jeudi 17 mai 2007

In Memoriam


Ci-gît un robot culinaire à alimentation manuelle presque neuf. Bien qu’une publicité enthousiaste (et mensongère) en vantait la multifonctionnalité, l’objet s’est plutôt avéré dysfonctionnel, bruyant et embarrassant. Acheté à Noël, il a été mis à l’index avant Pâques. Après de longues années passées dans le couloir de la mort (le fond du garage), il mange maintenant les pissenlits par la racine, enterré vivant et entouré de quelques congénères hétéroclites.

Mince consolation pour le robot déjanté, son âme repose quand même à côté d’un jeune grille-pain que l’on vendait 8,99 $, une véritable aubaine sans garantie de fonctionnement. Ce dernier, après seulement six mois de loyaux services, a cassé sa pipe sans demander son reste. Il laisse désormais dans un deuil relatif son propriétaire, un être insouciant qui n’a jamais vraiment aimé investir de gros montants dans les petits appareils électriques. « Quand ça brise, on en rachète un autre, c’est tout. »

Le malheureux grille-pain rejoint dans l’éternité un écran d’ordinateur jauni, qu’un usager en soif de renouveau a remplacé par une version plus moderne, plus aplatie et plus grande. Inhumé prématurément (zut, l’étudiante qui habite à côté dudit usager en aurait justement eu besoin), l’écran, dans la noirceur de son lugubre tombeau, pleure des larmes de plomb, de cuivre, de mercure, de cadmium et autres lourds ennemis de la nappe phréatique.

Ces larmes de métal ne laissent pas indifférentes un cortège de piles alcalines enfouies non loin de là. Ces énergiques demoiselles croyaient à la réincarnation jusqu’au jour où elles se sont senties un peu à plat. On a alors fait fi de leurs croyances et décidé bêtement que leur vie utile s’arrêtait là. Mauvais choix. Ces piles ont des cousines qui, même usées à la corde, ont abouti non pas dans un corbillard d’ordures, mais dans un éco-centre où un accueil chaleureux les attendait.

Ces éplorées se consolent en se rappelant une rumeur déjà entendue, concernant des piles particulières, qui, moyennant un court séjour dans un étrange cercueil appelé « chargeur », renaissent littéralement de leurs cendres. Ces précieuses piles, parce que plus coûteuses, ne sont toutefois pas toujours le premier choix des consommateurs.

S’ils pouvaient écrire eux-mêmes leur épitaphe, ces objets n’iraient pas de main morte : « À la douce mémoire de tous les objets choisis à la hâte pour sauver trois sous, conçus pour briser ou froidement assassinés. Puissent-ils demeurer dans les pensées afin qu’on cesse à jamais de jeter les choux gras. »

2 commentaires:

Anonyme a dit...

Dans le même ordre d'idées, il y a mon four micro-ondes qui continue à chauffer les aliments avec l'énergie du désespoir, malgré la lumière de l'habitacle qui ne fonctionne plus depuis des lunes. Jusque-là, on s'en accomodait fort bien et on appréciait sa résistance à l'épreuve du temps... Il faisait son boulot malgré la noirceur. Mais il y a des épreuves insurmontables dans la vie d'un appareil électro-ménager. Maintenant que l'assiette rotative est cassée, qu'est-ce qu'on peut faire pour prolonger sa survie? Après des semaines de recherche, il a fallu se rendre à l'évidence : aucun commerce ne tient ce genre de marchandise... Pourquoi acheter une nouvelle assiette quand on peut avoir un nouveau micro-ondes pour le même prix? Et que fait-on du micro-ondes qui pourrait poursuivre une brillante carrière si on le dotait des atouts qui lui manquent? On le met au bord du chemin, pour qu'il aille rejoindre ses amis.

Yonn a dit...

ton exemple d'idée est parfaitement adéquate qu'au monde capitaliste d'aujourd'hui. on veut plus, le plus beau, le plus cher, la nouveauté, tout confondant avec moderne.

finalement nous nous se rendions compte que nous n'avions aucun âme, saveur de la vie fade, sans aucune exception pathétiquement ennuyante.

le vieux objet, en le réparant, on lui redonne une nouvelle vie, cet âme matériel continue à vivre quotidiennement avec toi, préserver son équilibre compréhensive morale.