Lisez, lisez, vous aussi aurez la veine qui palpite dans le front à force d'être en beau joualvert. Et ça vous aidera à vous mettre en contexte pour ce billet ci. Quand la bêtise et la mesquinerie sont au rendez-vous, je ne suis pas très belle à voir, et vraiment très très laide à entendre.
Qui plus est, ça a fait remonter dans ma mémoire cette anecdote un tantinet ahurissante.
J'avais été bénévole pour un salon de l'environnement, il y a quelques années de cela. Fin novembre, à la salle d'expo de ma ville. Endroit où se tenait aussi le salon des artisans, à l'époque, environ dans les mêmes dates.
Je suis postée à la table d'accueil, là où les gens payent leur entrée. Arrive une dame, la soixantaine, la tenue chic, le cheveux teint. Me donne son 5 $ pour faire le tour du Salon de l'environnement. Le truc est placardé en gros, en vert flash, à tous les 3 cm. Des kiosques d'éoliennes, d'association de sauvegarde de milieux humides, de vêtements recyclés, de bacs à compost, d'organisme qui dépolluent les rivières remplissent la salle.
Pas l'ombre d'un artisan dans la place, ou si peu. Plutôt, des dépliants et des powerpoint qui expliquent la mission environnementale de tout un chacun.
La gente dame (!) me revient quoi, une heure plus tard, profondément perplexe et vexée dedans son coeur. Coudonc, c'est pas le Salon des artisans ici? Redonnez-moi mon 5 $. Etc.
Et moi de refuser. Et de lui dire qu'elle aurait pu s'en rendre compte plus tôt, que c'était indiqué partout et que de toute façon, le montant symbolique de l'entrée va à la belle et noble cause environnementale.
Et elle de me répondre qu'elle s'en fiche tu de l'environnement, et tourne les talons, outrée, furax, mauvaise et enlaidie par le dégoût profond d'avoir côtoyé une heure dans sa vie des granos débiles qui veulent sauver le monde. Sans aucun préjugé, là, bien entendu!
Et moi de res-pi-rer.
J'haguiiiiiiiiiiiis les conflits. Je viens toute croche, toute frissonnante d'anxiété. Je ne gère vraiment pas bien les émotions négatives devant public qui font que je fais un métier derrière l'écran d'ordi, ce qui me convient parfaitement et épargne mes pauvres nerfs. Je n'aime pas pantoute le service à la clientèle, surtout quand le client est pas content. Mais bon, je me ressaisis, la journée n'est pas finie.
Les jours passent, deux semaines en fait, et je reçois l'appel d'une représentante de ma compagnie d'assurance-hospitalisation, qui doit passer chez moi pour percevoir mon versement annuel. Elle passera le lendemain.
Le lendemain, qui c'est que je retrouve sur le pas de ma porte? La méchante sorcière du salon de l'environnement. Oui, oui, la Médame!
Depuis quand, au juste, la vie nous redonne une deuxième chance de mettre les points sur les "i"? Depuis mon tout jeune âge, quand je me froisse avec un inconnu, je reste là bouche bée avec mon sens de la répartie embarré dans mes talons. Les répliques que j'aimerais lui foutre au dentier ne me poppent en tête que des heures après l'incartade. Sur le coup, j'ai l'air d'un poulp surgelé qui ne maîtrise pas plus de trois mots de vocabulaire. C'est tout juste si je ne m'excuse pas d'être venue au monde.
Mais là, la Vilaine est là devant moi. On se reconnaît, mais je suis en territoire connu et pas elle. Je lui remémore là où on s'est rencontrées et son visage se tord dans un rictus pas beau et pas gentil.
Alors dans tout son professionnalisme, la dame me balance qu'elle est encore en /"W$%/$! d'avoir laissé son 5 $ à une cause perdue.
Et de mon côté, autant je la trouve tarte exposant douze de replonger dans le vif du sujet et de ne pas me dire "D'accord madame, ça fait partie de notre vie personnelle mais je suis ici dans un but professionnel alors taisons l'anecdote", autant je profite de l'occasion, trop belle, pour lui dire tout ce que j'ai eu le temps de mijoter depuis ces deux dernières semaines.
Elle rétorque, argumente et n'abandonne pas. D'un fatalisme totalement accablant, la vipère. J'espère sincèrement ne pas vieillir comme elle, et m'y applique tous les jours en fait, tellement elle m'a dégoûtée ce jour-là, avec son indifférence devant la vie, son pas-d'espoir et son attitude de "anyway, on va tous mourir".
Quand je referme la porte, presque sur elle (pas pressée d'aller digérer ailleurs sa potée d'injures, apparemment), je suis bouleversée, mais satisfaite. Je lui ai dit ce que j'avais à dire.
Cinq ans plus tard, je n'en reviens toujours pas que le hasard ait remis cette femme si remplie de mauvaise foi sur ma route. Je suis remplie de gratitude envers la vie d'avoir pu ENFIN, POUR UNE FOIS utiliser mon argumentation de vive voix auprès de la principale concernée. Même si de toute évidence, ça lui passait quelques kilomètres au-dessus de sa belle permanente cognac aux reflets aubergine et tout le fixatif tenant la chose bien en place. J'avais pour ma part la conscience plus tranquille.
Et pour la petite histoire, j'ai appelé le directeur de ladite compagnie d'assurance, j'ai écrit une lettre de plainte contre cette représentante si peu professionnelle, et je n'ai plus jamais repris d'assurance-hospitalisation depuis.
Tu vois, Grande-Dame, ce genre de mochitude arrive plus souvent qu'on s'imagine. Mais je parie que ton tour est passé. Et bon, si jamais ça se reproduit, je compte sur toi pour passer à l'Ordure en question tout un savon. Tu en fabrique de si bons!