À la voir jaillir sans fin des tuyaux, fournir en circuit ouvert les systèmes de climatisation et décrotter sur demande les brassées de blanc, de foncé et de serviettes, l’eau douce donne l’illusion de provenir d’un puis sans fond. C’est pourtant à tort que nous croyons ne pouvoir jamais venir à bout de ce qui scintille au bout du gicleur à jardin. L’eau douce constitue un pourcentage infime de la quantité d’eau disponible sur la planète, soit l’équivalent d’une goutte d’eau dans une piscine hors terre. Tout le reste est salé. Or bleu, disions-nous?
À cause de cette rareté, l’eau revêt un caractère précieux qui ouvre la porte à nombre de campagnes de sensibilisation. On nous le dit, on nous le répète, on nous casse presque les oreilles avec ces « 10 conseils pour économiser l’eau » et autres recettes simples et efficaces pour une utilisation responsable de cette ressource, qui, chez nous, est accessible presque trop facilement. Pour stopper l’ « hémeaurragie », des pluies de statistiques nous ramènent fréquemment à la réalité. Chez certains sujets, elles causent même des remous de conscience.
Comme québécoise, consommé-je vraiment en moyenne 400 litres d’eau par jour? Stupeur! Vous me dites que pendant que je me savonne allègrement dans le confort de ma douche bien chaude, j’utilise une vingtaine de litres d’eau, soit la consommation quotidienne des habitants des pays en voie de développement? Scandalisant. Tandis que tourbillonne dans ma vieille toilette le résultat de ma dernière pause-pipi, ce sont 18 litres d’une eau aussi potable que celle du robinet qui sont expédiés aux égouts? Pas croyable. Vous m’annoncez que, parce qu’elles sont responsables d’aller puiser de l’eau pour leurs familles, les fillettes des pays du tiers monde sont moins beaucoup moins scolarisées que les garçons? Consternation!
Maintenant que je sais que dans le monde, une personne sur cinq n’a même pas accès à de l’eau potable, j’éprouve un peu moins de satisfaction à nettoyer scrupuleusement mon entrée d’asphalte au boyau d’arrosage. Plus près de chez nous, depuis qu’une amie riveraine peut m’épeler à l’endroit comme à l’envers le mot cyanobactérie et qu’elle se méfie de son robinet comme de la peste, je ne laisse plus couler un mince filet pour que se désaltère son altesse mon chat. Avoir de l’eau potable n’est pas une normalité, mais bien un privilège. Avec le grand nettoyage du printemps du printemps et l’été qui s’en vient, je donne à mon eau potable la place de joyau qui lui revient. Le gaspillage d’eau, je ne m’en lave pas les mains.
mardi 8 mai 2007
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