mardi 13 septembre 2011

Tel quel

Enceinte de Babou, j'étais pleine d'idées préconçues à propos de mon bébé à naître. D'abord, nous avions choisi de ne pas en connaître le sexe d'avance. Pfff, pas besoin d'une échographie pour me dire que je portais un garçon! J'en étais si convaincue que j'en rêvais plusieurs fois par mois. L'éventualité d'avoir une fille ne m'avait même pas effleuré l'esprit. Ou si peu, le temps de choisir un prénom au cas où...

La suite m'apprit que mon instinct de femme enceinte n'était vraiment pas infaillible. J'avais bel et bien une merveilleuse petite fille dans les bras et cette nouvelle perspective m'enorgueillissait presque à l'excès.

Ma fille, à deux secondes de vie, était déjà la réplique miniature de son papa. Elle l'est encore ceci dit, physiquement du moins. Dans cette optique, j'entrevoyais dès sa naissance des moments.... essoufflants. L'Homme, de l'énergie, il en a à revendre. Il m'est donc apparu inévitable que ma petite reproduise le modèle tornade-tourbillon-centrifugeuse de son paternel.

Les mois passèrent. Je m'attendais tellement à avoir engendré un petit monstre que nous fûmes, l'Homme et moi, complètement décontenancés de l'attitude de Babou lors de ses premières visites au parc.

Cette mini-fourmi, elle n'avait pas un an qu'elle pointait du doigt la lune, examinait délicatement les fleurs et restait plantée là à regarder courir, hurler et s'ébattre les autres amis du parc.

Où était la petite terreur que j'appréhendais? J'avais envie de voir ma fille faire le tour du parc en quatrième vitesse en s'époumonant. Au lieu de l'empêcher de débouler le talus sur son legging blanc cassé, je devais lui pousser dans le dos pour qu'elle daigne essayer une seule fois le trampoline, la glissade, la balançoire soucoupe.

Incrédules, l'Homme et moi avons mis ce comportement contemplatif sur le compte du jeune âge de notre demoiselle. Elle est encore petite, elle n'est pas solide sur ses jambes, elle aime regarder les autres enfants pour apprendre... Persuadée étais-je qu'un jour, je devrais la ramasser in extremis en plein sprint au beau milieu de la rue ou encore, perchée sur la corniche du garage.

Dans le champ étais-je sur toute la ligne. Nous avons finalement décrété, il y a deux ou trois jours à peine, que notre Babou n'est pas et ne sera jamais un petit paquet de nerfs pas tenable. J'en ai eu la certitude samedi dernier, alors que j'étais seule au parc avec mes deux matelots.

Lasse et fatiguée, j'avais simplement installé Petit Frère dans la balançoire et pour une fois, j'ai fiché la paix à Babou. Fais ce que tu veux, ma tourterelle, moi je donne une poussée à l'heure à Petit Frère en regardant voler les mouches.

Babou a farfouillé dans les cailloux. Regardé et commenté un match de tennis amical. Cueilli des fleurs en me parlant (encore) du gâteau d'anniversaire de ses rêves. Mangé une collation assise près de moi. Puis, elle est allée examiner de plus près une petite fille qui jouait avec son papa. Elle ne s'est pas jointe à eux, mais les a bien observé. Est revenue en trottinant vers nous. A enlevé-remis-enlevé-remis ses sandales -- il y avait des roches dedans. A constaté à voix haute qu'une dame et un monsieur d'un certain âge se balançaient dans les balançoires de grandes personnes.

Et pendant tout ce temps, je laissais aller. Terminé, la maman fatigante, la g.o. du tout inclus qui insiste pour que son enfant performe dans toutes les structures et modules de jeux du parc de quartier. Fini, l'espoir ridicule et inutile de voir son enfant devenir la petite tannante du parc que tous ont envie d'envoyer sur Mercure en forfait aller-simple.

Ai-je vraiment espéré un jour avoir une gamine turbulente au lieu de ma délicate poupette béate de contemplation? Elle a du frère Marie-Victorin dans le nez celle-là, et alors, tant mieux! Qu'avais-je donc à souhaiter autre chose pour ce trésor avec lequel je vis depuis deux ans et demi?

Petit Frère, lui, regardait sa biscotte et se balançait tout peinard en m'inondant les oreilles de "boua boua boua boua", le babil de l'heure sous nos latitudes. Rien ne laisse présager que cet angélique poupon incarnera la tempête que sa soeur n'est finalement pas. Un ciel bleu, un oiseau qui passe, un moteur de tondeuse à gazon et un craquelin et mon gamin a tout pour être heureux pour de très très longues minutes.

Hier soir, à l'heure du bain, à ce propos, l'Homme a dit cette sage parole. "On ne peut pas les changer". Nos enfants. Ils sont comme ils sont un point c'est tout, depuis la seconde où ils sont conçus. C'est bien parfait comme ça. Et de toute façon, j'adore les surprises.

lundi 12 septembre 2011

Voir le positif

J'ai reçu un merveilleux bouquet de fleurs ce matin. Ma grande amie S. qui ne tarissait pas d'éloges sur ce blogue. Sur la parentalité que je raconte ici, et surtout, sur ma façon positive de mettre en mots les anecdotes et observations que j'en tire.

Ces compliments m'émeuvent profondément. Parce qu'au quotidien, il m'arrive au moins une fois par jour de réciter mon chapelet -- et pas nécessairement pieusement -- en marchant sur un coin de jouet, en relavant des draps de pipi pourtant nettoyés la veille, en faisant encoooooooore une fois la satanée vaisselle quand je n'ai qu'une envie, aller me rouler en boule avec les moutons de poussière qui roulent sous mon lit défait. Seule. Tranquille.

Dans mon sempiternel vêtement mou -- uniforme de mon congé de maternité -- je me sens souvent triste et moche. Mon bébé est mignon à croquer et cumule exploits et grandes premières, et ma fille, parlons-en, elle ne cesse de me surprendre par son vocabulaire riche et sa prodigieuse capacité à jouer avec les mots à deux ans et demi. N'empêche, parfois, même en leur si délicieuse présence je m'ennuie! Je m'ennuie de discuter avec une copine, d'échanger d'égal à égal. Ça me manque, voilà tout!

Parfois aussi, ma descendance me tombe royalement sur les nerfs. Quand ça ne sieste pas longtemps. Quand l'un réveille l'autre. Quand ça hurle pour obtenir un verre d'eau et que dès qu'on leur tend, ça nous le jette au visage parce que pas de la bonne couleur. Quand ça ne veut pas sortir dehors et que ça lambine en mettant ses bottes à l'envers en guise de protestation. Quand ça ne veut plus rentrer dans la maison et que ça se laisse choir sur la galerie. Quand ça chigne pour être dans les bras et que, une fois dans les bras, ça tortille pour retourner chigner par terre.

Et il y a le couple dans tout ça! Vous savez, cette notion floue et vague qu'on perd si facilement de vue quand le fruit de notre union nous siphonne jusqu'au dernier millilitre d'énergie! L'Homme, avec lequel je m'obstine si souvent! Mon Homme si volontaire, si présent, si impliqué, si polyvalent-bricoleur-drôle-affectueux-sportif-débrouillard!

Parfois, c'est en nous disant exactement la même chose dans des mots différents que nous nous prenons la tête, mais nous ne nous en rendant pas compte parce que trop interrompus par une couche à changer, un jouet brisé à réparer illico sous peine de crise d'apoplexie, une urgence collation et tous les décibels que ces situations ô combien pluriquotidiennes engendrent.

Alors voilà, malgré tout ça, si ici, c'est un portrait positif de ma situation familiale que je dépeins, je crois avoir bien à mon propre insu réussi un de mes défis de vie, soit de toujours tenter de tourner la situation, si pénible, navrante, éreintante soit-elle, en positif. Mission accomplie!

mercredi 7 septembre 2011

Héréditaire gourmandise

Je passe beaucoup de temps dans la cuisine. Par nécessité, par plaisir, par obligation, par inspiration. Pour remplir les quatre bedons de la maison, pour me changer les idées, pour ne pas que "ça" pourrisse dans le potager.

Mon homme aussi sait quoi faire avec un tablier, une casserole et une cuiller de bois. Et depuis quelques mois, une mini apprentie nous assiste.

Cette môme, elle adore tout ce qui se rapporte de près ou de loin à la nourriture. De l'aliment-jouet en plastique (elle en a reçu tout un assortiment à son anniversaire et depuis, j'en retrouve jusque dans mon panier à linge sale) à la spatule (je dois l'empêcher de dormir avec), du pinceau à badigeonner (elle prend son bain avec) aux napperons, de la menthe qui pousse à côté de la galerie aux livres de recettes que je feuillette avec elle de temps à autres, en quête d'idées nouvelles. Et elle commente les photos : "C'est bon!" ou "J'aime çââââ!".

À la garderie, Babou redemande quotidiennement une double et parfois, une triple ration. Sais pas où elle met tout ça, ma filiforme fillette, mais elle MANGE.

Et quand elle ne mange pas, elle parle de nourriture. Elle s'imagine toutes sortes de gâteaux d'anniversaire, de tartes des plus insolites, de bonbons qui n'ont rien à envier aux dragées surprise de Berthie Crochue.

Quand nous revenons en marchant de la garderie, pour passer le temps, nous dressons des listes d'épicerie imaginaires. Babou est toujours partante pour m'énumérer tous les aliments de son répertoire, où les pâtes, le brocoli et le gâteau se disputent la première marche du podium.

Disparates sont ses goûts. Je ne m'étonne même plus de la voir me réclamer une troisième sardine, une tranche supplémentaire de fromage bleu, des montagnes de cerises de terre ou un bol de zestes de citron. Se gavait de parmesan Reggiano à même pas 10 mois, cette coccinelle. A découvert l'univers des poissons en goûtant à du maquereau des Îles-de-la-Madeleine, ma sauterelle.

Gourmande. Curieuse de goûter, mon exploratrice du garde-manger.

Ce que ça donne?

Une influence positive pour son plus grand fan. Petit Frère, de sa chaise haute, examine avec un intérêt tangible le contenu de nos assiettes. Ma main au feu qu'il sera une aussi bonne fourchette que sa-soeur-son-idole. Je le vois aux transes qu'il nous fait quand on lui donne à manger, à l'agilité avec laquelle il se nourrit lui-même déjà, oui oui, jusqu'aux grains de riz qu'il pince entre son minuscule index et son mignonissime petit pouce.

Et chaque jour, je bénis et mon existence, et le fait d'avoir sous mon toit de si beaux enfants qui mordent à belles dents dans ce que je prends plaisir à cuisiner.

lundi 15 août 2011

La complicité

Elle en aura mis, du temps, Babou, pour digérer la présence de Petit Frère.

Dans les tous premiers jours de notre vie à quatre, j'ai eu droit à la froideur et à l'amertume d'un petit coeur brisé de 20 mois et demi. J'étais, les hormones aidant, en miettes. Avec l'impression de devoir quêter l'amour de ma petite fille, de la réapprivoiser, de me plier en quatre pour qu'elle comprenne que mon amour pour elle -- inconditionnel -- était inversement proportionnel au temps que je pouvais désormais lui consacrer.

Puis, à force d'efforts, au fil des jours, Babou a bien vu que Maman était toujours là pour elle, moyennant un peu de patience et d'autonomie. Pour elle, j'avais multiplié les petits moments de qualité. Bains ensemble, sorties au parc avec Petit Frère qui dormait dans la poussette-traîneau, histoires et jeux sitôt qu'il faisait la sieste. Tout ça a bien entendu contribué à rassurer Babou.

Tellement que j'ai eu rapidement l'impression de déshabiller Jacques pour habiller Jean, laissant parfois Petit Frère poireauter pendant que je divertissais sa grande soeur, ou accourait avec elle 36 fois par jour à la salle de bain pour prioriser son apprentissage de la propreté. Combien de tétées ai-je ainsi interrompues abruptement pour m'éviter des flaques de pipi à ramasser!

Découvrant par le fait même que mon Bb2 s'endurait nettement plus longtemps seul que ma première née, et que la simple présence d'une aînée en orbite autour de lui occupait fort bien mon poupon pendant de longues minutes.

Pendant les tous premiers mois de Petit Frère, Babou ne lui a jamais vraiment porté attention. Tout au plus un petit bisou par ci par là. Ou parfois, une petite marque de colère ou de jalousie, en bousculant les choses lui appartenant. C'est à ces signes que nous voyions qu'elle l'avait encore un brin de travers, Petit Frère.

Puis elle s'est mise à me demander où il était, quand celui ci était en sieste.

Puis je l'ai surprise à le faire rire à table, à le narguer gentiment avec sa biscotte en auto, à lui redonner compulsivement sa suce (qui semble être aimantée au plancher).

Puis à l'inclure systématiquement dans son énumération des membres de la famille. Papa, Maman, Petit Frère et Babou.

Quand on demande à Babou si elle souhaite qu'on garde Petit Frère, elle répond "oui" sans hésiter. Et nous regarde comme si nous avions eu la pire idée qui soit!

Hier, l'Homme s'affairait dans la cave. La petite jouait non loin de lui. Je devais aller chercher mon linge sur la corde avant que le ciel ne lui tombe dessus, alors j'ai amené Petit Frère jouer près de sa grande soeur.

Il y est resté près d'une heure. Les deux petits s'amusant ensemble en harmonie. Nous entendions de petits éclats de rire de bébé de temps à autres, à travers l'intarissable monologue bal-princesse-gâteau d'anniversaire-camping de Babou. J'ai même surpris Babou sur le vif, en plein flagrant délit de bisous sur la tête de Petit Frère, aussi ravi que surstimulé.

À 8 mois et demi, Petit Frère semble soudainement être devenu le complice officiel de sa grande soeur. Longue vie à ce lien privilégié propre à la fraternité!

vendredi 8 juillet 2011

La lettre d'amour

C'était une journée d'hiver. J'avais les yeux tuméfiés par mes nuits trop courtes. Mon bébé tout neuf flottait encore dans son habit de neige rouge 0-12 mois, c'est dire comme il était petit.

J'allais, comme toujours quand elle s'y rendait, chercher ma « grande fille » à la garderie vers les 16 h, en priant pour qu'elle soit déjà habillée, déjà en train de jouer dehors. La corvée de l'habillage de ma récalcitrante-presque-deux-ans-en-réaction-à-son-cadet, je pouvais très bien m'en passer.

Mais ce soir-là, les amis de la garderie n'étaient pas encore prêts à sortir. Je suis donc entrée avec le poupon dans un bras, prête au corps-à-corps quotidien du « je t'habille tu tortilles ».

C'est quelque part entre la jambe de salopette tournée à l'envers, l'enfant qui se laisse choir dans la flaque de neige fondue et le foulard égaré que l'éducateur de Babou m'a demandé de rédiger, pour le lendemain, un petit mot à ma fillette. Pour souligner la journée de l'enfant, ou de la famille, je ne me souviens plus trop bien.

Moui, bon, d'accord -- veux-tu te tenir debout saint-/$%"/%!"/Q%"/, reprends ta suce toi, oui tu as chaud mon amour, maman aussi, vite on sort -- je vais tout faire pour y penser! promis-je.

Quelque part en soirée, j'ai réussi à le coucher sur papier, ce petit mot de trois lignes et demi.

Ma chère petite Babou,
J'aimerais te dire à quel point je suis fière d'être ta maman. Tu mets beaucoup de soleil dans ma vie. Tu es drôle, coquine et tellement intelligente. Tu nous surprends toujours avec ton imagination. Je suis contente que tu t'intéresses à ton petit frère. Maman est choyée d'avoir d'avoir une petite fille comme toi. Je t'aime ma belle Titi d'amour,
Maman É.
XXX

J'ai, pour compléter le tout, apposé un petit autocollant de chien dans le bas à gauche.

Du plus loin que je me souvienne, j'ai adoré écrire. J'ai cette facilité avec les mots, ce don qui fait que sans effort, j'amène mon lectorat ailleurs - au pays des grandes émotions - pour pas un rond. J'en ai fait ma profession, armée de mon baccalauréat en rédaction.

Mais là, avec cette toute petite lettre de trois sous, tellement courte, tellement simplette, tellement composée sur le coin de la table par une maman agonisante de sommeil, tellement rédigée avec un stylo anonyme sur un bloc note recyclé, avec des mots si peu recherchés, j'ai tout de même tapé dans le mille.

Le lendemain, à la garderie, les éducateurs ont lu à chacun des amis la lettre d'amour rédigée par leurs parents. Les enfants étaient, semblent-ils, excessivement ravis et fiers. Ils ont en échange bricolé une enveloppe pour y ranger leur souvenir. Qui trône depuis dans la bibliothèque de la chambre de grande fille.

Ma puceronne conserve précieusement ce qu'on appelle entre nous « La lettre d'amour ». Ma théorie? Ce mot est probablement arrivé à point dans sa toute nouvelle vie de grande soeur, dans cette période pas si lointaine où elle apprenait à la dure qu'un petit garçon gros comme un pou qui lui avait chipé sa place.

À l'occasion, à l'heure du dodo, après les livres et les berceuses, Babou me demande de la lui lire, la lettre d'amour. Puis elle me l'enlève des mains en chuchotant « j'ai capable » et elle se met à réciter à voix toute basse les petites phrases qui lui sont destinées.

Et systématiquement, je fonds.



lundi 4 juillet 2011

Défi culinaire

Quand elle part en vacances, la famille de mon frère me lègue toujours ce qui, dans son frigo, est sur le bord de se perdre. Ils savent que j'ai un don pour redonner vie et corps à tout ce que le flétrissement et la péremption menace.

La dernière livraison date de vendredi. On y trouvait :

-du persil
-un paquet de roquette
-un reste de compote de rhubarbe
-deux oignons verts
-une demi-tomate
-un demi-pot de tomates en conserve maison
-un demi-pot de yogourt nature
-un fond de pot de yogourt à la vanille
-du lait, du jus de tomate
-de la trempette du commerce
-une lime dézestée
-de la sauce tomate
-des raisins rouges
-une pointe de tarte aux fraises

Avec ces derniers éléments, j'ai réussi à concocter :

-une salade de roquette dans sa plus simple expression
-une salade verte (oignons verts, jus de lime)
-du taboulé (persil)
-une soupe aux légumes (tomates en conserve et tomate fraîche)
-des muffins aux bleuets/framboise (yogourt vanille et nature)
-un pouding aux fruits (compote de rhubarbe)
-des sloppy joe (sauce tomate)

Tous les autres aliments ont été mangés ou bus tels quels.

Rien ne s'est perdu.

Je suis vraiment encore et toujours une championne de la gestion de frigo. Qui ose se mesurer à moi?

Cette maison

Nous l'avons achetée il y a trois ans. Un duplex datant de 1951. Le logement du bas avait été habité par une dame âgée (mais décédée au moment de l'achat) et celui du haut, par sa fille et sa petite-fille.

Pas que je veuille dire que les femmes sont nulles dans l'entretien d'une maison au sens large (rénos et tout le bazar), mais notre première maison avait, lors de la prise de possession, grandement besoin d'amour.

Avec quels yeux avons-nous visité cette demeure? Je me le demande encore. Le logement du bas était presque vide. La peinture des murs était défraîchie, écalée, démodée. Les luminaires étaient vieux et moches. Et pourtant...

Dans la salle de bain, on voyait bien que la vanité et la toilette étaient à changer au plus-que-sacrant. Et qu'il n'y avait ni ventilateur de salle de bain, ni prise de courant -- pas très pratique pour se sécher les cheveux. Et pourtant...

La cuisine... sujet douloureux. Pas de place. Une cuisine laboratoire à la mode des années 1950, une dépense comme on disait autrefois, ne pouvant contenir qu'une dévouée personne à la fois -- en l'occurrence Bobonne comme c'était d'usage à l'époque. Petit, exigu, non-standard. Une hotte d'un autre temps, faisant plus de vacarme que d'aspiration des vapeurs de cuisson. Pas d'entrée de lave-vaisselle et pas d'espoir d'en installer un portatif. Rien pour mettre en appétit la passionnée des casseroles que j'incarne. Et pourtant...

Dans la cave, il y avait cette indésirable odeur d'humidité pas chouette du tout. Celle que tous les aspirants acheteurs redoutent. Et nous nous doutions bien que l'isolation des murs de la fondation ne valait pas une tortilla et qu'il faudrait tout se retaper le boulot. Le coin laveuse-sécheuse, toujours dans la cave, était peu pratique et mal fichu (la sortie de sécheuse mesurait environ 15 mètres et était remplie de coudes, de joints et d'angles à 45 degrés). Il fallait tout relocaliser, beau contrat de plomberie en perspective. Et pourtant...

Un des deux réservoirs à eau chaude arrivait en fin de vie. À changer donc, et comme rien n'est simple, il fallait le relocaliser lui aussi car nous souhaitions que les deux réservoirs soient côte-à-côte, ce qui n'était visiblement pas un souci pour l'installateur initial. Et pourtant...

Le réservoir de mazout... âge-canonique, défraîchi, rouillé. Il n'était plus assurable, énorme et mal situé. Qui plus est, il aurait fallu être plus que téméraire pour le faire remplir -- gare aux déversements fâcheux et aux interminables emmerdes inhérentes avec le MDDEP et je ne sais qui encore. Et pourtant...

Les marches d'escalier pour se rendre au logement du dessus n'étaient plus que dentelle de bois. Nous redoutions les fissures dans la fondation (qui se sont avérées existantes, trois fois plutôt qu'une). Le garage n'avait pas tellement fière allure. Nous n'avions pas de locataires en vue et nous devrions en trouver. Et pourtant...

Nous avions tous deux de nouveaux emplois temporaires et/ou contractuels à court terme, pas un sou de côté....

Mais de la naïveté, nous aurions pu en revendre! Et nous avons acheté le duplex.

Et nous y avons emménagé. Je suis tombée enceinte de Babou le soir même de notre déménagement. Ce n'était pas dans les plans. Et pourtant...

Et pourtant, tout s'est arrangé. Petit à petit, nous avons (lire : IL a) effectué presque tous les travaux nous-mêmes. Avec l'aide d'amis, de parents, de professionnels parfois.

J'ai de la veine, l'Homme est un infatigable bricoleur, génie inventif et recycleur acharné.

Et puis, les enfants nous ont donné ce fabuleux coup de pied au derrière/sentiment d'urgence qui nous font régler les problèmes, petits et grands, rondement.

Rien n'est parfait. Nous avons encore une liste affolante de choses à changer, de projets à concrétiser.

Actuellement, la cuisine est dans la mire. Objectif : tout arracher. Tout refaire à neuf. On ne peut pas agrandir, mais on peut rendre plus moderne et plus fonctionnel. Peu importe le prix, ou presque. Ce projet m'enivre et j'ai espoir de m'endormir, au courant des prochains mois, au son du doux ronronnement d'un lave-vaisselle. Musique divine pour mes mains décapées par cette corvée répétitive que je ne pourrai supporter à mon retour au travail, dans quelques mois.

Elle n'est pas parfaite cette maison, mais on s'y sent bien et nous prenons plaisir et fierté à la voir se transformer sous les mains habiles de l'Homme.

Notre aspirateur central -tout nouvellement installé- n'a qu'à bien se tenir!