mardi 22 janvier 2008

Développement ou étalement?

Au commencement, il y eut les colonies, puis vinrent les villages et ses rangs. D’abord, les cours d’eau relièrent entre elles les petites agglomérations, puis ce furent les routes qui permirent le développement d’autres endroits stratégiques où il ferait bon habiter. Les villages prirent de l’expansion et devinrent des villes. Celles-ci grandirent, prospérèrent, se peuplèrent et débordèrent vers les périphéries.

On finît par troquer le côté pratique de la proximité surpeuplée pour la tranquillité éloignée. Les banlieues étaient nées. En proie à une croissance démographique surprenante, celles que l’on surnomme les « cités dortoir » s’élargirent, s’étendirent à un point tel que l’on ne savait plus quand tout ce développement allait s’arrêter. Ce phénomène a désormais un nom, l’étalement urbain.

Les plus ou moins grandes cités de ce monde ont ceci en commun qu’elles offrent, dans leurs pourtours, un plus grand espace habitable pour un moindre coût, moyennant un éloignement des services propres à l’urbanité. Un bout de terre, un coin de jardin, quelques arbres plutôt qu’un demi balcon avec vue sur mur de béton et escalier en tire-bouchon. Pour plusieurs, le jeu en vaut la chandelle. C’est quand on habite la banlieue de la banlieue de la banlieue que les choses se compliquent.

Aller travailler devient synonyme de longs déplacements quotidiens en voiture ou en transports en commun, toujours bondés aux heures de pointe. Par surcroît, si la ville, parce densément peuplée, offre un service commercial de proximité, il n’en est pas toujours de même pour la banlieue sa voisine. Bien souvent, aller chercher le carton de lait manquant se transforme en expédition de plusieurs kilomètres en voiture à travers feux de circulations, longs boulevards et artères sans trottoirs. La rumeur court que le piéton y serait même en voie de disparition…

Ainsi, dans le palmarès de ce qu’on reproche le plus à la banlieue se trouve l’infime place laissée aux adeptes du transport actif. Considérant les distances à parcourir et le manque d’aménagements qui favorisent la marche ou le vélo, l’usage de l’automobile devient incontournable en certains endroits. Une petite marche de santé sur le trottoir mal déneigé le long du boulevard Taschereau? Effectuer quelques courses à vélo sur l’artère King-Bourque? Non merci, sans façon.

Les horaires peu accommodants des transports en commun, passé la cohue du 9 à 5, sont aussi souvent le lot de ceux qui pieutent hors les murs. Conséquemment, sitôt qu’il s’éloigne de l’épicentre pour gagner en quiétude et en verdure, le citoyen doit composer avec une ou deux voitures de plus dans son allée asphaltée.

Réalité? Fiction? Un heureux mélange de tout cela. La ville comporte des avantages que la banlieue, lointaine ou proche, n’aura jamais, et vice et versa. Sans comparer des pommes avec des oranges, la banlieue et la ville ont, malgré leurs fonctions différentes, ceci en commun que des gens y vivent, y mangent, y marchent et s’y procurent des biens de consommation. Conséquemment, le les milieux de vie qui se développent en parallèle des grands centres auraient avantage à s’inspirer du modèle urbain… dans ce qu’il a de meilleur et de plus efficace.

vendredi 4 janvier 2008

Et pourquoi pas un bilan?

Ceux qui lisent cette chronique de semaine en semaine savent, ou du moins doivent se douter, que je me creuse les méninges depuis bientôt un an pour partager des faits, des idées, des opinions. Pour éveiller des consciences, susciter des discussions, sensibiliser ou surprendre. Les semaines passent, les sujets défilent. Chaque promenade à l’extérieur, chaque sortie au magasin, chaque conversation, chaque rencontre est pour moi, depuis dix mois, une chasse aux sujets potentiels.

Cette chronique que vous lisez assidûment, distraitement, toujours ou pas souvent, est une bonne façon de me tenir à jour dans l’actualité environnementale. De comprendre certains phénomènes méconnus afin de vous les expliquer à ma façon. Malgré le plaisir que j’éprouve à faire mon devoir environnemental hebdomadaire, une toute petite angoisse est toujours bien présente. Et si les idées venaient à me manquer? Et si ma liste de sujets venait à se tarir? Et si j’en arrivais à me répéter? À vous ennuyer?!

C’est ce à quoi je réfléchissais, ces jours-ci, en cherchant de quoi j’allais vous entretenir pour entamer la nouvelle année. Je repensais aux sujets déjà traités. À ce qui vous avait plu ou déplu, à ce qui avait alimenté les débats ou tombé dans l’oubli. Au billet sur le vermicompostage, sujet grouillant qui a suscité moult questions et grimaces, en particulier chez mes collègues de travail. La chronique consacrée aux protections féminines alternatives n’est pas non plus passée inaperçue dans l’entourage immédiat. Encore là, l’étonnement se lisait dans plusieurs minois.

En revanche, de multiples sujets ont beaucoup moins soulevé les passions. Les sacs de plastique, les feuilles mortes, l’économie d’eau, tous ces domaines cent fois explorés et mille fois repris par tout un chacun semblent de mieux en mieux compris, voire acquis par un nombre croissant de citoyens. Ainsi, je constate qu’à force de mettre en œuvre des outils de sensibilisation et d’éducation, les comportements autour de nous changent.

De plus en plus, je me réjouis de voir que la conscience environnementale n’est plus la chasse gardée de quelques rares intégristes écolos tellement irréprochables qu’ils nous enlèvent le goût de mettre la main à la pâte. Contagieux, le désir de faire sa part pour un environnement plus sain se propage dans toutes les sphères et dans tous les milieux. Simplifié, démystifié et plus accessible que jamais, le geste environnemental rejoint désormais notre quotidien. N’est plus synonyme de douloureux sacrifice, mais plutôt de modification progressive dans les habitudes de gens de tous âges.

Ouvrons l’œil, le changement de comportement est partout. Autant chez mes parents, qui, de Piopolis, ne sirotent plus que des thés ou cafés équitables. Autant chez tante Michelle qui a récemment adopté des produits de nettoyage écologiques. Autant chez Marie-Hélène qui, avec sa fille Alice, composte allègrement, elle qui craignait que son bac brun ne soit qu’une corvée de plus dans ses semaines déjà bien remplies. Autant chez Geneviève qui a cuisiné des cadeaux de Noël pour Alexandra. Autant dans ma belle-famille, qui depuis deux ans procède à un échange de cadeaux produits localement.

Le monde et les temps changent. Tant mieux, et bonne année!

Des fêtes plus environnementales... à quel prix?

À Noël, au jour de l’An, au party de bureau et dans tout ce qui ressemble de près ou de loin à un rassemblement festif entre début décembre et mi-janvier, les occasions de laisser de côté les bonnes habitudes environnementales (chèrement acquises l’année durant) semblent se multiplier. Assiette de styromousse par ci, petite coupe de plastoc jetable par là. Emballage cadeau dix fois plus gros que ce qu’il y a dedans. Lumières de Noël allumées 24 heures sur 24 pendant les trois mois entourant la période des fêtes. Achats compulsifs de dernière minute.

Le manque de temps, le surcroît de travail, l’épuisement et l’accumulation de visites imprévues nous condamnent parfois à laisser de côté la verte vertu. Ainsi, toutes les actions décousues, bâclées, posées à la va-vite tranchent drôlement avec l’année exemplaire que l’on vient de passer sur le plan environnemental. La culpabilité côtoie le soulagement, mais toujours on sent le besoin justifier notre laisser-aller…

Pourtant, conserver ses valeurs environnementales durant les fêtes, et sans perdre les pédales, est chose possible. Côté bouffe, je peux me fixer (à l’avance) l’objectif de préparer un bon repas des fêtes avec quelques aliments issus des producteurs de la région. Leurs petits délices sont de plus en plus accessibles dans les commerces de la ville et des environs. Viandes, confitures, apéros, tartinades, fromages, légumes d’hiver en mettrons plein les dents à ma tablée d’affamés. L’occasion est bien choisie de découvrir ce qui sort de l’ordinaire, mais qui ne vient pas du bout de la terre!

L’électricité, maintenant. L’an dernier, l’auteure de ces lignes s’est résolue à simplifier la vie de son paternel. Bon an mal an, ce dernier bravait le froid, la noirceur et les flocons pour aller éteindre et allumer, en pantoufles et pyjama svp, les lumières de Noël ornant la maison. Un simple achat (une minuterie) et le paternel jouit désormais du repos du guerrier, tout en ménageant son compteur d’électricité. Cela est juste et bon.

Par contre, nous avons tous et toutes les meilleures raisons du monde de recharger, de temps en temps, nos écolos-batteries. Pour certains, la simple idée de tituber jusqu’au bac brun pour déverser les restes du buffet de la veille ira jusqu’à les empêcher de vouloir célébrer. Va-t-on en faire un drame? Pour d’autres, pressés, occupés, urgés par le temps, l’obligation de devoir se creuser le ciboulot pour dégoter un cadeau écolo leur brise les bonbons, à un point tel qu’ils envisagent feindre le malaise gastrique et fuir l’échange de cadeau du bureau. Peut-on leur accorder l’absolution?

Sans aller plus loin dans la rémission des péchés, laissons parler notre bon sens. À quoi bon exhiber un sapin éco-efficace, une tourtière équitable et un party de bureau biodégradable si cela m’accapare au point de mettre en péril de mes relations sociales? Vivre dans un environnement sain, c’est aussi accepter de ne pas avoir le réveillon enviro-parfait. Atteindre un juste équilibre, quoi. Vous avez ça en stock, Père Noël?

Une abondance qui frise la démence

Décembre est, pour plusieurs, synonyme d’abondance. Abondance de cadeaux à trouver, à acheter, à emballer. Abondance de dépenses en petites, moyennes et grosses lumières, en glaçons, en bonbons, en décorations, en choux, papiers, frisous et froufrous aux couleurs métalliques.

Tous ces éléments font renaître, année après année, toute la féerie du temps des fêtes. Cette magie, on s’en doute, a un prix. Derrière les façades des maisons illuminées se cachent quelques bonnes hémorragies financières et ô combien d’amoncellements de biens de consommation qui viennent s’ajouter à ceux, nombreux, que l’on possède déjà. Il suffit de se promener dans les rues les jours suivant la naissance du petit Jésus pour réaliser qu’à l’instar de leurs propriétaires, les bacs à déchets et de récupération ont, eux aussi, beaucoup trop mangé depuis le réveillon.

Ce n’est pas une primeur, la question de commercialisation de la fête de Noël revient sur la table depuis quelques années. Noël aurait perdu sa vraie signification. La surconsommation serait devenue une vraie religion. L’atmosphère de recueillement de la messe de minuit perdrait de ses adeptes au profit de la folie furieuse du boxing day et de ses rabais délirants. Les enfants afficheraient des mines imperturbables en déballant leur montagne de cadeaux comme d’autres travaillent à la chaîne. Sont-ce des rumeurs? Y aurait-il un fond de vérité dans ces affirmations?

Sans jeter la pierre sur l’ensemble de la société, force est d’admettre, en se regardant bien le nombril, que les festivités de fin décembre sont le théâtre de certaines exagérations. Et que ces démonstrations d’opulence chez l’un côtoient malheureusement les fins de mois cauchemardesques, les frigos vides et les besoins de base inadéquatement comblés chez l’autre.

Il n’y a rien de mal à fêter Noël autour d’un sapin illuminé. Ce n’est pas un crime d’envelopper des cadeaux pour le simple plaisir de les déballer fébrilement. Il est louable de vouloir rappeler à nos proches toute notre affection en les chouchoutant un brin. Mais cela peut se faire en toute conscience, en toute solidarité avec ce qui se passe autour de nous. Partager ce que l’on a, aider financièrement les bonnes causes est déjà une très bonne chose. On peut cependant pousser encore plus loin.

Comme consommatrice, j’ai un pouvoir, celui de faire des choix. Si j’achète ce jouet pas cher fabriqué en Chine, je contribue malgré moi à encourager le quasi-esclavage d’ouvriers sous-payés et bafoués dans leurs droits humains les plus légitimes. Si j’offre ce bidule à batteries à mon filleul, je condamne mon frère à devoir s’approvisionner et se débarrasser de piles pour que fiston s’amuse comme il se doit. Si je complète tous mes achats dans les grandes surfaces, les petits commerces spécialisés de mon voisinage craindront de mettre la clé dans la porte de leur rêve. Si chaque année je renouvelle mes stocks de papier d’emballage au lieu de simplement réutiliser ceux qui n’ont pas trop souffert l’année précédente, je jette les choux gras.

Choisir des cadeaux de Noël ne doit pas être qu’une simple valse-hésitation entre le cossin rouge et le machin bleu. Entre l’économie locale et la mondialisation, le suremballage et la simplicité, entre le gaspillage et la nécessité, fêter Noël commande désormais une réflexion. Suis-je prête à l’amorcer?