mercredi 26 mars 2008

Gugusses, gadgets et autres cossins...

Dans le salon, ce sont les piles de magazines qu’on se sent si mal de jeter, les horaires télé désuets au bout de six jours, les journaux kapout après 24 heures et les circulaires qu’on ne lit tout simplement pas. Qui forment rapidement des amalgames de papiers dans lesquels on s’enfarge. Après lesquels on sacre quotidiennement. Qu’on finit par jeter avec violence dans le 360 litres roulant.

Dans la cuisine, ce sont les contenants de yaourt, de margarine, de fromage à la crème et de baba ganouj. Ciel, peut-on les détester ces petits pots là! Notre bonne conscience a beau nous dicter la vertueuse réutilisation, entre nous, soyons honnête : ces misérables qui nous déboulent sur le crâne à la première occasion nous rendent tous fous de rage au moins une fois par jour.

Tous ces objets nous embarrassent. S’accumulent, que dire, se multiplient. Combien de temps perdons-nous à les ramasser? À replacer les petits pots dans les grands pour libérer l’armoire, ou pire, à chercher le bon couvercle qui va avec le bon petit (maudit) pot? Que d’exaspération! Mais quoi qu’on puisse leur reprocher, ces éléments ont au moins une qualité, celle de pouvoir être recyclés. Ce qui n’est pas le cas de leurs petits camarades de la salle de bain.

Cotons-tiges, tampons démaquillants, lingettes à foufounes, tubes de dentifrice ou de crème de jour/nuit/soir, d’onguent, de cosmétiques, de fond de teint, bouteilles de vernis à ongles… Que faites-vous donc avec ces trucs-là? Ouvrez vos armoires et par pitié, dites-moi la vérité. Y a-t-il une vie après la mort de vos petits produits? Vous rougissez? Dans ce cas, posons une autre question. Comment faisaient-elles, nos grands-mères, pour mener leurs barques sans ces bidules jetables? Si j’habitais sur une île déserte sans magasin, si je devais ne produire aucun déchet, comment m’en sortirais-je?

D’abord, je redécouvrirais ce carré de tissu avec lequel on peut tout faire. Une débarbouillette. Adieu lingette jetable et tampon démaquillant. Avec le rasoir jetable, les choses se corsent. À une, deux, trois, quatre ou cinq lames, il a beau donner une gueule d’enfer à l’homme de la maison, n’en demeure pas moins que la longévité n’est pas sa marque de commerce. Quelques utilisations et déjà, le valeureux engin passe l’arme à gauche. Pas très viril.

Mais parce qu’elle est rétro, résistante, et surtout, revisitée, la sympathique pioche ravira les nostalgiques. Accompagnée de son blaireau et de sa pastille de savon moussant, la pioche à lame interchangeable promet un rasage de près, pour environ mille ans de loyaux services. Et comme par magie, on fait disparaître du coup le problème de la bonbonne de mousse à raser.

Le tube de dentifrice a traversé le temps sans trop évoluer, mais un rival saura peut-être le déclasser. Le contenant de dentifrice inspiré du principe de la bouteille de ketchup permet de récolter facilement la précieuse substance, jusqu’à la dernière goutte. Fait de plastique, ce contenant peut, contrairement au tube, se réincarner sous de multiples autres formes une fois qu’il est recyclé. Et fini le vieux tube tout tortillé sur lui-même!

Ces quelques exemples illustrent bien que la réduction est un principe souvent laissé de côté quand on parle de soins de beauté ou d’hygiène personnelle. Évidemment, l’idée n’est pas de faire sans, mais plutôt de faire avec moins, ou même avec mieux. Parce qu’oser réduire, c’est avant tout investir. Pensons-y bien!

lundi 24 mars 2008

Non merci!

Bonjour Compagnie-Machin-Chose, ici Gisèle, comment puis-je vous aider?
Cliente (insatisfaite mais polie) : Bonjour madame. Je suis abonnée à votre compagnie et chaque semaine, je reçois par la poste des prospectus, des dépliants, des brochures, des fascicules, des promotions, des publicités et des enveloppes-réponses. Le hic, c’est que je n’en veux pas. Quand j’ai besoin d’un de vos produits, je le commande par téléphone ou par Internet. Voyez-vous, la protection de l’environnement me préoccupe et…
Gisèle (sur la défensive) : Mais pour nous aussi l’environnement c’est important. Ici, dans nos bureaux on recycle tout et…
Cliente (de plus en plus insatisfaite) : Mais madame, faire attention à l’environnement c’est d’abord réduire sa consommation. Vous trouvez ça normal que j’aie reçu DEUX FOIS votre guide sur le monde fabuleux des herbes?
Gisèle : Ben vous n’avez qu’à offrir le deuxième en cadeau!
Cliente (très très insatisfaite) : Madame, je n’ai jamais voulu l’avoir, ce guide. Je le reçois deux fois plutôt qu’une, et suremballé en plus. Vous appelez ça un cadeau? Tout ce que je vous demande, c’est de cesser d’envoyer ce genre de promotion à mon adresse. Je n’en ai pas besoin pour acheter de vos produits puisque vous avez un superbe site Internet.
Gisèle (impatiente) : Ben là écoutez madame, on ne fera pas ce genre de passe-droit juste pour vous. Ici ce n’est pas comme ça que ça fonctionne.
Cliente (abasourdie) : Justement, c’est peut-être comme ça que ça devrait fonctionner. Madame, pourrais-je adresser ma demande à un décideur de votre compagnie?
Gisèle (courroucée) : Non, personne ici ne traite ce genre de demande.
Cliente (désillusionnée) : … (sans le mot)
Gisèle (retrouve son professionnalisme in extremis) : Je vais quand même transférer votre commentaire au département des plaintes.
Cliente (qui tente le tout pour le tout) : J’espère madame, parce que voyez-vous, le surplus de paperasses que vous m’envoyez constitue l’unique raison pour laquelle je ne renouvellerai pas mon abonnement chez vous.
Gisèle (faussement désolée) : J’en suis désolée.
Cliente (faussement sincère) : Je ne voulais pas gâcher votre journée madame, et je vous remercie.
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Voilà où en sont rendus certaines compagnies en matière de traitement de l’environnement et du développement durable. Alors que de plus en plus d’entreprises font maintenant de la protection de l’environnement leur principal appât, leur meilleur cheval de bataille, d’autres continuent d’opérer sans trop se poser de questions sur la chose. Soit, chacun ses priorités.

Mais devant la montée des préoccupations environnementales dans la population, reste que bon nombre d’entreprises sont encore peu ou pas préparées, ou pire, pas encore intéressées à modifier réellement leurs façons de faire. Il est déplorable que les employés du service à la clientèle soient ceux qui reçoivent la patate chaude. Qui doivent se dépêtrer avec des commentaires de cet ordre, et pour lesquels ils n’ont rien de mieux à proposer que le département des plaintes.

Que faire? Prendre en pitié ces employés, ravaler ses doléances et se taire à jamais? Châtier Gisèle pour punir Compagnie-Machin-Chose? Où se trouve-t-il, le juste milieu? Quand des dirigeants d’entreprises n’ont pas de vision, ce sont les consommateurs qui doivent en avoir à leur place. C’est à celui qui paye de décider qui va survivre. Et pour survivre, il faut savoir s’adapter…

jeudi 6 mars 2008

Joies et peines du tourisme à l'occidentale

Les destinations soleil sont plus que jamais à la mode. Fréquenter un tout-inclus sous la chaleur des tropiques agit en véritable résurrection pour un grand nombre d’habitants de l’hémisphère nord. Après des mois de froidure, de lèvres gercées, de chutes de neige et de bottes souillées de calcium, difficile de dire non à quelques jours de repos dans les pays chauds.

Qui plus est, l’abondance de forfaits et de rabais de dernière minute renforce l’attrait pour ces séduisantes destinations. Pour peu qu’on ait économisé quelques sous durant l’année, l’accès à ces voyages de type « clé en main » est un véritable jeu d’enfant auquel un nombre croissant de célibataires, de couples, de familles et de groupes d’amis s’adonnent.

Or d’un côté, il y a ceux qui tueraient pour passer plus du temps sous les rayons UV en sirotant des pina colada à cœur de jour, pour se faire chouchouter par une femme de ménage dévouée et discrète et pour pouvoir compter, ne serait-ce qu’une fois dans sa vie, sur un congé de popote bien mérité.

Puis il y a ceux que ce genre de vacances rebute. Qui se questionnent sur les conditions de travail des employés des luxueux complexes hôteliers. Qui ne comprennent pas comment on peut offrir un séjour quatre étoiles à des visiteurs quand, à deux pas de là, la communauté locale n’a à peu près pas accès à l’eau courante, à l’électricité, à autant de nourriture et parfois, aux plages et autres ressources naturelles de son propre milieu de vie. Le revers de la médaille, quand on prend la peine de la retourner, n’est malheureusement pas toujours des plus reluisants.

Mais misère... Même en ayant conscience de ce genre d’inégalités et d’incohérences, comment blâmer les parents enrhumés et épuisés de s’accorder ainsi une semaine de repos loin du boulot, de la gastro et autres aléas parentaux? Comment en vouloir aux travailleurs verdâtres, fourbus, à deux cheveux du burn out d’aller s’injecter du concentré de vitamine D par intraveineuse?

Déjà, s’intéresser à la situation terrain est un pas dans la bonne direction. Encore une fois, en tant que consommateur, j’ai le plus grand des pouvoirs : celui de faire le choix de que ce que je veux oui ou non cautionner. Si je ne peux pas vivre avec l’idée que l’hôtel qu’on me propose génère plus de déchets en une semaine que le village d’à côté en une année, j’ai l’option de refuser d’y déposer ma valise. Le traitement des employés, la consommation d’eau et d’électricité, l’aménagement des lieux sont tous des points sur lesquels je peux m’informer avant de partir, pour prendre une décision éclairée.

Certains complexes de vacances commencent d’ailleurs à prendre en considération des principes aussi élémentaires que l’écoefficacité énergétique, la conservation du milieu naturel et l’octroi de salaires décents. Il était grand temps. Malgré de telles avancées, ce type de voyage ne peut convenir à tout le monde. Si tel est le cas, on peut se tourner vers un style de vacances qui s’accorde mieux à ses valeurs. Le séjour chez l’habitant, qui permet de s’imprégner de la culture locale, et le tourisme solidaire, qui consiste à faire profiter de son expertise professionnelle des communautés en développement, ne sont que deux exemples de voyages alternatifs qui garantissent dépaysement et encadrement.

Peu importe la forme de tourisme que je privilégie, je garde en tête que le type de vacances que je choisis a des impacts sur la population et l’environnement que je visite. Pourquoi ne pas faire en sorte qu’ils soient positifs?

lundi 3 mars 2008

Quand les étoiles jouent à cache-cache

Dans le Petit Robert, l’entrée du mot « pollution » demeure évasive. « Action de polluer. Dégradation d’un milieu par l’introduction d’un polluant. Nuisance quelconque. » Les auteurs du célèbre dictionnaire avaient-ils pressenti que la définition de pollution serait sujette à changement et franchirait des frontières qui dépassent l’entendement? L’air, la terre et l’eau ne sont effectivement pas les seuls à être touchées par le fléau pollution.

Bien que beaucoup plus loin de nous, la pollution de l’espace fait aussi son apparition. Détruire des satellites espion, faire exploser des réservoirs de carburant toxique en orbite autour de la Terre semblent maintenant faire partie des moeurs. Aussi on se réconforte : pour une fois, la responsabilité d’une telle pollution, résidus orbitaux et autres détritus intergalactiques, ne nous incombe pas. Mais doit-on forcément propulser ce dont on ne veut plus entre la Terre et la Lune pour bousiller la voûte étoilée?

Parlons-en aux astronomes. Pour ces derniers, les puissantes sentinelles, les éclairages mal adaptés ou braqués vers le ciel et les lumières extérieures en surabondance représentent l’ennemi à abattre. La pollution lumineuse fait à ce point des ravages qu’on parle d’une perte de patrimoine naturel, au même titre que la destruction des ressources terrestres. Exagération? Fantaisie d’observateurs d’étoiles?

Plus complexe que ça en fait. Bien entendu, la pollution qui voile le ciel nuit aux scientifiques et à leurs astronomiques recherches. Outre cela, l’excès de luminosité passé le coucher du soleil dérange les animaux nocturnes (aveuglement, perte d’habitats potentiels), et ce quand il ne dérègle pas carrément leurs habitudes (oiseaux qui se mettent à chanter en pleine nuit).

L’idée de bouleverser la routine du ouaouaron ne nous émeut pas le moins du monde? Qu’à cela ne tienne, le suréclairage fait aussi mal aux portefeuilles. Étrange, quand même, que d’un côté, l’idée de réaliser des substantielles économies nous séduise si fréquemment, mais que de l’autre, nous permettons et/ou participons à un tel gaspillage énergétique au moment même où les trois-quarts d’entre nous dorment à poings fermés. Montréal gaspillerait 45 millions de dollars d’électricité par année faute d’éclairage nocturne adapté…

Comment expliquer ce paradoxe? Par mode? Par goût? Par désintéressement? Plus simplement, par manque d’éducation, car il n’y a pas si longtemps que le sujet de la pollution lumineuse est… sous les projecteurs. Les scientifiques de l’Astrolab du Mont-Mégantic l’ont toutefois mis à l’ordre du jour il y a près d’un an, en annonçant la création de la première Réserve de ciel étoilé du monde, faisant ainsi de la région attenante au Mont-Mégantic un endroit où on se soucie de la voûte céleste.

Bonne nouvelle, la situation n’est pas irréversible. À l’inverse des autres types de pollution, celle qui camoufle momentanément les étoiles peut être rapidement envoyée au tapis. Suffit de passer à l’action et d’agir à la source. Le projet de lutte contre la pollution lumineuse mené dans la région a permis, en quelques années seulement, de retrouver sensiblement la même qualité de ciel qu’il y a trente ans. Le secteur visé par le projet n’est pas pour autant plongé dans une totale obscurité. On a simplement modifié la façon de s’éclairer. Diminué l’intensité et l’orientation des ampoules. Illuminé seulement ce qui devait l’être. Donné un couvre-feu à l’éclairage de certains établissements commerciaux. Une méthode efficace et qui, en plus, rapporte. Plus de sous économisés, plus d’étoiles à observer.

Comprendre les blues du climat

Avec un hiver aussi chargé en neige, certains mettent en doute l’imminence du changement climatique dont il est pourtant quotidiennement question dans les médias. Nous avons tous entendu ou énoncé, entre deux pelletés de neige, ce grand classique : « Réchauffement climatique, mon œil! ». Soit, ce n’est pas la neige qui manque cet hiver. Ceux qui aiment cette froide saison n’ont jusqu’ici pas trouvé de quoi se plaindre.

Ceux qui trouvent ce passage obligé long et pénible prennent leur mal en patience et égrainent leurs chapelets en espérant une fin abrupte de l’hiver. Exit le redoux de fin février, les giboulées de mars, la tempête du siècle du début avril et le point de congélation à la mi-mai, suivi d’une canicule aussi inattendue qu’insupportable. Ils se surprennent même à l’espérer, cet éventuel réchauffement du climat qui mettrait un terme à leur calvaire de novembre à avril.

Ont-ils raison de compter sur les bouleversements climatiques annoncés pour se garantir une retraite au soleil sans même devoir prendre l’avion? Quand on se renseigne sur la lourde et complexe question des chamboulements météorologiques, force est d’admettre que ceux qui font brûler des lampions pour voir pousser des palmiers au bord du Saint-Laurent sont, jusqu’à preuve du contraire, dans le champ. Comment? Les changements climatiques seraient-ils une gigantesque mascarade créée de toutes pièces par des groupes environnementaux pour faire paniquer les populations? Une machination politique visant à écarter tel candidat de la course à la chefferie? Le réchauffement prévu serait-il, purement et simplement, une invention bidon aussi difficile à prouver que l’existence des OVNIS?

Encore une fois, jusqu’à preuve du contraire, on observera, dans moins de temps qu’on le croyait, des soubresauts du climat. Cependant, sachant que la planète fonctionne comme un tout au sein desquels tous les éléments agissent en interrelation, on ne pourra pas parler de simple réchauffement.

Brièvement, l’augmentation de gaz à effet de serre (dont nous sommes en grande partie responsables) contribue au réchauffement de l’atmosphère, et l’accélère. Puisque la moyenne des températures s’élève, de nombreux phénomènes se produisent. Par exemple, la fonte rapide des glaciers vient perturber le cours normal des grands courants océaniques, ceux-là même qui influencent directement le climat des continents.

Ces grandes masses d’eaux chaudes et froides fonctionnent en circuit continu depuis la nuit des temps et apportent à nos continents les températures qu’on connaît. Mais si un courant océanique subit une perturbation, comme l’ajout d’une grande quantité d’eau de fonte de glacier, les températures normalement enregistrées sur les continents pourraient changer du tout au tout. Sécheresses, glaciations, inondations, tempêtes tropicales sont toutes des conséquences probables du changement climatique annoncé.

Le changement climatique ne doit donc pas être exclusivement associé à une hausse des mercures. Des conséquences multiples sont déjà observées dans plusieurs régions du globe : perte de superficie d’îles de l’océan Indien, érosion côtière aux Îles-de-la-Madeleine, dégel du pergélisol qui bousille les maisons et les pistes d’atterrissage chez nos amis du Nord québécois, température sous zéro et chutes de neige là où il n’y a que des pneus d’été. Allons maintenant dire aux habitants de ces régions que le changement climatique est un mythe.

Le doigt pris dans l'engrenage

À l’achat d’un objet, le consommateur est à cent lieues de se douter, et souvent à des années lumières de se soucier, de tout le chemin parcouru par l’engin convoité. L’acte de consommation est un geste naturel, quotidien, au même titre que boire, manger et se laver les dents. Le rythme de vie, le climat dans lequel on évolue, la fonction qu’on occupe, l’endroit où on habite, les bobos qui nous affligent, tout nous amène à nous procurer mille petites choses plus ou moins essentielles.

Les temps ont bien changé et ce, de façon très rapide. À preuve, il n’y a pas des siècles qu’on achète des linges à vaisselle usinés en Asie, et non plus montés sur les métiers à tisser paroissiaux. Qui plus est, se procurer une multitude de produits dans la plus totale simplicité est devenu monnaie courante. Le principal effort à fournir pour se procurer un bien matériel consiste en effet à régler sa facture Visa en ligne sur le site d’Accès D.

Plus question de tricoter quinze paires de bas pour protéger la progéniture des grands froids. Plus nécessaire de casser le cochon pour acheter le seul téléviseur en noir et blanc de tout le comté. Les objets tombent du ciel et entrent chez nous à pleines portes. On nous sollicite de partout, par téléphone à l’heure du souper et jusque derrière les boîtes de céréales, pour nous vendre ce qu’on a déjà en double.

Dans un tel contexte, quoi de plus normal que notre lien affectif avec l’objet se soit tordu, voire atténué. Ma brosse à dent électrique se brise? Tant pis, j’en rachète une autre. Mon cellulaire fonctionne encore, mais dieu qu’il est moche? Au suivant, s’il vous plaît!

D’où nous vient ce besoin de vouloir changer ce qui nous entoure parce que le tout ne répond plus aux critères esthétiques du moment? Qui décide que la lunette fumée type aviateur est soudainement bonne pour les oubliettes alors qu’hier, elle crevait l’écran? Pourquoi un sofa fleuri deviendrait, du jour au lendemain, beaucoup moins confortable quand la mode nous dicte de passer vite aux imprimés carreautés?

Ce mécanisme, que dire, cette machination qu’est devenue l’engrenage de la consommation est difficile à expliquer sans l’aide d’un schéma. Et justement, c’est ce sur quoi se penche une courte vidéo créée aux États-Unis et disponible sur Internet. En regardant l’Histoire des objets (une traduction libre de « Story of Stuff »), quiconque s’intéresse à la grande chaîne de la consommation et maîtrise relativement bien la langue de Shakespeare trouvera réponse à ses questions. Illustré en cinq étapes, le cycle de vie des objets, de l’extraction à l’enfouissement, nous est vachement bien décortiqué.

Sans s’adresser à nous comme à de pauvres imbéciles gâtés pourris, Story of Stuff nous remet quand même les yeux en face des trous en matière de consommation. Nous fait réaliser que de notre côté de l’hémisphère planétaire, on consomme négligemment ce que le reste du globe se tue à nous fournir. Nous invite à nous questionner sur cette honteuse façon d’aller puiser n’importe comment des matières premières, tout ça pour que des travailleurs sous-payés et exposés à mille dangers assemblent des produits conçus pour ne pas durer longtemps et dont ils ne bénéficieront sans doute jamais, faute d’argent. Nous remet en plein visage l’absurdité d’aller finalement enfouir dans le lointain tiers-monde des déchets qui pourraient mettre en péril notre précieuse sécurité.

Pour un petit vingt minutes bien investi : http://www.storyofstuff.com/

Pas à pas

Dans un article publié par La Presse cette semaine, on signalait une nouvelle espèce menacée. Pas question ici d’une plante ou d’un animal exotique. Cette fois, c’est le piéton qui vient allonger la liste de ce qui tend à disparaître. Vous savez, ce bizarroïde qui arrive, les matins d’hiver, vêtu comme l’abominable homme des neiges par-dessus un complet veston-cravate? Ou encore cette collègue qui se tortille pour enlever ses combines dans la cabine de toilette d’à côté?

Selon de savantes statistiques, ces spécimens gagneraient en impopularité. Des chiffres? De 1998 à 2005, on évalue que le pourcentage des disciples de la marche (à raison d’un déplacement par jour) est passé de 26 à 19 %. Qui plus est, les Canadiens tirent de la patte par rapport aux Européens quand vient le temps de se dégourdir les membres inférieurs. Alors que 46 % des déplacements utilitaires (pour aller travailler, par exemple) se font en marchant dans les Pays-Bas, ils atteignent, ô surprise, un misérable 12 % au Canada.

Ouille… Où sont donc rendus ceux qui jadis battaient de la semelle? Partis gonfler les statistiques qui démontrent maintenant que les déplacements en voiture ont, de leur côté, augmenté en flèche. Malaise. Culpabilité. On nous casse, que dire, on nous brise les oreilles avec les bienfaits de l’exercice physique. On nous courtise avec des concours et des défis de fruits et légumes. On nous répète inlassablement de nous bouger le derrière, pour l’amour, mais visiblement, le message ne se rend pas. Ou du moins, il y a de la friture sur la ligne.

Les raisons invoquées pour éviter de bouger sont nombreuses et bien justifiées. (Pour les avoir maintes fois invoquées, ces raisons bidon, l’auteure de ces lignes sait de quoi elle parle.) Manque de temps. Peur d’arriver en retard. Pluie, neige, vent, soleil, mal de dos, de genou, courbatures, travail à remettre, rôti de palette à faire cuire, coup de fil à passer, pots Mason à classer. Toutes ces pitoyables défaites viennent rapido à la rescousse de celui ou celle qui boude l’exercice physique.

Jusqu’à ce qu’on constate qu’au lieu de faire le pied de grue pendant 15 minutes à l’arrêt de bus, on aurait pu se rendre à pied à destination. Jusqu’à ce qu’on se crispe quotidiennement d’impatience, coincé dans un trafic automobile grandissant, et qu’on arrive au boulot avec la désagréable impression d’avoir déjà une journée dans le corps.

Jusqu’au jour où se rend compte que les promenades dès l’aube et en fin de soirées ne font pas que du bien à son chienchien adoré. Jusqu’à ce que l’on réalise qu’INTÉGRER un exercice tel que la marche à son horaire chargé nous évite d’aller suer, à contrecoeur, sur les machines poisseuses d’un gym malodorant.

Mais que fait-on de l’argument de la pollution? Marcher en respirant à pleins poumons c’est bien beau, mais quand c’est l’haleine fétide des pots d’échappement que l’on s’envoie dans les branchies, y a-t-il quand même un gain santé à se déplacer à pied? Parlons-en à ce marathonien éthiopien qui, cette semaine, remettait en question sa participation au marathon des olympiques de Pékin, vu la désastreuse qualité de l’air dans cette ville.

À plus forte raison, permettons-nous d’espérer que plus il y aura de piéton, plus l’atmosphère fleurera bon. Et l’air de Sherbrooke n’est pas celui de Pékin. Pour le moment du moins.

Chasser le naturel

Ma grande amie Annick est Madelinienne. Ses grands-parents, ses arrières grands-parents et les parents de ceux-ci sont nés dans ce minuscule et ravissant archipel au large de l’Île-du-Prince-Édouard. Son père et sa mère y demeurent encore. Annick, elle, habite Montréal depuis peu.

Bien qu’elle ne souhaite pas retourner habiter dans les îles qui l’ont vue naître, Annick se définit et se distingue clairement par ses origines. Autant par ses expressions si typiques, ses conserves maison de crabe et de palourdes que par ce besoin vital de retourner par chez elle au minimum une fois l’an. La mer, le vent, le sable, les falaises, les grandes vagues, tout ça, c’est Annick.

Mon père est né là où l’Estrie prend fin pour laisser place à la Beauce. Lui enlever ses montagnes, les digues de roches qui séparent les champs, les couleurs des érablières à la fin septembre et les sentiers qui traversent son village lui ferait probablement plus mal que si on l’amputait d’une jambe.

Pour l’Arménien, le mont Ararat, bien qu’il soit désormais en territoire turc, symbolise sa patrie, sa fierté, son identité arménienne. Pas un seul Arménien n’est insensible à l’idée de revoir ses frontières englober cette majestueuse montagne volcanique aux sommets perpétuellement enneigés.

L’attachement à la terre natale ou à son environnement immédiat est fort, quasi inaltérable. D’où qu’ils viennent, qui qu’ils soient, les humains sont depuis toujours influencés, modelés, façonnés par leur milieu physique. Une partie de soi est forgée à même là d’où l’on vient. Cette relation intime entre le milieu naturel et la personne qui y habite représente, pour plusieurs environnementalistes, la planche de salut de la planète. Protéger ce que l’on aime. Veiller sur ce que l’on admire. Apprécier ce que l’on a, comme ça, gratuitement autour de soi.

Or la nature perd constamment du terrain. Le lien entre l’humain et son milieu naturel s’atténue. Manger les champignons qu’on a soi-même cueilli, faire griller une truite qui, quelques heures plus tôt, s’ébrouait dans les rapides du ruisseau derrière la maison, récolter trois chaudières de bleuets dans le brûlis au fond du rang sans débourser le moindre centime, tout cela relève désormais de la science-fiction pour une grande majorité.

Comment alors demeurer attaché à ce que l’on ne voit plus? Comment être ému par la disparition de telle espèce de poisson quand la survie de notre famille n’en dépend pas? Pourquoi se faire du sang d’encre avec l’abattage massif d’arbres anciens quand de sa vie, on n’a jamais vu un seul pauvre arbre ancien? Comment diable s’intéresser aux beautés de la nature au point de vouloir en protéger l’intégrité quand, dans plusieurs endroits, tout ce qui en reste repose sur les frêles épaules d’indésirables pigeons, de rivières brunâtres et de boisés jugés sans valeur?

Plus fort que toutes les technologies vertes réunies, plus béton que les meilleures campagnes de sensibilisation, l’attachement à ce que la nature est et offre (sans rien demander d’autre qu’on lui fiche la paix) donne la conviction qu’il faut prendre soin de ce joyau. Si la foi peut réellement déplacer les montagnes, déplaçons-nous donc d’abord avec respect vers elles, et vers ces forêts, ces ruisseaux, ces merveilles. Peut-être nous insuffleront-elles la foi suffisante pour qu’on redonne enfin, à la nature, les lettres de noblesse qui lui reviennent de droit.

Travailler à distance

Pour une majorité de salariés, la journée de travail officielle se situe entre 8 h 30 le matin et 16 h 30 le soir, à peu de variantes près. Dans les faits, déplacements, imprévus, courses et service de garde oblige, ce qu’on appelle communément le 9 à 5 s’avère plus exactement être du 7 h 30 à 18 h. Ouf!

Ici en Estrie, c’est l’avantage de vivre en région, l’heure de pointe se prend comme une petite bière. N’allons surtout pas nous plaindre le ventre plein. Contrairement à celui de la métropole, notre pont Jacques-Cartier à nous ne connaît pour ainsi dire jamais d’embouteillage. À part quelques mémorables tempêtes de neige, deux ou trois bris de canalisation ou de ponctuelles réfections du réseau routier, le transport du point A au point B se fait, alléluia, rapidement et sans douleur sous nos latitudes estriennes.

Mais malgré cette facilité à se déplacer dans une ville comme la nôtre, certains choisissent quand même de dire adieu au déneigement de la voiture à la barre du jour ou à la course effrénée jusqu’à l’arrêt de bus. Pendant que le voisin s’évertue à déneiger l’entrée, le télétravailleur allume son portable. Au moment où l’ancienne collègue passe rapidement faire le plein d’essence avant d’arriver au bureau, la télétravailleuse se sert un petit réchaud de café dans le confort du foyer.

Paresse mal dissimulée? Prétexte pour ne pas avoir à se coiffer et se maquiller? Le télétravail est-il vraiment un moyen productif de gagner sa vie? Et surtout, que vient faire un tel sujet dans une chronique habituellement consacrée aux choses de l’environnement?

Vu sous l’angle environnemental, le télétravail tape directement dans le mille. Quand on offre à un employé la possibilité d’effectuer le même travail chez lui, on lui permet du coup de diminuer considérablement ses déplacements. Avec la magie de l’Internet et du matériel informatique présent dans presque tous les foyers, il est effectivement de moins en moins nécessaire de se rendre à la montagne pour aller gagner sa croûte.

Comme de nombreuses fonctions peuvent se prêter au jeu du télétravail, on ne s’étonne plus d’entendre un graphiste, un journaliste, un concepteur web et même un ingénieur déclarer qu’il travaille « de chez lui ». Moins de déplacements, moins de dépendance à l’automobile et au pétrole qui la fait avancer.

Pris à l’échelle d’une grande ville en proie aux bouchons monstres, si la moitié des travailleurs qui se déplacent bossaient directement à la maison, il y a fort à parier que les problèmes de circulation diminueraient ou disparaîtraient carrément. S’ensuivrait une meilleure qualité de l’air, et surtout, une bien meilleure qualité de vie pour tous ceux qui doivent absolument se déplacer pour mettre du beurre sur le pain croûté.

Lorsqu’un employé choisit le télétravail, l’automobile peut baisser la garde. En contrepartie, l’autonomie et l’autodiscipline se doivent d’être fidèles au poste. Si on pense pouvoir être autant, sinon plus efficace dans son boulot en le faisant à la maison, pourquoi ne pas le suggérer à son patron?