lundi 5 juillet 2010

Accouchement, figure maternelle et solidarité féminine

Quand j'ai accouché de Babou, dès les premières contractions, j'ai téléphoné ma mère. Il était quoi, une heure du matin? Mais jamais, jamais l'idée de la réveiller en sursaut en pleine nuit ne m'a traversé l'esprit. Je savais que ma mère entendrait la sonnerie et comprendrait.

Elle avait compris, juste au ton de sa voix. Calme, sereine, fébrile mais apaisante. J'avais le besoin irrépressible de savoir qu'elle penserait à moi, sa seule fille, pendant les prochaines heures.

Et quelles prochaines heures! Le travail fut progressif, mais quand même intense. Aux cinq minutes en partant, puis trois, puis 2...

La douleur, comme on me l'avait souvent décrite, allait toujours en s'intensifiant. Mais grâce aux massages, aux chants tibétains en boucle et à ma totale et complète désinhibition me permettant de vocaliser sur tous les tons graves et rauques la douleur - et ce malgré le va et vient d'infirmières toujours changeantes - je tolérais.

Puis quand j'ai commencé à me sentir perdue malgré les bonnes mains fortes de mon homme qui me pétrissaient les reins, j'ai eu besoin de G. Ma grande amie qui deux fois-et depuis hier, trois fois-avait accouché. Cent fois, m'avait rassurée, raconté, écoutée. Je la voulais près de moi, oui, mais aussi près de mon homme, qui malgré tout son bon vouloir, demeure un homme qui ne connaîtra pas cette douleur. Quoi qu'il fasse.

Une fois G. à mes côtés, la petite panique intérieure s'est apaisée. La douleur continuait d'augmenter, mais je ressentais sa présence comme une halte bienfaisante. Comme une tisane citron-miel entre deux quintes de toux.

En parallèle, tout au long de mon accouchement, je pensais à ma mère. Aux quatre fois où elle était passée par là. Dont une première fois, où après des heures et des heures de travail, on lui avait pratiqué une épisiotomie si brusque qu'aux dires de mon père (qui, mystérieusement, n'est pas mort sur le coup) a fait le même bruit qu'une branche qu'on coupe au sécateur.

Puis une autre fois, toute seule, car mon père n'avait pas eu le temps d'arriver, pris par surprise par ce petit prématuré qui avait choisi d'arriver dans leurs vies cinq semaines plus tôt que prévu.

Et une troisième fois, où tout s'était passé si vite que le médecin en avait presque échappé mon frère par terre.

Quatre fois elle avait réussi à traverser ce passage dans lequel je me trouvais maintenant. Je serais capable d'en faire autant pour au moins une fois, me répétais-je inlassablement.

Et je pensais aussi à sa mère. Ma minuscule grand-mère, menue et délicate qui pourtant, avait 10 fois plutôt qu'une donné la vie. Si cette petite grand-maman que j'ai connue si frêle avait réitéré 10 fois...

Et finalement, je pensais à mon autre grand-maman, encore vivante celle-là, qui, à 93 ans, peut encore nous parler de ses onze accouchements. De ces onze petits mousses - le neuvième pesant 11 livres - qu'elle a tous allaités. Avec lesquels elle codormait. Onze fois son corps avait été soumis aux grandes douleurs. Diable, rien ne pourrait m'empêcher de réussir le onzième de son exploit!

C'est accompagnée physiquement, télépathiquement, spirituellement par toutes ces figures maternelles que s'est faite l'entrée dans le monde de ma fille.

Depuis, j'y repense souvent. À ce stade-ci de ma présente grossesse, je sens le besoin très vif de me replonger dans ces souvenirs encore frais. De lire à ce sujet.

Un article parcouru aujourd'hui expliquait justement ce besoin instinctifs qu'ont la plupart des femmes d'être accompagnées par une paire. Une femme, une figure maternelle. Une amie, une soeur, une sage-femme, une accompagnante.

C'est ce que j'avais fait d'instinct.

Étonnant de voir qu'à l'ère de toutes les modernités et anesthésies, il fonctionne encore, celui-là...

1 commentaire:

Grande-Dame a dit...

Très beau billet, et combien véridique.

Dommage que l'on ne puisse pas s'en remettre qu'à lui, l'instinct, à l'heure où l'on imbrique tant le geste d'accoucher dans un protocole...