jeudi 30 août 2007

Gestion de frigo 101

La chronique précédente abordait la douloureuse question du gaspillage alimentaire. On y apprenait qu’à peu près la moitié de la nourriture produite serait jetée par-dessus bord sans jamais avoir été vendue. Bien qu’estomacantes, ces données demeurent loin du train-train de tous les jours. Cependant, à plus petite échelle, le gaspillage de nourriture fait aussi des ravages.

Faut-il alors créer un tribunal pour les pas gentils qui ne finissent pas leur assiette? Condamner à la peine capitale quiconque manque de temps pour apprêter sa laitue avant le stade de liquéfaction? Pendre par les intestins ceux qui, sans discernement, jettent tout en bloc passé la sacro-sainte date de péremption? L’idée n’est pas de jouer aux escouades de moralité. Toutefois, c’est un fait, la gestion du frigo vient pourrir le quotidien de bien des gens. Quelques conseils maison s’imposent ici.

Comme la mode est aux acronymes, profitons-en donc pour nous en créer un de toutes pièces, qui en plus de faire sérieux et écolo, servira d’aide-mémoire aux apprentis gestionnaires de frigidaire. Nom de code : PLANET (vous avez le droit de rire).

D’abord, l’étape préliminaire, le P, pour Planification. Qu’y a-t-il sur mes tablettes, dans mes armoires, dans mes tiroirs? En fonction de ces constats, je planifie grossièrement les prochains repas. Je donne un coup de pouce à mon imagination en ouvrant mes livres de recettes ou en faisant des recherches de recettes par mots clés sur Internet. Fort de l’étape P, je saute sur le L. Place à l’incontournable Liste. Ici, je note TOUT ce qui manque pour le sauté aux arachides, pour tartiner les biscottes et pour faire lever les muffins. Ensuite vient naturellement l’étape A, celle des Achats. Dans les allées, je m’efforce de respecter le protocole établit en L. Je garde en mémoire mon objectif zéro gaspillage.

Plus difficile à atteindre, le niveau N demande discipline et rigueur. Mais contre toute attente, le Nettoyage des aliments (laitue, céleri) dès le retour du marché ne demande pas plus de temps que de courir de l’évier au chaudron de soupe entre deux coups de cuiller de bois. On brosse et rince pour mieux entreprendre l’étape E, l’Entreposage. Crucial, l’Entreposage d’un maître ès frigo n’est pas laissé au hasard. Les contenants, idéalement transparents, laissent voir les contenus. Ainsi, la dernière étape et non la moindre, celle de la Transformation, sera facilitée et encouragée par des aliments déjà lavés, coupés et bien rangés, au vu et au su de tous. Fini les odorantes surprises et les douteuses découvertes archéologiques!

Pour un système de gestion PLANET encore plus optimal, on décrète «places V.I.P.» le bord de nos tablettes, que l’on réserve aux aliments qui périssent rapidement. La méthode PLANET : gratuite, efficace et à la portée de tous!

mercredi 22 août 2007

Jeter les choux gras, basta!

Un pamplemousse un peu mou, une pomme tuméfiée, un kiwi à la tête renfoncée, une banane mouchetée. Un poivron ratatiné, un céleri au stade élastique et quelques tomates biscornues. Parce qu’ils ne sont plus parfaitement frais ou totalement esthétiques, les fruits et légumes qui portent les traces du temps sont souvent retirés des étalages, quand ils y vont. La clientèle d’ici, exigeante semble-t-il, a tendance à rechercher ce qu’il se fait de meilleur et de plus beau. D’où l’impopularité de ce qui ne supporterait pas quelques jours de plus au frigo ou qui a poussé tout croche.

Or les goûts de luxe des consommateurs de l’hémisphère nord ont un prix. Bien qu’il soit extrêmement difficile de chiffrer la quantité de nourriture qui, une fois rendue chez les détaillants, sortira par la porte de derrière, on estime que de 40 à 50 % de la mangeaille produite ou cultivée ne se rendrait même pas jusqu’aux yeux du client.

Autant dire que près de la moitié de ce que l’on sème, désherbe, irrigue, assaisonne d’engrais et de pesticides, cueille, lave, emballe et transporte sur des milliers de kilomètres ne trouvera même pas preneur une fois arrivé à « bon » port. Sachant toute l’énergie et toutes les ressources déployées pour l’agriculture, comment accepter que toute cette nourriture issue de la terre y retourne sans même avoir passé par notre tube digestif?

Des groupes, certes un peu casse-cou, ont trouvé une solution. Là où certains n’imaginent plus aucune autre issue que la mort par enfouissement, certains profitent de tout le potentiel de ces denrées, un brin amochées, qui aboutissent dans les poubelles de marchés d’alimentation. Une équipe de l’émission La vie en vert s’était d’ailleurs intéressée aux pratiques de ces plongeurs de conteneurs. Profitant de la nuit, ces individus rescapent in extremis des boîtes pleines de fruits, de légumes, de pains encore parfaitement propres à la consommation. Pour eux, se nourrir à même les poubelles ne signifie pas nécessairement que l’on a pas les moyens d’aller, comme tout le monde, pousser le panier dans les allées du supermarché. C’est plutôt qu’un tel gaspillage les horripile, tout simplement.

Pour éviter l’inhumation d’aliments moins jolis mais encore bons, cette équipe de télé a même mis en contact le proprio d’une fruiterie et le responsable d’une popote roulante. L’expérience, c’est le cas de le dire, a porté fruit. L’un profite gracieusement de ce que l’autre, de toute façon, ne pourrait pas vendre. C’est ce genre d’alliances entre les banques alimentaires et les détaillants dépourvus de solutions qui peut mettre un sérieux holà au gaspillage alimentaire.

Pendant les années de guerre où Anne Frank rédigeait son cher journal, Miep Gies a dû trouver de quoi nourrir, sans éveiller les soupçons, une dizaine de bouches clandestines. Cette amie dévouée des familles juives terrées dans la célèbre Annexe, a écrit, plusieurs années plus tard, qu’il suffit d’avoir eu faim, vraiment très faim, pour ne plus jamais être capable de jeter le moindre bout de pain rassis. Et nous, sommes-nous réellement obligés d’attendre la famine avant de réagir?

jeudi 16 août 2007

Une roulante agonie

L’être humain, cela doit être inscrit dans ses gènes, a tendance à s’attacher aux vieux objets de son entourage. Il peut attribuer autant une valeur sentimentale à cette bonne vieille tasse dans laquelle buvait grand-père qu’à cet affreux t-shirt porte-bonheur criblé de trous. À voir ce qui roule sur les routes, cet attachement s’étend même aux moyens de locomotion. Sur nos chemins sinueux, les bazous sont rois!

Comparer le nombre de bagnoles ancestrales en cavale par rapport au nombre total de voitures qui passe devant chez soi suffit généralement à dresser un portrait peu reluisant de la situation. De nombreux véhicules tombent littéralement en ruines. Et alors? Avec les guerres, les famines, les épidémies et les catastrophes naturelles qui sévissent partout dans le monde, faut-il en plus s’alarmer de cette procession de vieux débris? Oui. Selon la Table de concertation sur l’environnement et les véhicules routiers, en 2006, sur 4 250 000 véhicules immatriculés, 1,7 million étaient âgés de plus de huit ans. En d’autre mots, le quart de ce qui sillonne le Québec ne répondrait plus aux normes sur les émissions atmosphériques.

Mais encore? Les impacts associés aux voitures mal entretenues ou trop âgées abondent. D’abord, bien que souvent peu coûteux à l’achat, les cancers sur roues engendrent rapidement de nombreuses dépenses, en bris imprévus et pièces à changer. Pis encore, les multiples défaillances techniques peuvent aussi devenir sources d’accidents de la route.

Côté environnement, le topo n’est guère plus réjouissant. L’Association canadienne des constructeurs de véhicules affirme que les émissions de polluants atmosphériques d’une voiture construite en 1993 équivalent à celles produites par douze modèles de l’année 2004. Que causent ces fameuses émissions? Smog, mauvaise qualité de l’air, gaz à effet de serre. Et si par malheur, en plus d’être âgées, ces automobiles sont mal entretenues et déglinguées, les pollutions sonore et visuelle s’ajoutent à la liste des désagréments occasionnés.

Pour ces multiples bonnes raisons, l’omniprésence de ces tacos ne laisse pas indifférents, on s’en doute bien, les organismes environnementaux. L’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) a même mis sur pied le programme « Faites de l’air », qui consiste à démolir publiquement une casserole routière qui a fait son temps. Cette activité de mise à la ferraille, extrême soit, se veut un outil de sensibilisation publique terriblement efficace

Pour donner encore plus de sens au geste d’offrir en pâture sa vieille voiture, si les arguments économiques et environnementaux ne nous suffisent pas, le programme Auto-Rein (de la Fondation canadienne vouée à cet organe) finance ses recherches et ses activités à même ce qui rouille et pétarade sur nos routes. En attendant la mise en œuvre d’un programme provincial d’inspection des véhicules, ces initiatives aident quand même la planète à retrouver son air de jeunesse.

samedi 11 août 2007

Sur la piste d'une empreinte

Si tous les habitants de la Terre vivaient et consommaient au même rythme que nous, Nord-Américains, il faudrait pas mal plus qu’une planète pour subvenir aux besoins de tous. En fait, certains vont jusqu’à dire qu’il faudrait quatre autres terres gravitant pas trop loin de celle qu’on a déjà.

D’où peut bien sortir une telle affirmation? Quel savant fou s’est adonné, des nuits durant, à calculer des colonnes de chiffres, à mesurer les hectares de terre et à extrapoler sur des courbes démographiques à l’échelle mondiale pour pouvoir prouver à quel point nous vivons au-dessus de nos moyens, tandis que d’autres tirent carrément le diable par la queue?

C’est grâce au calcul de l’empreinte écologique qu’on peut évaluer si notre mode de vie malmène la planète un peu, beaucoup, à la folie ou pas du tout. Pas besoin ici de dépoussiérer les calculatrices, ni de dresser de graphiques en pointes de tarte. Le professeur Rees et son comparse Matis Wackernagel ont, en 1995, fait tout le travail pour nous. Ensemble, ils ont peaufiné le concept de l’empreinte écologique en plus de lui attribuer une méthode de calcul.

Sans nécessairement verser dans les longs théorèmes, mentionnons seulement quelques grandes lignes du calcul de l’empreinte écologique. Pour arriver à leurs fins, les deux brillants acolytes se sont attardés à inclure, dans leur équation, les surfaces utilisées pour l’habitation, pour les productions d’énergie et alimentaire (sur terre et dans l’eau) et pour la production forestière. C’est entre autres grâce à ces variables, et à d’autre plus pointues encore, qu’ils ont établi un calcul permettant d’évaluer la « consommation de planète » par tête de pipe.

Depuis les quartiers de ces illustres théoriciens, le concept d’empreinte écologique a fait du chemin. Il est même parvenu aux yeux et aux oreilles des Internautes, non pas sous forme d’insondable document pour doctorant en mathématique, mais plutôt sous un jour beaucoup plus convivial, le jeu questionnaire. Accessible à tous pour peu que l’on inscrive « calcul empreinte écologique » dans notre moteur de recherche favori. Simplissime jusque là.

Comment savoir si mon train-train quotidien, d’apparence banal, charcute la planète à petit feu? En répondant aux questions, regroupées par catégories. Logement, achat, transport, alimentation, production de déchets, consommation d’eau sont quelques-uns des thèmes exploités. Ainsi, si je possède et utilise abondamment mes deux véhicules utilitaires sport, que chacun de mes repas comprend de la viande, que je prends l’avion deux fois par mois, que je vis seule dans un château chauffé au mazout, tous les éléments sont là pour que mon empreinte écologique soit jusqu’à neuf fois plus élevée que celle d’un paysan africain.

À part pour se sentir coupable, à quoi sert le calcul de l’empreinte écologique? À mettre des chiffres significatifs sur ce que l’on sait déjà, et l’espère-t-on, pour inciter à l’action.