mercredi 24 octobre 2007

Un petit goût amer dans mon verre d'eau

Il y a parfois de ces illogismes. Dans certains restaurants européens, par exemple, il faut débourser quelques centimes d’euro pour aller changer son poisson d’eau. Même si on vient de s’hypothéquer la peau des fesses sur une table d’hôte hors de prix. Et même si le litre d’eau de source embouteillée, à trois bidous et demie s’il vous plaît, est à l’origine de cet urgent appel du petit coin.

Choc culturel, donc. Parce qu’ici au resto, non seulement s’enfile-t-on allègrement les verres d’eau sans créer la moindre petite hémorragie bancaire, mais quand nous tirons ensuite la chasse, c’est sans plonger la main dans le porte-monnaie. Bue gratuitement, éliminée sans payer. Se rend-on compte à quel point tout cela est facile et formidable? Pas exactement, non. On trouve chez nous une eau abondante et saine, sous observation à toute heure du jour et traitée avec une précision maniaque pour respecter des paramètres établis au microgramme près. Malgré toute cette eau disponible sur demande, sa consoeur embouteillée, vendue à prix d’or, collectionne encore d’incalculables adeptes.

Embouteiller de l’eau, fallait tout de même y penser. Bon d’accord, il est prouvé que du moment que l’on paie pour un bien ou service, on y fait généralement plus attention. Dommage qu’il faille embouteiller un liquide aussi vital que l’eau pour soudainement lui donner plus de valeur aux yeux du consommateur sensible au marketing. Et dommage que pour mettre de l’eau en bouteille, il faille autant de pétrole.

Oui, du pétrole. Pour fabriquer le satané contenant de plastique qui emmagasine ladite eau, souvent puisée à même l’aqueduc qui dessert certaines grandes compagnies d’embouteillage sans vergogne. Et encore du pétrole, cette fois pour livrer jusqu’au consommateur assoiffé son eau préférée, servie dans une jolie bouteille de PET (polyéthylène téréphtalate pour les intimes). Ce type de plastique, à grande valeur de recyclage, est cependant destiné à un usage unique. Parce que certaines substances toxiques sont libérées lorsque les agents stabilisants du plastique se dégradent, on déconseille toute réutilisation de ce type de contenant. Conséquence? La vilaine chose aboutit plus souvent qu’autrement à la poubelle.

Dans un contexte où nos municipalités s’évertuent en temps et en argent pour nous offrir une eau de la plus grande qualité, la vente d’eau embouteillée peut laisser un petit goût amer. Un grand verre d’eau mûri en fût de plastique et consommé dans un festival de gaz à effet de serre? Non merci, sans façon. Je préfère de loin remplir à ras bord mon indestructible bouteille réutilisable, ceci avec la bonne eau de ma municipalité.

mardi 9 octobre 2007

Des débouchés pour des bouchons

Qu’on les dévisse ou les tire de leur goulot, les bouchons donnent souvent le coup d’envoi à de belles soirées. À l’annonce d’une bonne nouvelle ou à la fin d’une étape qu’on souhaite souligner, le «pschiiiittt!» et le «wiiiiiin pop!» ont ce petit je-ne-sais-quoi de cérémonieux qui rend tout le monde fébrile.

Mais faute de débouchés, passé l’euphorie du tire-bouchon et le tintement des verres qui s’entrechoquent, les gardiens de l’élixir passent invariablement l’arme à gauche. Avec un peu de chance, certains aboutiront dans des projets d’art plastique. Les autres prendront l’aller simple vers le fond des poubelles, ou pire, seront carrément pichenottés dans quelque recoin broussailleux du terrain.

Or s’est-on déjà soucié du sort qui leur était réservé? Peut-on remercier les bouchons de leurs loyaux services en leur offrant autre chose qu’un service funèbre? Si oui, les matériaux utilisés pour la fabrication des bouchons valent-ils vraiment la peine qu’on s’évertue à réorienter leurs carrières? Voyons de quoi il en retourne.

D’abord, la production annuelle de ce qui colmate nos rouges, blancs et rosés s’élève à environ 340 000 tonnes de petits bouts de liège. Quand on sait que ce précieux objet est fabriqué à même l’écorce d’un arbre, le chêne-liège, il devient angoissant d’appliquer la solution finale aux aboutissants d’une si fragile ressource.

Le chêne-liège, qui pousse dans les zones de climat méditerranéen (Maroc, Tunisie, France, Portugal, Espagne), subit dans quelques régions les contrecoups de la déforestation. Aussi, une fois récoltée, l’écorce de liège prend de 8 à 12 ans pour se régénérer. C’est dire s’il est insensé de s’en départir une fois que les dalots sont rincés! Car si on ne peut réutiliser tel quel les bouchons, le liège réduit en miettes peut entrer dans la composition de panneaux isolants. Ainsi donc, un marché s’ouvre pour le liège usagé.

Plus ingénieux encore, un peu partout dans le monde, des réseaux de collecte de bouchons de liège sont organisés pour venir en aide à des œuvres de bienfaisance. Par exemple, l’association France Cancer récupère ces bouchons et les vend à une entreprise qui les transforme. La recherche sur le cancer s’en trouve ainsi financée à même les bouchons en fin de carrière. C’est pas beau, ça?

Cependant, avec les bouchons de bière, les choses se corsent. Même s’ils sont en partie constitués de métal, ils ne sont pas les bienvenus dans le bac de récupération puisqu’au centre de tri, ils se coincent dans les équipements. L’accès au bac de récupération leur étant interdit, forfait ne doit pas être déclaré pour autant. À Victoriaville, des étudiants du Cégep ont convaincus des bars de la région de récupérer ces précieuses capsules, qui sont ensuite vendues à un ferrailleur. L’argent ainsi récolté s’en va tout droit dans les coffres de la fondation de l’hôpital de la région. Comme quoi avec un peu de cœur et d’imagination, il existe bel et bien des débouchés pour les bouchons.

Corvée automnale dont vous êtes le héros

Quand la flambée des couleurs ne tient plus qu’à un fil, que le moindre coup de vent ou la plus petite ondée rabat au niveau du sol les paysages spectaculaires, plusieurs sentent l’appel de la nature. Ou plutôt celui du combo sac et râteau. Souvent, le rituel se déroule dans l’exemplarité. Mais dans des cas de plus en plus rares, la besogne tourne au vinaigre.

Si vous avez une envie irrépressible de défier l’autorité, risquez d’abord un œil au scénario 1. Si vous adhérez sans rechigner aux bonnes pratiques recommandées, lisez directement le scénario 2.

Scénario 1 : Type plastique
Depuis votre plus tendre enfance, vous avez un faible pour les teintes orangées. Les agrumes, les carottes, les citrouilles, tout cela tombe directement dans votre palette de couleurs. Aussi, quand le vert feuillage estival tourne aux tons de terre, c’est bien simple, vous jubilez. Vous bichonnez vos râteaux, préparez vos gants de jardinage, surveillez frénétiquement la météo et brûlez même quelques lampions en espérant le grand coup de vent qui décrochera des arbres les milliers de paillettes multicolores.

Votre fébrilité est telle qu’elle vous aveugle. En vous ruant dans les grands magasins pour vous procurer de quoi ensacher vos feuilles mortes, jamais vous ne voyez cette affiche, placardée en toute évidence dans l’entrée du magasin, qui vous supplie d’utiliser des sacs de papier compostables.

Dans votre énervement, vous n’avez pas vu cette directive importante. Vous achetez encore cette année des sacs de plastique orangés, et ce, malgré une campagne de sensibilisation mise en oeuvre depuis trois ans. Retournez lire la deuxième phrase du deuxième paragraphe.

Scénario 2 : Type papier
Vous aimez depuis toujours le travail à l’extérieur. Aussi, quand le temps est au râtelage des feuilles mortes, vous ralliez vos parents et amis pour une corvée amicale. Le travail s’accomplit vite et bien, car vous avez prévu des râteaux et des sacs de papier pour toutes les paires de bras.

Pourquoi des sacs de papier? Parce que, vous l’avez appris en lisant votre journal municipal, la Ville organise chaque année une collecte spéciale pour récolter les feuilles mortes partout sur son territoire. Cette collecte s’étend sur tout un mois, soit du 22 octobre au 23 novembre 2007.

Encore cette année, la municipalité a été très claire dans son message. Les feuilles mortes ne sont pas des déchets, mais bien une matière organique de grande valeur. Comme on les utilise pour obtenir un compost de qualité, la Ville insiste pour que ses citoyens ensachent les feuilles dans du papier, qui se compostera aussi, contrairement à l’indésirable sac de plastique. Pour vous inciter à utiliser ses sacs de papier, disponibles dans les éco-centres, les bureaux d’arrondissement et les supermarchés IGA, la Ville subventionne même la moitié de leur coût. À 0,25 $ l’unité, il serait fou de vous en passer!

Vous comprenez le comment du pourquoi de la collecte des feuilles mortes et l’importance de les emmagasiner dans des sacs de papier. Félicitations! Vous avez gagné la partie!