mardi 8 mai 2007

Tulipes, Bretons et autres péchés mignons

Il est de ces anecdotes qui font toute la différence entre la gentille chronique de voyage et le papier un peu plus relevé. Et il y a ces gens que l’on rencontre qui nous créent, en deux minutes, d’impérissables pensées.
Ce qu’il faut avant tout savoir, c’est qu’en ce pays, du moment que le Québécois moyen ouvre la bouche, il renonce du coup à son anonymat.
A Paris, ville multiethnique comme pas une, chacune des prises de paroles publique du « canayen français » provoque une grêlée de regards en points d’interrogation.
Chez les Bretons, je viens de l’apprendre, se faire aller la trappe en français quand l’accent diffère suscite une enfilade de questions intéressées.
La Bretagne donc. Visitée par votre humble journaliste durant sa dernière escapade hebdomadaire. De la Bretagne, je ne connaissais jusqu’à ce jour que les crêpes mythiques et le génial beurrier (fini, le béton armé à tartiner que l’on sort du frigo !).
Pour mettre un terme à cette triste ignorance, je mets le cap vers Lorient, ville tombée sous les bombes de la deuxième grande guerre, et qui, à ce qu’on en dit, n’est plus que l’ombre de ce qu’elle fut jadis.
Puis, dimanche matin, je continue mon périple vers Vannes. Une Vannes endimanchée, endormie, mais belle comme le jour. De superbes chaumières à colombages, que l’on rencontre si rarement chez nous et dont certaines sont là depuis le 14e siècle, se succèdent dans les ruelles étroites. Je photographie frénétiquement toutes les beautés qui jalonnent mon chemin (et franchement, ce n’est pas peu dire).
Vannes est cerclée de remparts. Pour entrer dans les murs datant de je ne sais plus combien de siècles de cette fascinante cité médiévale, le piéton (ou l’automobiliste téméraire) a accès à de grandes portes.
Bonne touriste, je me prépare à photographier l’une d’elles, la porte Saint-Vincent, quand à la dernière fraction de seconde surgit un individu dans le cadre établi. Il se retrouve aussitôt au premier plan de ma version photo de la porte Saint-Vincent.
Comme je ne suis pas maniaque, je ne reprends pas la pose. Celle-ci suffira, même avec un figurant surprise.
« Vous n’auriez pas dû me photographier, madame. » Oh merde, serait-on en train de me semoncer ? Gloup !
L’homme s’avance vers moi. « J’avais la goutte au nez, ça ne fera pas une très jolie photo ! », précise-t-il, en extirpant de son imper un long mouchoir de tissu.
Ah ben ouf ! Voyant le ton avenant de mon interlocuteur, je lui réponds en rigolant qu’il n’a pas à s’inquiéter et lui montre aussitôt l’image dont il est malgré lui le héros.
« Mais dites donc, mademoiselle, où avez-vous attrapé votre accent ? », m’interroge-t-il sitôt fini mon bref laïus. Belgique ? Suisse ? … ? »
Je l’arrête avant qu’il ne me sorte Guyane française ou île Maurice. « Du Québec, monsieur ».
Il se retourne vers une poignée de gens postés derrière une table qui croule sous les gerbes de tulipes, vendues au profit de la lutte contre le cancer, et leur fait part de ma provenance avec enthousiasme.
« Je vous les offre, mademoiselle », ajoute-t-il ensuite en tendant une dizaine de rouges à une Québécoise consternée (moi).
« Au fait, j’espère que vous n’êtes pas journaliste, je n’aimerais pas que ma femme me voit dans les infos », dit-il avant de s’éloigner, sourire en coin.
Si, justement, brave homme. Mais ne craignez rien, votre femme, j’en suis convaincue, ne lira jamais mon hebdo…

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