lundi 3 mars 2008

Le doigt pris dans l'engrenage

À l’achat d’un objet, le consommateur est à cent lieues de se douter, et souvent à des années lumières de se soucier, de tout le chemin parcouru par l’engin convoité. L’acte de consommation est un geste naturel, quotidien, au même titre que boire, manger et se laver les dents. Le rythme de vie, le climat dans lequel on évolue, la fonction qu’on occupe, l’endroit où on habite, les bobos qui nous affligent, tout nous amène à nous procurer mille petites choses plus ou moins essentielles.

Les temps ont bien changé et ce, de façon très rapide. À preuve, il n’y a pas des siècles qu’on achète des linges à vaisselle usinés en Asie, et non plus montés sur les métiers à tisser paroissiaux. Qui plus est, se procurer une multitude de produits dans la plus totale simplicité est devenu monnaie courante. Le principal effort à fournir pour se procurer un bien matériel consiste en effet à régler sa facture Visa en ligne sur le site d’Accès D.

Plus question de tricoter quinze paires de bas pour protéger la progéniture des grands froids. Plus nécessaire de casser le cochon pour acheter le seul téléviseur en noir et blanc de tout le comté. Les objets tombent du ciel et entrent chez nous à pleines portes. On nous sollicite de partout, par téléphone à l’heure du souper et jusque derrière les boîtes de céréales, pour nous vendre ce qu’on a déjà en double.

Dans un tel contexte, quoi de plus normal que notre lien affectif avec l’objet se soit tordu, voire atténué. Ma brosse à dent électrique se brise? Tant pis, j’en rachète une autre. Mon cellulaire fonctionne encore, mais dieu qu’il est moche? Au suivant, s’il vous plaît!

D’où nous vient ce besoin de vouloir changer ce qui nous entoure parce que le tout ne répond plus aux critères esthétiques du moment? Qui décide que la lunette fumée type aviateur est soudainement bonne pour les oubliettes alors qu’hier, elle crevait l’écran? Pourquoi un sofa fleuri deviendrait, du jour au lendemain, beaucoup moins confortable quand la mode nous dicte de passer vite aux imprimés carreautés?

Ce mécanisme, que dire, cette machination qu’est devenue l’engrenage de la consommation est difficile à expliquer sans l’aide d’un schéma. Et justement, c’est ce sur quoi se penche une courte vidéo créée aux États-Unis et disponible sur Internet. En regardant l’Histoire des objets (une traduction libre de « Story of Stuff »), quiconque s’intéresse à la grande chaîne de la consommation et maîtrise relativement bien la langue de Shakespeare trouvera réponse à ses questions. Illustré en cinq étapes, le cycle de vie des objets, de l’extraction à l’enfouissement, nous est vachement bien décortiqué.

Sans s’adresser à nous comme à de pauvres imbéciles gâtés pourris, Story of Stuff nous remet quand même les yeux en face des trous en matière de consommation. Nous fait réaliser que de notre côté de l’hémisphère planétaire, on consomme négligemment ce que le reste du globe se tue à nous fournir. Nous invite à nous questionner sur cette honteuse façon d’aller puiser n’importe comment des matières premières, tout ça pour que des travailleurs sous-payés et exposés à mille dangers assemblent des produits conçus pour ne pas durer longtemps et dont ils ne bénéficieront sans doute jamais, faute d’argent. Nous remet en plein visage l’absurdité d’aller finalement enfouir dans le lointain tiers-monde des déchets qui pourraient mettre en péril notre précieuse sécurité.

Pour un petit vingt minutes bien investi : http://www.storyofstuff.com/

2 commentaires:

a dit...
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
a dit...

Très bon billet.
Et si le désir de te procurer de belles choses, faites à la main dans le confort de ton chez toi, te prend, tu pourras toujours aller faire un tour sur ce site: http://www.etsy.com et ainsi conjuguer les métiers à tisser paroissiaux et Accès D.

Bon magasinage! hahahaha (rire diabolique!)