mardi 8 mai 2007

À la douce mémoire du pavillon 4

Je vis dans un état constant d’impressions de déjà vu. Vous savez, ces flashes de « coudonc, j’ai déjà vécu ça moi… ». D’habitude, ça me prend deux trois fois par année. Mais là, ça me poursuit.
Il y a sept ans, je descendais les marches du pavillon 4, celles qui donnent sur Kennedy Sud, le cœur un peu en bouillie. Au bout de deux mémorables années, le programme collégial de Lettres était déjà complété, en bonne et due forme.
Un peu trop vite à mon goût. Je l’avoue, j’aurais presque aimé échouer quelques matières pour pouvoir y retourner en septembre. Manger des Ringolo dans les corridors étroits du plus ancien pavillon du collège de Sherbrooke, connaître et saluer une personne sur deux dans l’établissement… La joie, quoi !
Entre les cours de philo de la volubile Marie-Germaine et ceux de littérature québécoise du sieur Georges-Vincent, le défunt programme Lettres aurait pu, ou dû, s’appeler Survol à distance de Paris et de son histoire.
Ce que les profs nous en ont mis dans le crâne pendant cette pourtant si courte période ! Et bêtement, c’est maintenant que je m’en rends compte.
Parce qu’en ce moment, j’ai les deux pieds dedans ce que j’ai étudié sept ans auparavant. D’où les fameuses impressions de déjà vu.
Parce que chaque page de la saga Malaussène de Daniel Pennac, qu’a introduit dans ma vie Réjean Bergeron (je ne l’en remercierai jamais assez), et la littérature policière qu’il enseignait avec passion, prend soudainement tout son sens quand on a vu et marché la multiethnique Belleville.
Parce que les splendeurs du musée d’Orsay au grand complet se veulent la version en 3 D des exposés et diaporamas de Claudine Desautels, enseignante colorée qui nous injectait si bien son dada de l’histoire de l’art.
Parce que de l’autre côté de la Seine, plantée dans l’immense Louvre, la Vénus de Milo (quand on réussit à la voir au travers les marées de visiteurs) me rappelle les blagues timides du Richard du même nom, à un « t » près.
Parce que de cimetières en places, de rues en avenues, les écrivains des temps passés voient leurs noms immortalisés autrement que dans les dizaines de grandes œuvres que Lucie Forget nous présentait, les yeux brillants. Ils sont tous là, de Aragon à Voltaire, de Ronsard à Balzac.
Et Zola aussi, un peu, indirectement, par les Halles toujours bondées où j’ai fait de belles trouvailles, et dont l’auteur fait l’exhaustive description dans Le Ventre de Paris.
Et par le réseau ferroviaire, que j’utilise à outrance, et dont le petit côté glauque me ramène toujours à certains passages éloquents de La Bête humaine.
L’école m’en a fait voir de toutes les couleurs, et beaucoup en peu de temps. Ce que je croyais avoir appris pour mieux oublier ne s’en est apparemment pas complètement allé.
Prise entre le bourrage de crâne et les travaux à remettre, l’étudiante que je fus mettais souvent en doute la pertinence de ce qu’on lui enseignait. Aussi j’ai certainement ronchonné au moment de mémoriser, d’analyser et d’interpréter.
Mais ce qui était un petit programme préuniversitaire vite fait bien fait, que certains appelaient même « vacances » s’avère finalement, vu d’ici, être le plus précieux, le plus complet, le plus infaillible des guides touristiques !

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