mardi 8 mai 2007

Vengeance sucrée au pays des calories

Depuis deux mois et demi qu’on m’empiffre sans ménagement. « Il faut absolument que tu goûtes à ça » est devenu un hit dans le palmarès des conversations, suivie de près par « J’ai trop mangé » et « J’ai mal au cœur ».
Faut avouer que je n’offre pas grand résistance. Car c’est rarement des tranches de pommes, des bâtonnets de céleri et des carottes en rondelle qu’on me tend en lançant la phrase fatidique. C’est bien plus alléchant, en vérité.
J’ai eu droit à tout. Aux fromages à 60 % de matière grasse, aux croissants imbibés de vrai beurre, au caramel de Bretagne, aux nougats de Montélimar, à la crème de marron d’Ardèche. Au foie gras de canard, aux pâtisseries, au pain, aux yaourts au lait entier, aux lardons partout.
Côté tour de taille, je commence à ramer. Chaque gramme que j’ai pris ici porte la signature d’une région en particulier. Tout ceci est bien beau, bien bon, mais devant l’envahisseur, je ne pouvais rester les bras ballants.
Or j’ai décidé que moi aussi, je leur ferais goûter à ma médecine.
Que leur servir de bien typique du Québec, outre le sempiternel sirop d’érable et la « batche » de tourtières ?
Du beurre, de la crème 35 %, du sucre et de la cassonade en guise de contre-attaque, ça me semblait tout indiqué. Œil pour œil, dent sucrée pour dent sucrée. Mission ? Sucre à la crème.
Femmes du Québec nées avant l’avènement béni du batteur électrique, je vous lève mon chapeau. Je m’incline, je me prosterne, je vous lance les fleurs par dizaines.
Dépourvue du cher engin, j’en ai eu pour une bonne grosse demi heure à mouliner dans tous les sens avec l’énergie du désespoir, les yeux exorbités, la sueur au front, en invoquant l’intervention divine de feu ma grand-maman, une as en la matière. En vain.
Résultat obtenu ? Un mélange probablement pas assez cuit, qui n’a finalement jamais pris. Mais qui goûtait ce qu’un sucre à la crème honnête doit goûter.
En bonne petite ménagère que le gaspillage horripile, j’ai servi en glaçage la substance, sur un gâteau à base de beurre et de crème 35 %. « Gnagnagna » (rire sardonique), me suis-je dit en voyant les collègues mordre à belles dents dans l’arme du crime.
Leur réaction m’a jetée par terre.
Mes Français, ces mêmes gens qui déjeunent au pain au chocolat, qui jugent un sandwich réussi seulement si un centimètre de beurre accompagne le jambon, qui ne jurent que par la crème fraîche et qui tueraient pour une crêpe au Nutella, ont trouvé mon gâteau bon, oui, quoique un peu lourd…
Un petit côté insolite
J’ai toujours rêvé d’écrire une chronique insolite. Eh bien, l’heure est venue de me faire plaisir.
Jeudi dernier, je jette un œil dans mes courriels et j’y vois « Municipalité de Piopolis ».
Mes parents habitent cet endroit où j’ai grandi, et que j’ai toujours défendu contre les marées de sarcasmes. « Ton village, c’est un trou ». Non, bon !
Or je rends les armes. Oui, mon village est finalement peut-être un peu paumé. J’ai maintenant la preuve dans ma boîte de réception.
Jeudi dernier, donc. Ma maman, dans son courriel, me demande comment ça va pour moi en Angleterre.
J’y étais il y a trois ans et demi. Le message datait… du 22 janvier 2002. Merci, Piopolis.

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