jeudi 21 octobre 2010

Une herbivore parmi nous

Babou est une enfant gustativement curieuse. Probablement est-elle encore à cet âge béni où les caprices, dédains et refus de goûter ne font pas encore partie de son répertoire identitaire. Nous, ses parents, en sommes terriblement heureux. Carpe diem et touchons du bois.

Faut dire qu’elle ne sort pas de la boîte de croque-nature du voisin, cette petite. Chez nous, en ce moment, il n’y a autour de la table que des bonnes fourchettes. Des palais qui apprécient la nouveauté, la différence, les tests, les essais. La nourriture sous toutes ses formes et expressions. Et qui savent se foutre la gueule des (rares) erreurs en les mangeant coûte que coûte.

Ceci dit, l’art de la table demeure, sous nos latitudes, vite fait bien fait, pas trop cher et nourrissant. Impatiente comme pas une avant de passer à table, ce n’est pas Babou qui va se plaindre du forfait express-écono-santé qu’on lui sert de notre mieux.

Toujours est-il que là où Babou réussit - encore une fois – à me surprendre, c’est par sa curiosité culinaire qui s’étend bien au-delà de l’art de la table.

Qu’elle s’improvise une collation sur le pouce d’un morceau de biscotte retrouvé derrière son bac à jouets, ça va. Qu’elle ne fasse qu’une bouchée de toute une variété de MNI (miettes non identifiées) qui fréquentent notre plancher passe encore.

Mais qu’invariablement, soir et matin, en sortant sur le balcon, elle prenne d’assaut le pot où pousse depuis l’été le basilic familial, s’installe devant, arrache les feuilles une à une, les mastique religieusement en se délectant bruyamment, ça, je ne m’y habitue pas.

Babou vous le dirait bien mieux que moi : « Hum, c’est bon basilitte! »

Si bon que les pauvres plants ne sont plus que chicots, grignotés jusqu’à la dernière trace de feuillage. Pas pour rien que depuis deux mois, j’associe le retour à la maison à un irrésistible arôme de cette enivrante herbe fine, qui suit mon enfant à la trace.

Ce matin, Babou a frappé un mur quand elle a réalisé qu’elle avait mis à sac son potager privé. Faute de pain, on mange de la galette. Elle a changé son fusil d’épaule en jetant son dévolu sur la talle de ciboulette, encore plutôt bien portante en cette mi-octobre.

Pour la fragrance « petit oignon portatif », on repassera. En revanche, le spectacle d’une puce de 19 mois qui pioche goulûment dans la plate-bande demeure, quant à lui, un véritable délice pour l’œil.

Incroyable Babou, va!

mardi 19 octobre 2010

Un petit paquet de nerfs, vraiment?

Dans le confort ouaté de son aquarium utérin, Bb2, il va sans dire, s’en donne à cœur joie. À cause de l’emplacement du placenta, antérieur mais probablement sur le côté gauche (c’est ma théorie), je sens très très bien ses multiples mouvements, gymnastiques et étirements. Je sens ici un petit pied, là un petit genou, et là, tiens, une descente du coude dans la vessie.

Toutes ces sensations sont nouvelles pour moi, enfin, beaucoup plus définies que lors de ma première grossesse. Enceinte de Babou, j’avais aussi un placenta antérieur, mais fort probablement placé en bouclier sur la majeure partie de mon abdomen, de telle sorte que je ne la sentais pas autant se démener à bord du Maman Inn.

En tout cas, pas au point de finir par penser que je vais accoucher par le flanc droit à force d’y être rouée de coups. Et pas au point non plus d’avoir rêvé deux fois dans la même semaine que j’étais une espèce rare d’hybride femme-kangourou, et que mon bébé pas encore à terme pouvait me sortir par le ventre à sa guise pour me faire des coucous, puis retourner bien au chaud.

Quand je fais part de cette activité fœtale intense, on me dit toujours « attache ta tuque, celui-là, il va en déplacer, de l’air ». J’ai un malaise avec cette affirmation.

À ma première grossesse, je dois l’avouer, je faisais mes prières pour que mon bébé soit calme et paisible. La génétique paternelle étant, on me l’avait si souvent dit, à l’opposé de ce que je souhaitais pour mon propre enfant. Alimentant ainsi mes nombreuses craintes d’avoir engendré avec l’Homme (un ex-monstre), un enfant terrible dont l’hyperactivité n’a d’égale que le déficit d’attention.

Pour ajouter à mes angoisses, j’ai vécu une fin de première grossesse remplie de nervosité, de colère et d’incompréhension, émotions causées par la folle à lier qui habitait alors au-dessus de chez nous et qui nous empoisonnait jour et nuit l’existence. C’était à mon avis complètement fichu pour le bébé calme que j’espérais avoir, et par-dessus le marché, je me sentais coupable de transmettre ce cocktail d’émotions nocives à mon petit passager.

Et puis est née Babou. Plutôt éveillée, mais insécure, à voir son besoin intense d’être constamment en mouvement dans nos bras-porte-babou-poussette, tout sauf à un endroit immobile, froid ou non-humain.

Or en grandissant, Babou s’est avérée être une petite fille tout ce qu’il y a de plus standard, capable de courir et de crier en s’essayant au breakdance, mais aussi de passer une demi-heure à colorier, à lire ses « liiiiiiiiiiill » ou à préparer une soupe aux blocs et toutous. Ma fille n’a donc rien du monstre que j’avais appréhendé.

Je me demande donc jusqu’à quel point l’attitude et la génétique parentales sont déterminantes dans le caractère d’un enfant. Et aussi, jusqu’à quel point l’activité fœtale donne un aperçu de la personnalité du petit être en construction.

J’aime plutôt croire que dans mon ventre, Babou bougeait probablement autant que son cadet, mais que ses mouvements étaient simplement amortis par un immense coussin placentaire.

Je préfère imaginer que mon Bb2, conçu et porté neuf mois par une maman calme et zen parce que plus expérimentée, et surtout, partageant son duplex avec des locataires merveilleux, n’est pas cet épouvantable typhon diabolique qu’on me prédit chaque fois que ce poupon change de position dans son étroit cagibi.

À suivre, donc!

vendredi 15 octobre 2010

Mars, Vénus, et puis après?

Vous arrive-t-il de demeurer perplexe devant les différences hommes/femmes? Notamment sur la façon dont s’effectuent les tâches ménagères? Les femmes peuvent accomplir – et réussir, cela va de soit— environ huit projets en même temps. On l’entend souvent celle-là. L’homme aurait davantage tendance à faire – à la perfection – les choses une par une.

Hier soir. Fatigue de semaine de travail qui s’achève et de 33 semaines de grossesse. Votre enfant – Babou en l’occurrence – a été exécrable pendant que vous vous évertuiez à préparer le souper, et vous a siphonné jusqu’à la dernière goutte de ce qui vous reste de patience. Dans votre tête, vous avez déjà les yeux fermés et vous dormez, sur le côté gauche avec quarante-douze oreillers de corps. Ne rêvez pas trop vite. C’est Babou, que vous venez de coucher, qui a cette chance. Pas vous. Pas encore.

Dans la vraie vie, vous regardez plutôt le spectacle récurrent du comptoir rempli de vaisselle sale. L’homme vous propose de faire la vaisselle. Oui merci, volontiers, mais avant, chéri, pourrais-tu descendre faire une brassée de foncé? Drrrrrrrring! Interrompus êtes-vous par le téléphone.

C’est la maman de l’homme, qui prend le combiné et qui, au lieu de se diriger vers le gouffre sans fond de linge sale, va clopin-clopant placoter calmement sur le canapé. Pendant ce temps, par souci d’efficacité, vous commencez à laver la vaisselle.

Quinze minutes (peut-être vingt!) plus tard, l’Homme revient, tout ahuri de voir la vaisselle presque terminée et sa femme qui a les mains dedans. De votre côté, vous affichez le même étonnement : comment peut-on ne pas être en mesure de faire une simple brassée tout en parlant au téléphone avec sa propre mère?

La question vous brûle les lèvres. Sept fois vous la retournez dans votre clapet souvent trop prompt à décrier ce-qui-n’est-pas-fait-assez-vite-à-votre-goût.

Et personne n’en meurt.

C’est ce qui compte, non?