mardi 8 mai 2007

Ma théorie de la relativité

Tout est relatif.
La distance, par exemple.
Quand j’avais quatre ans, le seul fait d’aller voir grand-maman à Saint-Tite me paraissait aussi long et hasardeux que de faire le tour de la terre en calèche.
C’est quand je me suis farci Sherbrooke-Havre-Saint-Pierre dans une Mazda 323 avec deux potes que j’ai relativisé. Saint-Tite, en fait, c’est au coin de la rue. Par rapport à Havre-Saint-Pierre, s’entend.
Tellement loin, Havre-Saint-Pierre, qu’en fait ça prend moins d’heures (en avion) pour aller jouer en sol français que d’aller (en voiture) se bourrer la fraise dans les confitures de chicoutée du beau village des Cayens.
Le temps qui passe n’est pas non plus épargné par la tout-est-relatif théorie.
Un exemple. Les mois ne m’ont jamais semblé aussi interminables qu’à Ottawa, quand j’effectuais un stage bidon dans un défunt ministère qui l’était tout autant, à saveur canado-propagandiste. Un avant goût prémonitoire de la houleuse commission Gomery.
Trois mois et demi où chaque pauvre journée s’égrenait à la même pauvre vitesse, celle que prend une tortue unijambiste pour remonter la côte King sur le verglas. Relativement long, dis-je.
Pourtant, trois mois, citron que ça passe vite de ce côté ci du monde.
Mine de rien, c’est le quart d’une année qui vient de me filer sous les yeux, comme un guépard bien cocaïné qui descend la côte King, une F1 à ses trousses. Toujours sur le verglas, tiens-je à préciser.
Archi-vite.
Déjà quand on vit avec six heures d’avance sur sa terre natale et les gens qu’on y aime, les secondes qui se précipitent en fou ne sont peut-être pas qu’une impression. Quand en plus on souhaite tout voir et tout goûter, une vie entière, ce n’est pas assez. Alors trois petits mois…
Relativité, toujours.
Or bien malgré moi, mon exil s’achève déjà. Remarquez, il y a quand même du bon. J’ai enfin atteint le point de saturation gastronomique. Qui l’eut cru ? Je n’en peux tout simplement plus d’être cette oie de service que l’on « outregave » sans pitié.
N’empêche, malgré le sourire sadique de mes hôtes qui s’entêtent à tout me faire goûter, s’il y avait un abonnement à vie pour ce pays, je serais la première à me le procurer. A n’importe quel prix.
J’ai maintenant presque honte de mon hésitation à partir, de m’être demandé si cela en valait la peine. J’ai même failli décliner par crainte qu’en mon absence, personne ne s’occupe d’arroser mes plantes et de ramasser mon courrier. Préoccupations majeures, hein ?
Oh que j’ai été bête de penser que deux trois bouquets de feuillage bien soignés et quatre cinq foutues factures dûment payées aient, il y a trois mois, pu faire contrepoids à ce séjour outremer que j’ai tant aimé partager avec vous.
Séjourner en France peut causer une dépendance.
C’est ce qui devrait être inscrit sur la pochette en papier de mes billets d’avion. C’est ce qu’auraient dû me dire tous les « franco-accrocs »—et ils font légion—parce que maintenant, je m’obstine à croire qu’on ne peut pas ne pas y revenir. Non, ça, ce n’est pas relatif.

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