mercredi 22 août 2007

Jeter les choux gras, basta!

Un pamplemousse un peu mou, une pomme tuméfiée, un kiwi à la tête renfoncée, une banane mouchetée. Un poivron ratatiné, un céleri au stade élastique et quelques tomates biscornues. Parce qu’ils ne sont plus parfaitement frais ou totalement esthétiques, les fruits et légumes qui portent les traces du temps sont souvent retirés des étalages, quand ils y vont. La clientèle d’ici, exigeante semble-t-il, a tendance à rechercher ce qu’il se fait de meilleur et de plus beau. D’où l’impopularité de ce qui ne supporterait pas quelques jours de plus au frigo ou qui a poussé tout croche.

Or les goûts de luxe des consommateurs de l’hémisphère nord ont un prix. Bien qu’il soit extrêmement difficile de chiffrer la quantité de nourriture qui, une fois rendue chez les détaillants, sortira par la porte de derrière, on estime que de 40 à 50 % de la mangeaille produite ou cultivée ne se rendrait même pas jusqu’aux yeux du client.

Autant dire que près de la moitié de ce que l’on sème, désherbe, irrigue, assaisonne d’engrais et de pesticides, cueille, lave, emballe et transporte sur des milliers de kilomètres ne trouvera même pas preneur une fois arrivé à « bon » port. Sachant toute l’énergie et toutes les ressources déployées pour l’agriculture, comment accepter que toute cette nourriture issue de la terre y retourne sans même avoir passé par notre tube digestif?

Des groupes, certes un peu casse-cou, ont trouvé une solution. Là où certains n’imaginent plus aucune autre issue que la mort par enfouissement, certains profitent de tout le potentiel de ces denrées, un brin amochées, qui aboutissent dans les poubelles de marchés d’alimentation. Une équipe de l’émission La vie en vert s’était d’ailleurs intéressée aux pratiques de ces plongeurs de conteneurs. Profitant de la nuit, ces individus rescapent in extremis des boîtes pleines de fruits, de légumes, de pains encore parfaitement propres à la consommation. Pour eux, se nourrir à même les poubelles ne signifie pas nécessairement que l’on a pas les moyens d’aller, comme tout le monde, pousser le panier dans les allées du supermarché. C’est plutôt qu’un tel gaspillage les horripile, tout simplement.

Pour éviter l’inhumation d’aliments moins jolis mais encore bons, cette équipe de télé a même mis en contact le proprio d’une fruiterie et le responsable d’une popote roulante. L’expérience, c’est le cas de le dire, a porté fruit. L’un profite gracieusement de ce que l’autre, de toute façon, ne pourrait pas vendre. C’est ce genre d’alliances entre les banques alimentaires et les détaillants dépourvus de solutions qui peut mettre un sérieux holà au gaspillage alimentaire.

Pendant les années de guerre où Anne Frank rédigeait son cher journal, Miep Gies a dû trouver de quoi nourrir, sans éveiller les soupçons, une dizaine de bouches clandestines. Cette amie dévouée des familles juives terrées dans la célèbre Annexe, a écrit, plusieurs années plus tard, qu’il suffit d’avoir eu faim, vraiment très faim, pour ne plus jamais être capable de jeter le moindre bout de pain rassis. Et nous, sommes-nous réellement obligés d’attendre la famine avant de réagir?

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