitue un pourcentage infime de la quantité d’eau disponible sur la planète, soit l’équivalent d’une goutte d’eau dans une piscine hors terre. Tout le reste est salé. Or bleu, disions-nous?

À cause de cette rareté, l’eau revêt un caractère précieux qui ouvre la porte à nombre de campagnes de sensibilisation. On nous le dit, on nous le répète, on nous casse presque les oreilles avec ces « 10 conseils pour économiser l’eau » et autres recettes simples et efficaces pour une utilisation responsable de cette ressource, qui, chez nous, est accessible presque trop facilement. Pour stopper l’ « hémeaurragie », des pluies de statistiques nous ramènent fréquemment à la réalité. Chez certains sujets, elles causent même des remous de conscience.

Comme québécoise, consommé-je vraiment en moyenne 400 litres d’eau par jour? Stupeur! Vous me dites que pendant que je me savonne allègrement dans le confort de ma douche bien chaude, j’utilise une vingtaine de litres d’eau, soit la consommation quotidienne des habitants des pays en voie de développement? Scandalisant. Tandis que tourbillonne dans ma vieille toilette le résultat de ma dernière pause-pipi, ce sont 18 litres d’une eau aussi potable que celle du robinet qui sont expédiés aux égouts? Pas croyable. Vous m’annoncez que, parce qu’elles sont responsables d’aller puiser de l’eau pour leurs familles, les fillettes des pays du tiers monde sont moins beaucoup moins scolarisées que les garçons? Consternation!

Maintenant que je sais que dans le monde, une personne sur cinq n’a même pas accès à de l’eau potable, j’éprouve un peu moins de satisfaction à nettoyer scrupuleusement mon entrée d’asphalte au boyau d’arrosage. Plus près de chez nous, depuis qu’une amie riveraine peut m’épeler à l’endroit comme à l’envers le mot cyanobactérie et qu’elle se méfie de son robinet comme de la peste, je ne laisse plus couler un mince filet pour que se désaltère son altesse mon chat. Avoir de l’eau potable n’est pas une normalité, mais bien un privilège. Avec le grand nettoyage du printemps du printemps et l’été qui s’en vient, je donne à mon eau potable la place de joyau qui lui revient. Le gaspillage d’eau, je ne m’en lave pas les mains.

À fleurs de fesses!

Pour de futurs parents, le choix du type de couches est souvent au cœur des préoccupations. Outre l’argument monétaire, qui prédit de substantielles économies aux adeptes du coton, l’idée de désengorger les sites d’enfouissement pèse de plus en plus lourd dans la balance décisionnelle des parents en formation. En attendant fillette ou fiston, que choisit-on? Couches jetables en papier ou lavables en coton? Observons quelques chiffres.

Imaginons un bébé changé environ six fois par jour. S’il troque la couche pour le pot à pipi vers l’âge de deux ans, petit loup aura visité sa table à langer pas moins de 4380 fois durant sa courte existence! En vidant la poubelle à couches aux deux jours, papa et maman auront perfectionné 365 fois le lancé olympique du sac parfumé dans le bac noir. À raison d’un paquet de couches par semaine, de la naissance à la propreté de bébé, le portefeuille parental se verra allégé de quelque 2000 $. Pour éponger les foufounes des poussinots et poussinettes du Québec, les sites d’enfouissement s’alourdiront quant à eux de quelque 60 000 tonnes par année, soit plus d’une tonne par enfant. Temps de décomposition des couches jetables? Entre trois et cinq siècles…

S’ils craquent pour le coton, papa et maman développeront une solide complicité avec la machine à laver. Ce brave électroménager devra se brasser la cuve environ 243 fois et avaler nombre de litres de détergent pour redorer le blason du kit de couches de coton à 400 $. Conçues pour être utilisées de la naissance à la propreté, les couches de coton engendreront, toutes dépenses confondues, des coûts estimés à environ 650 $ par une utilisatrice avertie. Pour inciter les parents à opter pour le coton, une subvention de 100 $ est même allouée par plusieurs villes, dont Sherbrooke.

Hormis le temps et l’environnement, reste à considérer la fameuse notion de temps. Entre les fréquents tête à tête avec la machine à laver ou les innombrables rancarts avec le bac roulant, la question reste à trancher… Laissons le choix aux parents!

Chaque torchon sa guenille

Annuellement, le Québécois moyen se procurerait environ 27 kg d’une matière précieuse qui s’emploie à toutes les sauces, que ce soit pour cacher une table égratignée ou pour empêcher les rayons de soleil de gâcher une grasse matinée. Cette matière permet aussi de ne pas crever de froid l’hiver, d’essuyer les assiettes et chaudrons, de débarbouiller les petites mains sales et de s’emmitoufler sur le sofa en prévision d’une super soirée cinéma.

Pourtant si indispensable, le textile est souvent le parent pauvre en matière de récupération. Et pour cause, il n’a pas sa place dans le bac vert, et encore moins dans celui à déchets. Qu’à cela ne tienne! Qu’il soit usé à la corde, démodé, taché ou déchiré, le vêtement ou morceau de tissu qu’on ne peut plus voir en peinture mérite toujours mieux qu’une oraison funèbre au lieu d’enfouissement sanitaire.

Le grand problème de l’élimination du textile n’est pas tant qu’il pollue qu’il prend beaucoup de place. Mais plus encore, la fabrication du textile implique tellement d’étapes, du champ de coton aux étalages du magasin, qu’il est presque péché de le jeter sans d’abord changer sa vocation. De nombreuses avenues s’offrent heureusement à quiconque en a marre de mettre au chemin le résultat de son dernier carnage de garde-robe.

Les entreprises d’économie sociale, comptoirs familiaux et autres sous-sols d’église se fendent en quatre pour offrir une vaste gamme de vêtements et accessoires à prix dérisoire. D’où l’idée de renflouer leurs coffres avec ce qui déborde de nos tiroirs. Les costumiers des écoles primaires et secondaires crient famine plus souvent qu’autrement. Notre vieille sacoche, nos rideaux fleuris et notre jupette style Hawaï seront dans bien des cas beaucoup plus utiles dans les productions théâtrales scolaires qu’inhumés sous 30 mètres de trognons de chou et autres détritus.

Enfin, poussons la réflexion pour une gestion encore plus efficace du textile. Ai-je vraiment besoin de m’acheter douze nappes par année? Traumatiserai-je mon nouveau-né si je lui fais porter des pyjamas seconde main? Ma copine fauchée aimerait-elle que je lui donne ce manteau de jean trop petit que j’ai acheté sur un coup de tête? Ce grand drap un peu déchiré pourrait-il protéger la table de mon beau frère lors de son prochain déménagement?

Autant il est facile de consommer du textile qu’il est compliqué de s’en débarrasser. En attendant que se répandent les ensembles de fauteuils, les tapis d’entrée et pourquoi pas, l’isolation de maison en fibres recyclées, pour chaque guenille et chaque torchon, trouvons une utilité!

Opération sans papier

Il est partout. De l’annuaire téléphonique au feuillet paroissial, de la facture d’électricité au talon de chèque inespéré, du mouchoir fripé à l’essuie-tout ultra absorbant. À force d’utiliser tant de papier, normal de ne plus remarquer sa présence… Jusqu’au jour où, pour compléter une déclaration d’impôts ou justifier une bourse étudiante versée en trop, il faille ramer dans une mer de paperasses sens dessus dessous. Or la plupart des utilisations courantes de papier peuvent être réduites, voire éliminées. Sceptiques, ouvrez grand les yeux!

Ras-le-bol des publicités qui passent directement de la boîte aux lettres au bac de récupération? Un petit coup de fil au distributeur de circulaire permet de se retirer de la liste d’envoi, surtout quand la plupart des magasins et supermarchés offrent leur circulaire sur Internet. Même principe pour les factures postales, dont le relevé et le talon détachable s’accompagnent immanquablement d’une enveloppe réponse et de dépliants publicitaires. Demandez aux différents fournisseurs de n’envoyer que la facture, ou mieux encore, de faire parvenir le tout par Internet. Les enveloppes déjà utilisées, elles, peuvent servir encore une fois avant d’être recyclées. Ne soyons pas non plus gênés de retourner aux compagnies leurs envois postaux non sollicités, dans leur propre enveloppe pré affranchie!

Au guichet automatique, tout peut maintenant se transiger sans imprimer l’indésirable relevé des opérations. L’ordinateur, qui quant à lui promettait jadis une diminution draconienne du papier, a plutôt provoqué l’effet contraire. Pensons-y deux fois avant d’imprimer un simple courriel ou un document de 78 pages plus ou moins pertinent, recto seulement. L’impression sélective, le recto-verso et l’utilisation du courriel plutôt que du télécopieur peut faire des miracles pour l’économie de papier! Quand la télécopie s’impose, remettons en question la nécessité de la page présentation, trop souvent superflue. Contrairement à l’argent, le papier pousse dans les arbres. Encore faut-il qu’il y ait des arbres pour faire le papier…

Donner un sens à ses dépenses

Monsieur Modèle est irréprochable. Non seulement s’occupe-t-il scrupuleusement de son bac à recyclage bien rempli, mais il prend un soin jaloux de la compostière qui enrichit son luxuriant potager. Consommateur averti, Monsieur Modèle garnit sa table de fruits et légumes de saison, qui ont poussé chez lui ou ailleurs en région. Ses viandes sans hormones et ses œufs pondus par des poules en liberté proviennent aussi de producteurs des environs. Il achète local pour la qualité et le bon goût, bien entendu, mais aussi parce que ces aliments n’ont pas parcouru la moitié de la planète en bateau, en avion ou en camion.

Armé de ses sacs de coton, Monsieur Modèle magasine mensuellement son café, son thé et son chocolat équitable. Pour ajouter à sa perfection, Monsieur Modèle choisit ses vêtements en fonction du pays où ils ont été fabriqués. Conscient qu’un veston fait au Canada est de meilleure qualité et donne un emploi décent à un travailleur de son pays, Monsieur Modèle débourse sans broncher quelques dollars de plus pour le vêtement d’ici au détriment de celui d’Orient.

Monsieur Modèle fait tout en son pouvoir pour que ses achats protègent l’environnement, suscitent l’économie locale et favorisent l’équité sociale. Plutôt que de tout acheter dans les grandes surfaces, il se promène aussi dans la ville pour se procurer du pain biologique, dénicher son détergent à lessive biodégradable et pour renflouer sa pharmacie de savon au beurre de karité, confectionnés en toute équité. Petits et grands commerçants prospèrent, le connaissent par son nom et lui sont reconnaissants de sa fidélité.

Rassurons-nous, Monsieur Modèle n’est pas parfait. Il a simplement compris l’importance d’acheter dans les commerces de proximité et de privilégier les produits de sa région, qui nécessitent peu de transport. Ce faisant, Monsieur Modèle participe au mieux-être de ses concitoyens et en plus, il pollue moins. C’est simple, mais il faut y penser.

Faites vos ACV!

Parce qu’il correspond, pour une majorité de personnes, à un « accident cérébro-vasculaire », l’acronyme ACV a généralement de quoi faire frémir. Pourtant, un autre type d’ACV, issu cette fois du jargon environnemental, vient influencer l’acte de consommation. Cette ACV, une fois décortiquée, signifie plutôt Analyse de Cycle de Vie… et n’est pas du tout dangereuse pour la santé humaine! La pratiquer avant d’acheter peut même avoir des effets bénéfiques à long terme sur l’environnement. Intrigant, n’est-ce pas?

Pour faire simple, une analyse de cycle de vie consiste à s’interroger sur les impacts environnementaux qu’a un produit de consommation, de l’extraction de la matière première nécessaire à sa fabrication en passant par son emballage, sa distribution et son utilisation et ce, jusqu’à sa fin de vie utile. Comme l’indique son nom, c’est toute la vie de l’objet qui est scrutée à la loupe. Donc, en faisant l’analyse de cycle de vie d’un produit, le consommateur averti peut faire des choix encore plus judicieux.

Rassurons-nous, pas nécessaire de passer par les grandes écoles pour comprendre le b.a.-ba de l’ACV. Mettons une image sur la théorie. Devant un étalage de fruits, une rapide ACV favorisera l’achat de fraises locales, au détriment de celles qui ont poussé sous le chaud soleil de la Californie. La fraise locale parcourt en effet infiniment moins de kilomètres que celle qui passe du sud au nord dans un convoi réfrigéré. La distance moindre entre le champ et le frigo du client a aussi l’avantage de limiter considérablement l’emballage. De plus, c’est toute l’économie locale qui s’en trouve ravigotée!

L’utilité de l’ACV ne s’arrête pas là. Elle peut aussi aider à trancher lors d’une pénible indécision, comme pour le duel couches jetables et couches de coton, le café équitable versus le café biologique, la toiture de bardeau contre celle d’aluminium, ainsi soit-il. Alors désormais, avant de consommer, faisons donc nos ACV!

Une habitude qui ne tourne pas rond

Les prochaines lignes vous donneront une impression de déjà vu. Vous penserez avec raison que leur auteure rabâche des propos cent fois remâchés, mille fois réchauffés. Vous vous questionnerez sur le pourquoi de ce vilain radotage… Wô les moteurs! Coupez court à la pollution. Pour en finir avec la marche au ralenti. Tous ces slogans ont ceci en commun qu’ils ne datent pas d’hier et qu’ils s’attaquent à un mal sournois : la marche au ralenti des véhicules. Cette redoutable affection, en plus d’être difficile à enrayer, apparaît dès les premiers symptômes de gel automnal. Pour d’obscures raisons, elle perdure jusqu’aux beaux jours. Même quand le mercure se tape la tête dans les trente degrés.

Les causes du syndrome de la marche au ralenti sont nébuleuses et variées. Par temps froid, épouvanté par la perspective de grelotter quelques minutes dans l’habitacle, l’automobiliste prescrit à son moteur un petit dix minutes de ronron. Une commission éclair, qui ne devait durer que trente secondes, se transforme parfois en interminable conversation de cadre de porte. Le démarreur à distance provoque aussi des crises aiguës de marche au ralenti, quand le détenteur de l’engin, désireux de rentabiliser l’achat dudit bidule, s’en sert allègrement.

Pourtant, nombreuses sont les contre-indications : mauvaise combustion et gaspillage de l’essence, encrassement du moteur, émission de CO2 (un gaz à effet de serre), pollution atmosphérique, smog, alouette. Ce lourd bilan ne semble pourtant pas effrayer les fervents adeptes de la marche au ralenti. Malgré les multiples cas observés, les autorités sont en mesure d’affirmer que cette fièvre n’est ni contagieuse, ni incurable. Heureusement, des mesures d’éradication existent déjà. Même plusieurs degrés sous zéro, faire tourner le moteur une trentaine de seconde, puis rouler tranquillement jusqu’à ce que l’ensemble des pièces du véhicule se réchauffent. Couper le moteur dès qu’on se stationne pour plus de dix secondes constitue aussi une arme efficace. En attendant un remède miracle, propageons le message!

Faire durer la solidarité

La tempête d’il y a quelques jours est enfin maîtrisée. Malgré les dos cassés, les pelles fêlées, et les bancs de neige qui bouffent la moitié des rues, une chose demeure. En même temps qu’un demi mètre de poudreuse s’abattait sur l’Estrie la semaine passée, tombait aussi une substance rare. Des souffleuses magiques? Naaaan. Des chèques-cadeaux de massothérapie? Non plus. La solidarité, voyons! Vous savez, ce truc bizarre qui accompagnait aussi le verglas d’il y a neuf ans? Les éléments qui prennent le mors aux dents ont ceci de formidable : ils déclenchent un déluge de coups de mains et de bon voisinage. Des gestes peu coûteux qui gagneraient à se répéter. Un exemple?

Le lendemain de la tempête, monsieur Bazou n’a jamais retrouvé sa voiture, emmitouflée jusqu’aux ouïes sous des lames de neige bien tapées. Vif d’esprit, il empoigna le téléphone et osa demander, l’effronté, à sa collègue Manche-de-Pelle de passer le chercher. Dix minutes plus tard, Manche-de-Pelle klaxonnait monsieur Bazou.

Durant le trajet, Manche-de-Pelle rassura monsieur Bazou, qui s’inquiétait poliment du détour de sa bonne samaritaine. Monsieur Bazou fut ravi d’apprendre que Manche-de-Pelle habitait à trois coins de rue. Que de toute façon, elle passait par là. Qu’elle effectuait chaque jour le même sempiternel, éternel et perpétuel trajet ennuyeux. Pas fou, monsieur Bazou fit l’équation suivante. Il considéra la mort imminente de sa voiture. Il décida qu’au lieu de remplir le gourmand réservoir de son désuet carrosse, il préférait partager le transport et ses frais avec cette brave Manche-de-Pelle, qui accepta d’emblée de covoiturer.

Monsieur Bazou et Manche-de-Pelle ne sont heureusement pas les seuls à avoir flirté avec le covoiturage. Partout dans la région, la tempête s’est soldée en élan de solidarité et en voitures partagées. Quand on prend une bonne habitude, c’est chouette de la conserver. Pouvons-nous faire durer la solidarité?

La planète pour Valentine

Elle nous fait tourner la tête d’ouest en est. Inclinée de 23º 26', son manège à elle, c’est le système solaire. Ses 40 000 km de tour de taille ont tout un pouvoir d’attraction : plus de 6 milliards et demi de prétendants foulent ses flans jour et nuit. Or cette bonne vieille sphère en orbite autour du soleil a ces jours-ci un événement à souligner. Le 16 février, elle soufflera deux bougies bien plantées sur un gâteau nommé Kyoto.

Concordant presque jour pour jour avec la Saint-Valentin, le deuxième anniversaire de l’entrée en vigueur du protocole de réduction des gaz à effet de serre nous force à l’admettre, qui aime bien châtie bien. Pas de bouquet de fleurs, pas de soirée aux chandelles ni de cœurs en chocolat pour celle qui, aimée ou pas, continue de tourner. Les impacts de nos activités quotidiennes et les gaz à effet de serre que nous émettons sont, pour la planète, loin d’être un cadeau!

Que diable faire pour soigner tous ces maux de Terre? Recycler? Utiliser l’eau potable avec parcimonie? Moins consommer? Planter des arbres? Opter pour des produits peu emballés? Choisir une voiture plus économique? Changer de marque de café? Refuser les sacs de plastique au supermarché? Manger bio? Acheter des produits locaux? Vermicomposter? Marcher, covoiturer, prendre l’autobus pour aller travailler?

Au-delà des engagements politiques plus ou moins respectés, des lointains décideurs et des grands pollueurs, chacun consomme, conduit, lave, prend l’avion, mange, jette et… pollue. Pour garder la planète en santé, c’est simple, chacun doit d’abord se sentir concerné. Si Kyoto était vraiment du gâteau, chacun voudrait avoir sa part, non? Les gestes individuels créent des mouvements collectifs qui influencent les décideurs que nous avons élus. Remettons en question notre propre mode de vie, notre routine et faisons de la Terre notre valentine.

lundi 7 mai 2007

Une vitrine pour ma médecine

Ça faisait longtemps que l'idée de posséder un blogue me travaillait la conscience. Une conscience qui travaille, c'est comme un chalet que tu chauffes pas l'hiver, ça crochit. Avant de développer une scoliose psychique, j'interviens! Et avec la grande trappe qui alimente ma tout aussi grande plume, ça commence à prendre de la place dans ma tête! Pas que je veux vous faire porter mon fardeau, mais bon!

Pour cette raison, je publierai dès maintenant, sous cette enseigne, mes chroniques environnementales hebdomadaires.

Qui plus est (qu'il est plaisant à placer celui-là), je me "cyber épancherai" ponctuellement sur des sujet qui m'exaspèrent, m'enchantent, me piquent la curiosité, me décoiffent, me chatouille l'égo, me bourrent le crâne, me fond déborder le vase, et/ou me pètent les dents.

À bientôt, au domaine de l'étoile verte!