vendredi 8 juillet 2011

La lettre d'amour

C'était une journée d'hiver. J'avais les yeux tuméfiés par mes nuits trop courtes. Mon bébé tout neuf flottait encore dans son habit de neige rouge 0-12 mois, c'est dire comme il était petit.

J'allais, comme toujours quand elle s'y rendait, chercher ma « grande fille » à la garderie vers les 16 h, en priant pour qu'elle soit déjà habillée, déjà en train de jouer dehors. La corvée de l'habillage de ma récalcitrante-presque-deux-ans-en-réaction-à-son-cadet, je pouvais très bien m'en passer.

Mais ce soir-là, les amis de la garderie n'étaient pas encore prêts à sortir. Je suis donc entrée avec le poupon dans un bras, prête au corps-à-corps quotidien du « je t'habille tu tortilles ».

C'est quelque part entre la jambe de salopette tournée à l'envers, l'enfant qui se laisse choir dans la flaque de neige fondue et le foulard égaré que l'éducateur de Babou m'a demandé de rédiger, pour le lendemain, un petit mot à ma fillette. Pour souligner la journée de l'enfant, ou de la famille, je ne me souviens plus trop bien.

Moui, bon, d'accord -- veux-tu te tenir debout saint-/$%"/%!"/Q%"/, reprends ta suce toi, oui tu as chaud mon amour, maman aussi, vite on sort -- je vais tout faire pour y penser! promis-je.

Quelque part en soirée, j'ai réussi à le coucher sur papier, ce petit mot de trois lignes et demi.

Ma chère petite Babou,
J'aimerais te dire à quel point je suis fière d'être ta maman. Tu mets beaucoup de soleil dans ma vie. Tu es drôle, coquine et tellement intelligente. Tu nous surprends toujours avec ton imagination. Je suis contente que tu t'intéresses à ton petit frère. Maman est choyée d'avoir d'avoir une petite fille comme toi. Je t'aime ma belle Titi d'amour,
Maman É.
XXX

J'ai, pour compléter le tout, apposé un petit autocollant de chien dans le bas à gauche.

Du plus loin que je me souvienne, j'ai adoré écrire. J'ai cette facilité avec les mots, ce don qui fait que sans effort, j'amène mon lectorat ailleurs - au pays des grandes émotions - pour pas un rond. J'en ai fait ma profession, armée de mon baccalauréat en rédaction.

Mais là, avec cette toute petite lettre de trois sous, tellement courte, tellement simplette, tellement composée sur le coin de la table par une maman agonisante de sommeil, tellement rédigée avec un stylo anonyme sur un bloc note recyclé, avec des mots si peu recherchés, j'ai tout de même tapé dans le mille.

Le lendemain, à la garderie, les éducateurs ont lu à chacun des amis la lettre d'amour rédigée par leurs parents. Les enfants étaient, semblent-ils, excessivement ravis et fiers. Ils ont en échange bricolé une enveloppe pour y ranger leur souvenir. Qui trône depuis dans la bibliothèque de la chambre de grande fille.

Ma puceronne conserve précieusement ce qu'on appelle entre nous « La lettre d'amour ». Ma théorie? Ce mot est probablement arrivé à point dans sa toute nouvelle vie de grande soeur, dans cette période pas si lointaine où elle apprenait à la dure qu'un petit garçon gros comme un pou qui lui avait chipé sa place.

À l'occasion, à l'heure du dodo, après les livres et les berceuses, Babou me demande de la lui lire, la lettre d'amour. Puis elle me l'enlève des mains en chuchotant « j'ai capable » et elle se met à réciter à voix toute basse les petites phrases qui lui sont destinées.

Et systématiquement, je fonds.



lundi 4 juillet 2011

Défi culinaire

Quand elle part en vacances, la famille de mon frère me lègue toujours ce qui, dans son frigo, est sur le bord de se perdre. Ils savent que j'ai un don pour redonner vie et corps à tout ce que le flétrissement et la péremption menace.

La dernière livraison date de vendredi. On y trouvait :

-du persil
-un paquet de roquette
-un reste de compote de rhubarbe
-deux oignons verts
-une demi-tomate
-un demi-pot de tomates en conserve maison
-un demi-pot de yogourt nature
-un fond de pot de yogourt à la vanille
-du lait, du jus de tomate
-de la trempette du commerce
-une lime dézestée
-de la sauce tomate
-des raisins rouges
-une pointe de tarte aux fraises

Avec ces derniers éléments, j'ai réussi à concocter :

-une salade de roquette dans sa plus simple expression
-une salade verte (oignons verts, jus de lime)
-du taboulé (persil)
-une soupe aux légumes (tomates en conserve et tomate fraîche)
-des muffins aux bleuets/framboise (yogourt vanille et nature)
-un pouding aux fruits (compote de rhubarbe)
-des sloppy joe (sauce tomate)

Tous les autres aliments ont été mangés ou bus tels quels.

Rien ne s'est perdu.

Je suis vraiment encore et toujours une championne de la gestion de frigo. Qui ose se mesurer à moi?

Cette maison

Nous l'avons achetée il y a trois ans. Un duplex datant de 1951. Le logement du bas avait été habité par une dame âgée (mais décédée au moment de l'achat) et celui du haut, par sa fille et sa petite-fille.

Pas que je veuille dire que les femmes sont nulles dans l'entretien d'une maison au sens large (rénos et tout le bazar), mais notre première maison avait, lors de la prise de possession, grandement besoin d'amour.

Avec quels yeux avons-nous visité cette demeure? Je me le demande encore. Le logement du bas était presque vide. La peinture des murs était défraîchie, écalée, démodée. Les luminaires étaient vieux et moches. Et pourtant...

Dans la salle de bain, on voyait bien que la vanité et la toilette étaient à changer au plus-que-sacrant. Et qu'il n'y avait ni ventilateur de salle de bain, ni prise de courant -- pas très pratique pour se sécher les cheveux. Et pourtant...

La cuisine... sujet douloureux. Pas de place. Une cuisine laboratoire à la mode des années 1950, une dépense comme on disait autrefois, ne pouvant contenir qu'une dévouée personne à la fois -- en l'occurrence Bobonne comme c'était d'usage à l'époque. Petit, exigu, non-standard. Une hotte d'un autre temps, faisant plus de vacarme que d'aspiration des vapeurs de cuisson. Pas d'entrée de lave-vaisselle et pas d'espoir d'en installer un portatif. Rien pour mettre en appétit la passionnée des casseroles que j'incarne. Et pourtant...

Dans la cave, il y avait cette indésirable odeur d'humidité pas chouette du tout. Celle que tous les aspirants acheteurs redoutent. Et nous nous doutions bien que l'isolation des murs de la fondation ne valait pas une tortilla et qu'il faudrait tout se retaper le boulot. Le coin laveuse-sécheuse, toujours dans la cave, était peu pratique et mal fichu (la sortie de sécheuse mesurait environ 15 mètres et était remplie de coudes, de joints et d'angles à 45 degrés). Il fallait tout relocaliser, beau contrat de plomberie en perspective. Et pourtant...

Un des deux réservoirs à eau chaude arrivait en fin de vie. À changer donc, et comme rien n'est simple, il fallait le relocaliser lui aussi car nous souhaitions que les deux réservoirs soient côte-à-côte, ce qui n'était visiblement pas un souci pour l'installateur initial. Et pourtant...

Le réservoir de mazout... âge-canonique, défraîchi, rouillé. Il n'était plus assurable, énorme et mal situé. Qui plus est, il aurait fallu être plus que téméraire pour le faire remplir -- gare aux déversements fâcheux et aux interminables emmerdes inhérentes avec le MDDEP et je ne sais qui encore. Et pourtant...

Les marches d'escalier pour se rendre au logement du dessus n'étaient plus que dentelle de bois. Nous redoutions les fissures dans la fondation (qui se sont avérées existantes, trois fois plutôt qu'une). Le garage n'avait pas tellement fière allure. Nous n'avions pas de locataires en vue et nous devrions en trouver. Et pourtant...

Nous avions tous deux de nouveaux emplois temporaires et/ou contractuels à court terme, pas un sou de côté....

Mais de la naïveté, nous aurions pu en revendre! Et nous avons acheté le duplex.

Et nous y avons emménagé. Je suis tombée enceinte de Babou le soir même de notre déménagement. Ce n'était pas dans les plans. Et pourtant...

Et pourtant, tout s'est arrangé. Petit à petit, nous avons (lire : IL a) effectué presque tous les travaux nous-mêmes. Avec l'aide d'amis, de parents, de professionnels parfois.

J'ai de la veine, l'Homme est un infatigable bricoleur, génie inventif et recycleur acharné.

Et puis, les enfants nous ont donné ce fabuleux coup de pied au derrière/sentiment d'urgence qui nous font régler les problèmes, petits et grands, rondement.

Rien n'est parfait. Nous avons encore une liste affolante de choses à changer, de projets à concrétiser.

Actuellement, la cuisine est dans la mire. Objectif : tout arracher. Tout refaire à neuf. On ne peut pas agrandir, mais on peut rendre plus moderne et plus fonctionnel. Peu importe le prix, ou presque. Ce projet m'enivre et j'ai espoir de m'endormir, au courant des prochains mois, au son du doux ronronnement d'un lave-vaisselle. Musique divine pour mes mains décapées par cette corvée répétitive que je ne pourrai supporter à mon retour au travail, dans quelques mois.

Elle n'est pas parfaite cette maison, mais on s'y sent bien et nous prenons plaisir et fierté à la voir se transformer sous les mains habiles de l'Homme.

Notre aspirateur central -tout nouvellement installé- n'a qu'à bien se tenir!