mardi 8 mai 2007

Petit hasard du métro

Je passe la moitié de ma vie dans les transports en commun. Ici, c’est une réalité que tout le monde assume sans trop de mal. Moi, je supporte parce que temporaire, à coups lectures compulsives, assise, debout, coincée et souvent, bardassée. Faites ce que vous voulez, Parisiens, moi, je bouquine.
Or parfois, je commets l’irréparable. J’oublie mon compagnon de voyage. Et je me maudis. Un peu tête en l’air de ma personne, l’odieux se produit souvent.
Dans pareil cas, je lis n’importe quoi. C’est donc en feuilletant le Pariscope, brochure culturelle de Paris, que j’apprends qu’aurait lieu samedi soir un festival de musique manouche.
Musique que j’aime, mais festival qui tombe mal, j’ai autre chose à l’horaire. Zut.
Le lendemain, jeudi, est un beau jour férié à cause de la fête de l’Ascension, semble-t-il. Que je compte aller passer dans le coin des Tuileries, vu le soleil.
Dans l’énervement des préparatifs (j’ai trois hantises : oublier mes clés, perdre ma carte de transports, égarer mon appareil-photo), je laisse Le dictateur et le hamac at home. Tabarouette. Pas de Pariscope non plus.
Les mains vides et les yeux dans le vague, j’applique la solution de rechange. L’analyse objective de ceux qui m’entourent. Celui qui s’assoit face à moi ce jour-là n’a pas idée de la critique vestimentaire qui me passe par la tête à mesure que le métro s’enfonce dans le ventre de Paris.
C’est qu’il fait dans le blanc cassé, le petit bonjour. Même moi, la reine du vêtement assorti, je trouve qu’avec son tricot de coton crème, son pantalon de lin ivoire et ses pompes pointues coquille d’œuf, il a un peu forcé la note.
A trop vouloir « fitter », mon homme, on devient quétaine. Et je ne vous parle pas de ses cheveux, que sépare une raie de côté. Ça lui donne une tête de jeune poète incompris…
Le métro arrête, je sors, laissant là Mister Off-White. La journée passe, le soleil brille, les Tuileries, en passant, vous saluent.
Vendredi midi. Encore congé, j’en ai de la chance ! Je regarde les infos du midi d’un œil distrait quand mon oreille saisit au vol « festival de jazz manouche ». Je risque un œil. Tiens donc, une chaussure pointue ivoire. Doublée d’un pantalon de lin crème. Triplé d’un tricot de coton coquille d’oeuf.
Ciel, c’est le poète incompris de la ligne 7. Il n’aurait pas pu me dire qu’il jouait de la guitare comme un dieu, j’aurais peut-être tapé moins fort sur sa séparation capillaire ! Mais qu’est-ce qu’il joue bien !
Il fait même partie intégrante du happening manouche du lendemain, apprends-je. Eh ben, eh ben. Vont-ils finir par me dire qui c’est que ce monochrome talent sur pattes ?
Tête en l’air, disions-nous ? Je pourrais en effet passer quatre heures à dévisager Jack Nicholson sans jamais me douter qu’il n’est pas, par exemple, le contrôleur du train, alors je m’attends au pire. Une chose est certaine, ce n’est pas Thierry L’Hermite. Ni Jimi Hendrix. Le fameux nom apparaît. David Reinhardt. Petit-fils de l’éminent et mythique guitariste feu Django.
Qui, certes, pour les musiciens et mélomanes, est connu comme Barabas dans la Passion.
Finalement, ce n’était pas si mal, l’ensemble blanc cassé…

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