lundi 5 décembre 2011

Utiliser son sens de la répartie : quand la vie te donne une deuxième chance

Il y a quelques jours, il est arrivé quelque chose de vraiment déprimant et injuste à Grande-Dame.

Lisez, lisez, vous aussi aurez la veine qui palpite dans le front à force d'être en beau joualvert. Et ça vous aidera à vous mettre en contexte pour ce billet ci. Quand la bêtise et la mesquinerie sont au rendez-vous, je ne suis pas très belle à voir, et vraiment très très laide à entendre.

Qui plus est, ça a fait remonter dans ma mémoire cette anecdote un tantinet ahurissante.

J'avais été bénévole pour un salon de l'environnement, il y a quelques années de cela. Fin novembre, à la salle d'expo de ma ville. Endroit où se tenait aussi le salon des artisans, à l'époque, environ dans les mêmes dates.

Je suis postée à la table d'accueil, là où les gens payent leur entrée. Arrive une dame, la soixantaine, la tenue chic, le cheveux teint. Me donne son 5 $ pour faire le tour du Salon de l'environnement. Le truc est placardé en gros, en vert flash, à tous les 3 cm. Des kiosques d'éoliennes, d'association de sauvegarde de milieux humides, de vêtements recyclés, de bacs à compost, d'organisme qui dépolluent les rivières remplissent la salle.

Pas l'ombre d'un artisan dans la place, ou si peu. Plutôt, des dépliants et des powerpoint qui expliquent la mission environnementale de tout un chacun.

La gente dame (!) me revient quoi, une heure plus tard, profondément perplexe et vexée dedans son coeur. Coudonc, c'est pas le Salon des artisans ici? Redonnez-moi mon 5 $. Etc.

Et moi de refuser. Et de lui dire qu'elle aurait pu s'en rendre compte plus tôt, que c'était indiqué partout et que de toute façon, le montant symbolique de l'entrée va à la belle et noble cause environnementale.

Et elle de me répondre qu'elle s'en fiche tu de l'environnement, et tourne les talons, outrée, furax, mauvaise et enlaidie par le dégoût profond d'avoir côtoyé une heure dans sa vie des granos débiles qui veulent sauver le monde. Sans aucun préjugé, là, bien entendu!

Et moi de res-pi-rer.

J'haguiiiiiiiiiiiis les conflits. Je viens toute croche, toute frissonnante d'anxiété. Je ne gère vraiment pas bien les émotions négatives devant public qui font que je fais un métier derrière l'écran d'ordi, ce qui me convient parfaitement et épargne mes pauvres nerfs. Je n'aime pas pantoute le service à la clientèle, surtout quand le client est pas content. Mais bon, je me ressaisis, la journée n'est pas finie.

Les jours passent, deux semaines en fait, et je reçois l'appel d'une représentante de ma compagnie d'assurance-hospitalisation, qui doit passer chez moi pour percevoir mon versement annuel. Elle passera le lendemain.

Le lendemain, qui c'est que je retrouve sur le pas de ma porte? La méchante sorcière du salon de l'environnement. Oui, oui, la Médame!

Depuis quand, au juste, la vie nous redonne une deuxième chance de mettre les points sur les "i"? Depuis mon tout jeune âge, quand je me froisse avec un inconnu, je reste là bouche bée avec mon sens de la répartie embarré dans mes talons. Les répliques que j'aimerais lui foutre au dentier ne me poppent en tête que des heures après l'incartade. Sur le coup, j'ai l'air d'un poulp surgelé qui ne maîtrise pas plus de trois mots de vocabulaire. C'est tout juste si je ne m'excuse pas d'être venue au monde.

Mais là, la Vilaine est là devant moi. On se reconnaît, mais je suis en territoire connu et pas elle. Je lui remémore là où on s'est rencontrées et son visage se tord dans un rictus pas beau et pas gentil.

Alors dans tout son professionnalisme, la dame me balance qu'elle est encore en /"W$%/$! d'avoir laissé son 5 $ à une cause perdue.

Et de mon côté, autant je la trouve tarte exposant douze de replonger dans le vif du sujet et de ne pas me dire "D'accord madame, ça fait partie de notre vie personnelle mais je suis ici dans un but professionnel alors taisons l'anecdote", autant je profite de l'occasion, trop belle, pour lui dire tout ce que j'ai eu le temps de mijoter depuis ces deux dernières semaines.

Elle rétorque, argumente et n'abandonne pas. D'un fatalisme totalement accablant, la vipère. J'espère sincèrement ne pas vieillir comme elle, et m'y applique tous les jours en fait, tellement elle m'a dégoûtée ce jour-là, avec son indifférence devant la vie, son pas-d'espoir et son attitude de "anyway, on va tous mourir".

Quand je referme la porte, presque sur elle (pas pressée d'aller digérer ailleurs sa potée d'injures, apparemment), je suis bouleversée, mais satisfaite. Je lui ai dit ce que j'avais à dire.

Cinq ans plus tard, je n'en reviens toujours pas que le hasard ait remis cette femme si remplie de mauvaise foi sur ma route. Je suis remplie de gratitude envers la vie d'avoir pu ENFIN, POUR UNE FOIS utiliser mon argumentation de vive voix auprès de la principale concernée. Même si de toute évidence, ça lui passait quelques kilomètres au-dessus de sa belle permanente cognac aux reflets aubergine et tout le fixatif tenant la chose bien en place. J'avais pour ma part la conscience plus tranquille.

Et pour la petite histoire, j'ai appelé le directeur de ladite compagnie d'assurance, j'ai écrit une lettre de plainte contre cette représentante si peu professionnelle, et je n'ai plus jamais repris d'assurance-hospitalisation depuis.

Tu vois, Grande-Dame, ce genre de mochitude arrive plus souvent qu'on s'imagine. Mais je parie que ton tour est passé. Et bon, si jamais ça se reproduit, je compte sur toi pour passer à l'Ordure en question tout un savon. Tu en fabrique de si bons!

mercredi 14 septembre 2011

Confidences d'une télocheless

On n'a plus la télé depuis le passage au numérique.

...

C'est drôle comme personne dans la maisonnée n'en souffre. Nous sommes passé de deux ou trois chaînes semi-enneigées au néant télévisuel et c'est comme s'il ne s'était rien passé du tout.

Pas que j'aie envie de vous servir ce grand classique hautain de "Ah, nous, la télé, nous trouvons ça insignifiant". Mais non. Je ne suis pas si vertueuse que ça, voyons.

En fait j'aime bien la regarder, la tivi. Nous avons même déjà été abonnés au câble quelques mois et j'affectionnais, je l'avoue, ces émissions de déco, de métamorphoses et d'accouchements que mon Homme trouve teeeeellement, mais tellement nulles. J'en conviens, c'est abominablement cucul, mais quel bon divertissement de temps à autres!

L'abondance de chaînes créée chez moi une légère dépendance à la téloche. Pour moi, ouvrir la télé, c'est aussi ouvrir toute grande la porte du garde-manger passé 20 h et me garocher pathétiquement dans les grignotines. C'est me coucher plus tard aussi, souvent pour un truc pas particulièrement pertinent mais bon, je veux voir comment ça se termine bien que je le sache depuis la toute première seconde du générique du début. Et en bout de ligne, c'est être moribonde le lendemain matin, aux aurores avec mes deux minuscules personnalités matinales.

La tivi, ici, c'est le vice. Nous devenons mous, lâches et patates de sofa devant le petit écran. Pas très jojo, le portrait robot de mon illustre moi-même affalé devant la boîte à images. La bave qui coule, l'oeil injecté de sang, le derrière qui élargit, c'est un peu tout ça pour moi, l'excès de tivi.

Je ne m'aime pas beaucoup dans mon rôle de victime de la dictature télévisuelle, alors arrière Satan, le cablômachin, et exit jusqu'à l'idée même de la soucoupe atomique qui nous relie avec les satellites de la Nasa et ses milliards de posssssssssses de TV qui, au final, nous remâchent en continu la même soupe fade, tiède et réchauffée. Aime mieux investir le 55 % de mon salaire dans mes futures armoires de cuisine.

Avec notre desserte télévisuelle minimale, mon intérêt pour les documentaires scientifiques un tantinet vulgarisés, les reportages à saveur sociale, les émissions de cuisine, le bulletin de nouvelle de fin de soirée et les souvent excellentes séries télé trouve généralement son compte.

À vrai dire, quand nous n'avons que deux ou trois possibilités d'émission, je trouve beaucoup plus facile de me contenir. Je ne pense pas souvent à m'incliner dans mon divan, si ce n'est que pour mettre un Passe-Partout à Babou ou pour synthoniser Télé-Québec, le temps d'entretenir les griffes acérées de Petit Frère (l'image dans le caisson l'immobilise pendant deux ou trois minutes, tout au plus).

Depuis quinze jours donc, il neige à plein ciel dans notre ancêtre cathodique. L'Homme a tout de même tenu à nous procurer le convecteur temporel qui convertira le signal analogique avec le mode numérique. Je n'y comprends rien.

Et n'eut été de Cornemuse et autres émissions pour enfants qui amusent Babou une ou deux fois par semaine, je crois bien que j'aurais très bien survécu sans ce qui encombre un coin de mon salon.

J'ai l'air d'une sainte comme ça, mais ne m'enlevez pas mon accès Internet!

mardi 13 septembre 2011

Tel quel

Enceinte de Babou, j'étais pleine d'idées préconçues à propos de mon bébé à naître. D'abord, nous avions choisi de ne pas en connaître le sexe d'avance. Pfff, pas besoin d'une échographie pour me dire que je portais un garçon! J'en étais si convaincue que j'en rêvais plusieurs fois par mois. L'éventualité d'avoir une fille ne m'avait même pas effleuré l'esprit. Ou si peu, le temps de choisir un prénom au cas où...

La suite m'apprit que mon instinct de femme enceinte n'était vraiment pas infaillible. J'avais bel et bien une merveilleuse petite fille dans les bras et cette nouvelle perspective m'enorgueillissait presque à l'excès.

Ma fille, à deux secondes de vie, était déjà la réplique miniature de son papa. Elle l'est encore ceci dit, physiquement du moins. Dans cette optique, j'entrevoyais dès sa naissance des moments.... essoufflants. L'Homme, de l'énergie, il en a à revendre. Il m'est donc apparu inévitable que ma petite reproduise le modèle tornade-tourbillon-centrifugeuse de son paternel.

Les mois passèrent. Je m'attendais tellement à avoir engendré un petit monstre que nous fûmes, l'Homme et moi, complètement décontenancés de l'attitude de Babou lors de ses premières visites au parc.

Cette mini-fourmi, elle n'avait pas un an qu'elle pointait du doigt la lune, examinait délicatement les fleurs et restait plantée là à regarder courir, hurler et s'ébattre les autres amis du parc.

Où était la petite terreur que j'appréhendais? J'avais envie de voir ma fille faire le tour du parc en quatrième vitesse en s'époumonant. Au lieu de l'empêcher de débouler le talus sur son legging blanc cassé, je devais lui pousser dans le dos pour qu'elle daigne essayer une seule fois le trampoline, la glissade, la balançoire soucoupe.

Incrédules, l'Homme et moi avons mis ce comportement contemplatif sur le compte du jeune âge de notre demoiselle. Elle est encore petite, elle n'est pas solide sur ses jambes, elle aime regarder les autres enfants pour apprendre... Persuadée étais-je qu'un jour, je devrais la ramasser in extremis en plein sprint au beau milieu de la rue ou encore, perchée sur la corniche du garage.

Dans le champ étais-je sur toute la ligne. Nous avons finalement décrété, il y a deux ou trois jours à peine, que notre Babou n'est pas et ne sera jamais un petit paquet de nerfs pas tenable. J'en ai eu la certitude samedi dernier, alors que j'étais seule au parc avec mes deux matelots.

Lasse et fatiguée, j'avais simplement installé Petit Frère dans la balançoire et pour une fois, j'ai fiché la paix à Babou. Fais ce que tu veux, ma tourterelle, moi je donne une poussée à l'heure à Petit Frère en regardant voler les mouches.

Babou a farfouillé dans les cailloux. Regardé et commenté un match de tennis amical. Cueilli des fleurs en me parlant (encore) du gâteau d'anniversaire de ses rêves. Mangé une collation assise près de moi. Puis, elle est allée examiner de plus près une petite fille qui jouait avec son papa. Elle ne s'est pas jointe à eux, mais les a bien observé. Est revenue en trottinant vers nous. A enlevé-remis-enlevé-remis ses sandales -- il y avait des roches dedans. A constaté à voix haute qu'une dame et un monsieur d'un certain âge se balançaient dans les balançoires de grandes personnes.

Et pendant tout ce temps, je laissais aller. Terminé, la maman fatigante, la g.o. du tout inclus qui insiste pour que son enfant performe dans toutes les structures et modules de jeux du parc de quartier. Fini, l'espoir ridicule et inutile de voir son enfant devenir la petite tannante du parc que tous ont envie d'envoyer sur Mercure en forfait aller-simple.

Ai-je vraiment espéré un jour avoir une gamine turbulente au lieu de ma délicate poupette béate de contemplation? Elle a du frère Marie-Victorin dans le nez celle-là, et alors, tant mieux! Qu'avais-je donc à souhaiter autre chose pour ce trésor avec lequel je vis depuis deux ans et demi?

Petit Frère, lui, regardait sa biscotte et se balançait tout peinard en m'inondant les oreilles de "boua boua boua boua", le babil de l'heure sous nos latitudes. Rien ne laisse présager que cet angélique poupon incarnera la tempête que sa soeur n'est finalement pas. Un ciel bleu, un oiseau qui passe, un moteur de tondeuse à gazon et un craquelin et mon gamin a tout pour être heureux pour de très très longues minutes.

Hier soir, à l'heure du bain, à ce propos, l'Homme a dit cette sage parole. "On ne peut pas les changer". Nos enfants. Ils sont comme ils sont un point c'est tout, depuis la seconde où ils sont conçus. C'est bien parfait comme ça. Et de toute façon, j'adore les surprises.

lundi 12 septembre 2011

Voir le positif

J'ai reçu un merveilleux bouquet de fleurs ce matin. Ma grande amie S. qui ne tarissait pas d'éloges sur ce blogue. Sur la parentalité que je raconte ici, et surtout, sur ma façon positive de mettre en mots les anecdotes et observations que j'en tire.

Ces compliments m'émeuvent profondément. Parce qu'au quotidien, il m'arrive au moins une fois par jour de réciter mon chapelet -- et pas nécessairement pieusement -- en marchant sur un coin de jouet, en relavant des draps de pipi pourtant nettoyés la veille, en faisant encoooooooore une fois la satanée vaisselle quand je n'ai qu'une envie, aller me rouler en boule avec les moutons de poussière qui roulent sous mon lit défait. Seule. Tranquille.

Dans mon sempiternel vêtement mou -- uniforme de mon congé de maternité -- je me sens souvent triste et moche. Mon bébé est mignon à croquer et cumule exploits et grandes premières, et ma fille, parlons-en, elle ne cesse de me surprendre par son vocabulaire riche et sa prodigieuse capacité à jouer avec les mots à deux ans et demi. N'empêche, parfois, même en leur si délicieuse présence je m'ennuie! Je m'ennuie de discuter avec une copine, d'échanger d'égal à égal. Ça me manque, voilà tout!

Parfois aussi, ma descendance me tombe royalement sur les nerfs. Quand ça ne sieste pas longtemps. Quand l'un réveille l'autre. Quand ça hurle pour obtenir un verre d'eau et que dès qu'on leur tend, ça nous le jette au visage parce que pas de la bonne couleur. Quand ça ne veut pas sortir dehors et que ça lambine en mettant ses bottes à l'envers en guise de protestation. Quand ça ne veut plus rentrer dans la maison et que ça se laisse choir sur la galerie. Quand ça chigne pour être dans les bras et que, une fois dans les bras, ça tortille pour retourner chigner par terre.

Et il y a le couple dans tout ça! Vous savez, cette notion floue et vague qu'on perd si facilement de vue quand le fruit de notre union nous siphonne jusqu'au dernier millilitre d'énergie! L'Homme, avec lequel je m'obstine si souvent! Mon Homme si volontaire, si présent, si impliqué, si polyvalent-bricoleur-drôle-affectueux-sportif-débrouillard!

Parfois, c'est en nous disant exactement la même chose dans des mots différents que nous nous prenons la tête, mais nous ne nous en rendant pas compte parce que trop interrompus par une couche à changer, un jouet brisé à réparer illico sous peine de crise d'apoplexie, une urgence collation et tous les décibels que ces situations ô combien pluriquotidiennes engendrent.

Alors voilà, malgré tout ça, si ici, c'est un portrait positif de ma situation familiale que je dépeins, je crois avoir bien à mon propre insu réussi un de mes défis de vie, soit de toujours tenter de tourner la situation, si pénible, navrante, éreintante soit-elle, en positif. Mission accomplie!

mercredi 7 septembre 2011

Héréditaire gourmandise

Je passe beaucoup de temps dans la cuisine. Par nécessité, par plaisir, par obligation, par inspiration. Pour remplir les quatre bedons de la maison, pour me changer les idées, pour ne pas que "ça" pourrisse dans le potager.

Mon homme aussi sait quoi faire avec un tablier, une casserole et une cuiller de bois. Et depuis quelques mois, une mini apprentie nous assiste.

Cette môme, elle adore tout ce qui se rapporte de près ou de loin à la nourriture. De l'aliment-jouet en plastique (elle en a reçu tout un assortiment à son anniversaire et depuis, j'en retrouve jusque dans mon panier à linge sale) à la spatule (je dois l'empêcher de dormir avec), du pinceau à badigeonner (elle prend son bain avec) aux napperons, de la menthe qui pousse à côté de la galerie aux livres de recettes que je feuillette avec elle de temps à autres, en quête d'idées nouvelles. Et elle commente les photos : "C'est bon!" ou "J'aime çââââ!".

À la garderie, Babou redemande quotidiennement une double et parfois, une triple ration. Sais pas où elle met tout ça, ma filiforme fillette, mais elle MANGE.

Et quand elle ne mange pas, elle parle de nourriture. Elle s'imagine toutes sortes de gâteaux d'anniversaire, de tartes des plus insolites, de bonbons qui n'ont rien à envier aux dragées surprise de Berthie Crochue.

Quand nous revenons en marchant de la garderie, pour passer le temps, nous dressons des listes d'épicerie imaginaires. Babou est toujours partante pour m'énumérer tous les aliments de son répertoire, où les pâtes, le brocoli et le gâteau se disputent la première marche du podium.

Disparates sont ses goûts. Je ne m'étonne même plus de la voir me réclamer une troisième sardine, une tranche supplémentaire de fromage bleu, des montagnes de cerises de terre ou un bol de zestes de citron. Se gavait de parmesan Reggiano à même pas 10 mois, cette coccinelle. A découvert l'univers des poissons en goûtant à du maquereau des Îles-de-la-Madeleine, ma sauterelle.

Gourmande. Curieuse de goûter, mon exploratrice du garde-manger.

Ce que ça donne?

Une influence positive pour son plus grand fan. Petit Frère, de sa chaise haute, examine avec un intérêt tangible le contenu de nos assiettes. Ma main au feu qu'il sera une aussi bonne fourchette que sa-soeur-son-idole. Je le vois aux transes qu'il nous fait quand on lui donne à manger, à l'agilité avec laquelle il se nourrit lui-même déjà, oui oui, jusqu'aux grains de riz qu'il pince entre son minuscule index et son mignonissime petit pouce.

Et chaque jour, je bénis et mon existence, et le fait d'avoir sous mon toit de si beaux enfants qui mordent à belles dents dans ce que je prends plaisir à cuisiner.

lundi 15 août 2011

La complicité

Elle en aura mis, du temps, Babou, pour digérer la présence de Petit Frère.

Dans les tous premiers jours de notre vie à quatre, j'ai eu droit à la froideur et à l'amertume d'un petit coeur brisé de 20 mois et demi. J'étais, les hormones aidant, en miettes. Avec l'impression de devoir quêter l'amour de ma petite fille, de la réapprivoiser, de me plier en quatre pour qu'elle comprenne que mon amour pour elle -- inconditionnel -- était inversement proportionnel au temps que je pouvais désormais lui consacrer.

Puis, à force d'efforts, au fil des jours, Babou a bien vu que Maman était toujours là pour elle, moyennant un peu de patience et d'autonomie. Pour elle, j'avais multiplié les petits moments de qualité. Bains ensemble, sorties au parc avec Petit Frère qui dormait dans la poussette-traîneau, histoires et jeux sitôt qu'il faisait la sieste. Tout ça a bien entendu contribué à rassurer Babou.

Tellement que j'ai eu rapidement l'impression de déshabiller Jacques pour habiller Jean, laissant parfois Petit Frère poireauter pendant que je divertissais sa grande soeur, ou accourait avec elle 36 fois par jour à la salle de bain pour prioriser son apprentissage de la propreté. Combien de tétées ai-je ainsi interrompues abruptement pour m'éviter des flaques de pipi à ramasser!

Découvrant par le fait même que mon Bb2 s'endurait nettement plus longtemps seul que ma première née, et que la simple présence d'une aînée en orbite autour de lui occupait fort bien mon poupon pendant de longues minutes.

Pendant les tous premiers mois de Petit Frère, Babou ne lui a jamais vraiment porté attention. Tout au plus un petit bisou par ci par là. Ou parfois, une petite marque de colère ou de jalousie, en bousculant les choses lui appartenant. C'est à ces signes que nous voyions qu'elle l'avait encore un brin de travers, Petit Frère.

Puis elle s'est mise à me demander où il était, quand celui ci était en sieste.

Puis je l'ai surprise à le faire rire à table, à le narguer gentiment avec sa biscotte en auto, à lui redonner compulsivement sa suce (qui semble être aimantée au plancher).

Puis à l'inclure systématiquement dans son énumération des membres de la famille. Papa, Maman, Petit Frère et Babou.

Quand on demande à Babou si elle souhaite qu'on garde Petit Frère, elle répond "oui" sans hésiter. Et nous regarde comme si nous avions eu la pire idée qui soit!

Hier, l'Homme s'affairait dans la cave. La petite jouait non loin de lui. Je devais aller chercher mon linge sur la corde avant que le ciel ne lui tombe dessus, alors j'ai amené Petit Frère jouer près de sa grande soeur.

Il y est resté près d'une heure. Les deux petits s'amusant ensemble en harmonie. Nous entendions de petits éclats de rire de bébé de temps à autres, à travers l'intarissable monologue bal-princesse-gâteau d'anniversaire-camping de Babou. J'ai même surpris Babou sur le vif, en plein flagrant délit de bisous sur la tête de Petit Frère, aussi ravi que surstimulé.

À 8 mois et demi, Petit Frère semble soudainement être devenu le complice officiel de sa grande soeur. Longue vie à ce lien privilégié propre à la fraternité!

vendredi 8 juillet 2011

La lettre d'amour

C'était une journée d'hiver. J'avais les yeux tuméfiés par mes nuits trop courtes. Mon bébé tout neuf flottait encore dans son habit de neige rouge 0-12 mois, c'est dire comme il était petit.

J'allais, comme toujours quand elle s'y rendait, chercher ma « grande fille » à la garderie vers les 16 h, en priant pour qu'elle soit déjà habillée, déjà en train de jouer dehors. La corvée de l'habillage de ma récalcitrante-presque-deux-ans-en-réaction-à-son-cadet, je pouvais très bien m'en passer.

Mais ce soir-là, les amis de la garderie n'étaient pas encore prêts à sortir. Je suis donc entrée avec le poupon dans un bras, prête au corps-à-corps quotidien du « je t'habille tu tortilles ».

C'est quelque part entre la jambe de salopette tournée à l'envers, l'enfant qui se laisse choir dans la flaque de neige fondue et le foulard égaré que l'éducateur de Babou m'a demandé de rédiger, pour le lendemain, un petit mot à ma fillette. Pour souligner la journée de l'enfant, ou de la famille, je ne me souviens plus trop bien.

Moui, bon, d'accord -- veux-tu te tenir debout saint-/$%"/%!"/Q%"/, reprends ta suce toi, oui tu as chaud mon amour, maman aussi, vite on sort -- je vais tout faire pour y penser! promis-je.

Quelque part en soirée, j'ai réussi à le coucher sur papier, ce petit mot de trois lignes et demi.

Ma chère petite Babou,
J'aimerais te dire à quel point je suis fière d'être ta maman. Tu mets beaucoup de soleil dans ma vie. Tu es drôle, coquine et tellement intelligente. Tu nous surprends toujours avec ton imagination. Je suis contente que tu t'intéresses à ton petit frère. Maman est choyée d'avoir d'avoir une petite fille comme toi. Je t'aime ma belle Titi d'amour,
Maman É.
XXX

J'ai, pour compléter le tout, apposé un petit autocollant de chien dans le bas à gauche.

Du plus loin que je me souvienne, j'ai adoré écrire. J'ai cette facilité avec les mots, ce don qui fait que sans effort, j'amène mon lectorat ailleurs - au pays des grandes émotions - pour pas un rond. J'en ai fait ma profession, armée de mon baccalauréat en rédaction.

Mais là, avec cette toute petite lettre de trois sous, tellement courte, tellement simplette, tellement composée sur le coin de la table par une maman agonisante de sommeil, tellement rédigée avec un stylo anonyme sur un bloc note recyclé, avec des mots si peu recherchés, j'ai tout de même tapé dans le mille.

Le lendemain, à la garderie, les éducateurs ont lu à chacun des amis la lettre d'amour rédigée par leurs parents. Les enfants étaient, semblent-ils, excessivement ravis et fiers. Ils ont en échange bricolé une enveloppe pour y ranger leur souvenir. Qui trône depuis dans la bibliothèque de la chambre de grande fille.

Ma puceronne conserve précieusement ce qu'on appelle entre nous « La lettre d'amour ». Ma théorie? Ce mot est probablement arrivé à point dans sa toute nouvelle vie de grande soeur, dans cette période pas si lointaine où elle apprenait à la dure qu'un petit garçon gros comme un pou qui lui avait chipé sa place.

À l'occasion, à l'heure du dodo, après les livres et les berceuses, Babou me demande de la lui lire, la lettre d'amour. Puis elle me l'enlève des mains en chuchotant « j'ai capable » et elle se met à réciter à voix toute basse les petites phrases qui lui sont destinées.

Et systématiquement, je fonds.