C'est probablement grâce au statut de mère au foyer de ma maman que je sais comment recoudre un bouton, repriser les chaussettes, plier décemment les draps contour, faire un bouillon de poulet qui se respecte et me servir d'un coupe-pâte (chose qu'on ne voit plus tellement dans les cuisines d'ailleurs, vous en avez un, vous?).
Pour ma maman, être à la maison n'était pas une punition. Nous étions quatre enfants alors elle avait amplement de quoi s'occuper du matin au soir. Elle vaquait à ses tâches en chantant, tout le temps, tant et si bien que j'avais cette impression qu'elle se réalisait pleinement dans ce rôle que j'en suis venue à idéaliser.
Jusqu'à ce que ce choix -- car contrairement à ma mère, pour l'époque dans laquelle je vis ma maternité, il s'agit bel et bien d'un choix -- s'impose à moi. J'ai longuement hésité, car j'avais beaucoup aimé mon premier congé de maternité. Être toujours disponible pour mon enfant, avoir un oeil sur tout ce qu'elle ingérait, m'assurer du sommeil dont elle bénéficiait.
Avoir du temps pour aller aux nombreux rendez-vous et cuisiner de bons plats santé, savoureux et variés. Chantonner tout en travaillant, flâner dans le fauteuil berçant après la tétée.
Mais un emploi dont je rêvais depuis longtemps m'était offert sur un plateau d'argent. Et j'ai décidé que ma fille n'aurait pas d'une maman comme celle que j'avais eu la chance d'avoir, toujours présente.
Je n'ai pas regretté mon choix, bien que je me sois rendue au travail en larmes pendant plusieurs jours, jusqu'à ce que la nouvelle routine convienne à tout le monde.
Pendant mes journées de boulot, j'avais ces soudaines prises de conscience qui me donnaient de bizarres de sensations dans le ventre. Je ne sais pas ce que ma fille fait en ce moment. Quelqu'un, qui n'est ni son père, ni sa mère, est en charge de sa survie. Gloup!
Puis récemment, j'ai parlé de tout ça avec ma mère. Elle m'a aidé à relativiser sur sa propre situation de maman à la maison. Certains jours, ce n'était guère la fête et elle nous aurait bien vendus à rabais au marché. Les tâches ménagères si répétitives qu'elle effectuait en fredonnant doucement, elle les trouvait, elle aussi, bien aliénantes.
Quand j'entends ma fille me poser en boucle la même question, malgré que je lui serve chaque fois la même réponse, je me revois bombarder ma mère de mes babillages sans doute aussi assourdissants. Avec mes yeux d'enfant, je ne la voyais tout simplement pas soupirer d'ennui, ma maman. Tout comme ma puce n'a pas l'air de se rendre compte que j'ai souvent envie de trouver le bouton mute qui me permettrait deux ou trois minutes d'un silence salvateur.
Les mamans de la génération de la mienne, elles nous trouvent chanceuses de pouvoir choisir entre la carrière et la maison. Il m'arrive de me lamenter avec la conciliation travail/famille, mais diable, comme j'apprécie d'avoir au bout des cinquante semaines de maternité intensive, une alternative.
Mamans à la maison, en toute connaissance de cause, je vous admire et je vous comprends à la fois. Je vous envie, je vous plains parfois.
Je suis certaine d'une chose, vos enfants vous en seront éternellement reconnaissants. Je parle par expérience.